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Louise Roussel et son vélo. Photo d'André Faria

"À vos cycles ! Le guide du vélo au fémi­nin" le pre­mier livre de Louise Roussel sur le pou­voir éman­ci­pa­teur du vélo

La jeune femme publie À vos cycles ! Le guide du vélo au fémi­nin*. Elle s’apprête à enta­mer un tour de France sur son vélo car­go, à la ren­contre d’autres femmes qui, comme elles, ont fait de la petite reine un outil d’émancipation et de plaisir.

La pre­mière semaine de mai s’annonce char­gée pour Louise Roussel. Jeudi 6 mai, la tren­te­naire qui vit à Lille publie son pre­mier livre inti­tu­lé À vos cycles ! Dans cet ouvrage, qui mêle por­traits de femmes cyclistes, fiches pra­tiques et pro­po­si­tions de par­cours, elle montre com­ment le vélo de ville, de route ou de longue dis­tance n’a rien d’un truc de mecs. Au fil des 208 pages, elle raconte com­ment il est, au contraire, un outil de liber­té et d’égalité dont les femmes peuvent s’emparer. Deux jours plus tard, le same­di 8 mai, elle pas­se­ra de la théo­rie à la pra­tique et enfour­che­ra son vélo car­go. Habituée des voyages en cuis­sard – elle a notam­ment ral­lié Amsterdam et Budapest depuis Lille –, elle repren­dra la route, char­gée de sa tente, de quelques outils et de vivres ain­si que d’exemplaires de son ouvrage. Le cir­cuit part de Lille et fait le tour de la France en deux mois. « Je ne pars pas seule, cor­rige Louise, jointe en pleins pré­pa­ra­tifs. Je serai avec ma copine, Océane, qui a relu les épreuves du livre, vit ce pro­jet depuis ses débuts avec moi et quitte, elle aus­si, son bou­lot. Nous par­tons à la ren­contre des femmes pré­sen­tées dans le guide pour réa­li­ser un documentaire. » 

Road trip engagé

Tourner un film, avec l’aide d’une pro­fes­sion­nelle, n’était pas pré­vu au départ. Le pro­jet a vu le jour et pris de l’ampleur au gré des contacts noués par Louise lors de la rédac­tion du livre. Quelques spon­sors comme le fabri­cant de sports Decathlon, le site Komoot ou la fon­da­tion AJI, qui pro­meut le sport au fémi­nin, ont par­ti­ci­pé finan­ciè­re­ment, per­met­tant à Louise et Océane de mener leur aven­ture sans trop d’angoisses maté­rielles. Louise sait déjà qu’elle va retrou­ver sur la route de « vieilles cyclotes », des pion­nières du cyclo­tou­risme, mais aus­si des jeunes femmes qui animent des ate­liers de répa­ra­tion de vélos non mixtes et des spor­tives de haut niveau comme l’Américaine Lael Wilcox qui pra­tique l’ultradistance (ultra­dis­tance = 15 000 kilo­mètres en trois mois, oui, oui). Des por­traits de femmes pas­sion­nées « qui s’engagent, qui roulent, bri­colent, se dépassent et nous ins­pirent », détaille Louise. Si la situa­tion sani­taire le per­met, des ren­contres dans des librai­ries sont aus­si pré­vues dans six villes étapes (Lille, Paris, Nevers, Lyon, Montpellier, Toulouse et Bordeaux). Le docu­men­taire devrait être visible « gra­tui­te­ment sur Internet » l’an prochain.

« Grâce au vélo, je sais que je suis capable de tout faire »

Louise Roussel

Au fil des années, la bicy­clette a pris une place de plus en plus impor­tante dans la vie de la jeune femme. Tout a com­men­cé il y a six ans, un peu par hasard. « Mon pre­mier départ est dû à un cha­grin d’amour, raconte-​t-​elle. La copine de mon frère venait de le quit­ter, il avait besoin de se chan­ger les idées et m’a pro­po­sé de par­tir avec lui. Comme on n’avait pas d’argent, on a opté pour le vélo. » Elle récu­père un vieux modèle qui appar­te­nait à sa mère et se lance, la fleur au fusil, en direc­tion d’Amsterdam. Quelques embûches et pas mal de kilo­mètres plus tard, elle com­prend que ce moyen de loco­mo­tion va lui appor­ter bien plus qu’elle ne l’imaginait. Elle en fera d’ailleurs son métier puisqu’avant de démis­sion­ner pour par­tir en auto­no­mie, elle était res­pon­sable de com­mu­ni­ca­tion pour une marque de vélo. 

