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Les enfants de la fon­da­tion Action Enfance de Villabé font leur cinéma

Une ving­taine d’enfants placé·es de Villabé (Essonne) tourne actuel­le­ment un court-​métrage dans le cadre du fes­ti­val « Action Enfance fait son ciné­ma ». Pour l’occasion, Causette a assis­té, le 16 avril, au tour­nage d’une des scènes de leur film, le Divin 7.

« Attention au signal. Silence sur le pla­teau. Moteur. Ça tourne ! » À ces mots, Alixia, 12 ans, tra­verse la pièce d’un pas déci­dé, un clas­seur rouge dans les bras. La jeune fille joue le rôle d’une assis­tante réa­li­sa­trice visi­ble­ment mécon­tente du tour­nage qui se déroule à ses côtés. À sa gauche, en guise de per­son­nages, un réa­li­sa­teur, un camé­ra­man, une perch­wo­man et même un ingé­nieur du son, tous joués par ses petit·es cama­rades. À sa droite, un réa­li­sa­teur, un camé­ra­man, une perch­wo­man et même un ingé­nieur du son… professionnel·les. Le pitch du film qui se tourne pen­dant ces vacances sco­laires est digne des meilleures mises en abyme : « C’est l’histoire d’un réa­li­sa­teur qui reçoit l’oscar du meilleur film pour son long-​métrage sur les pirates, résume le réa­li­sa­teur, Valentin Buronfosse. Pendant son dis­cours, il décrit la bonne ambiance du tour­nage, en réa­li­té bien loin de ce qui s’est véri­ta­ble­ment pas­sé… » Ceci explique le décor d’une vieille cale de navire ins­tal­lée sur le plateau. 

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Le décor d'une vieille cale d'un navire de pirates ©AT

Plongée dans le noir pour l’occasion, la salle poly­va­lente Paul Poisson de Villabé (Essonne) accueillait ce 16 avril le tour­nage du court métrage, le Divin 7, dans le cadre de la qua­trième édi­tion d’« Action Enfance fait son ciné­ma ». Une aven­ture ciné­ma­to­gra­phique hors-​norme puisque tous·tes les comédien·nes sont joué·es par une ving­taine d’enfants, enca­drée sur place par quinze étudiant·es de l’école de ciné­ma