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À son échelle, elle tente de battre en brèche les idées reçues qui collent au maillot des cyclistes. « Il y a une forme d’autocensure incul­quée très tôt, se désole-​t-​elle. Je connais des mecs qui se lancent dans des voyages déli­rants avec des cen­taines de kilo­mètres et per­sonne ne remet jamais en doute le fait qu’ils puissent y arri­ver. Par contre, quand c’est une femme, on se pose des ques­tions sur son endu­rance ou sa force phy­sique. » Mais Louise tente de s’en foutre et de tra­cer sa route, sans rien lâcher niveau cuisses et niveau men­tal. « Quand j’ai com­men­cé à faire des voyages à vélo, c’était un moyen de m’évader, de faire le vide, se sou­vient Louise. Ça m’a sur­tout appris que je suis capable de tout faire, que je peux avoir confiance en moi. Quand on part seule et qu’on se rend compte que la grande majo­ri­té des gens sont gen­tils, qu’une femme peut se dépla­cer sans pro­blème, c’est une belle vic­toire. » Au début de son livre, Louise rap­pelle la phrase de la suf­fra­gette amé­ri­caine Susan B. Anthony pour qui « la bicy­clette a fait plus pour l’émancipation des femmes que n’importe quelle chose au monde ». 

La bicy­clette, outil de libération

La cita­tion de Susan B. Anthony prend tout son sens à la lec­ture du por­trait de la cycliste afghane Masomah Ali Zada que Louise dresse dans son livre et vue dans le repor­tage d’Arte Les Petites Reines de Kaboul. La jeune ath­lète désor­mais réfu­giée en France est d’ailleurs sur le point de par­ti­ci­per aux JO de Tokyo. « Le vélo a vrai­ment joué un rôle his­to­rique de libé­ra­tion des femmes, pour­suit Louise. Moi, j’apprécie la gra­tui­té et la sim­pli­ci­té du mou­ve­ment et ça me paraît natu­rel et évident de rou­ler, mais dans cer­taines régions du monde comme en Afghanistan, par exemple, c’est consi­dé­ré comme un péché pour les femmes. Quand Masomah pédale, elle lutte vrai­ment pour ses droits. » 

Pour Louise Roussel, le vélo est un outil poli­tique et mili­tant. En 2018, elle a créé l’association « Vai ma poule » qui per­met à des demandeur·euses d’asile et à des réfugié⋅es de la région lil­loise de prendre part à des bivouacs et à des ran­don­nées à vélo. Une façon de créer des liens et de redon­ner un peu de plai­sir et d’évasion à des per­sonnes en grande dif­fi­cul­té. Elle devrait d’ailleurs pour­suivre dans cette voie altruiste et spor­tive dans sa pro­chaine vie, celle qui com­mence au mois de mai. « Une fois le tour ter­mi­né, on pense conti­nuer à péda­ler jusqu’à la fin de l’année et se poser ensuite », raconte-​t-​elle. C’est encore bal­bu­tiant, mais la jeune femme nour­rit éga­le­ment le pro­jet d’ouvrir, l’an pro­chain, avec Océane, un lieu dédié au vélo en Bretagne. Elle s’y voit déjà. « Ce sera au bord de la mer, décrit-​elle. On l’envisage comme un espace acces­sible aux per­sonnes les moins fami­lières avec le vélo, qui n’ont pas faci­le­ment accès au sport et à la micro-​aventure, celles qui souffrent de troubles men­taux ou qui sont dans une grande pré­ca­ri­té. » Le voyage de Louise ne fait que commencer.

* Sortie le 6 mai. Éd. Tana, 208 pages. 

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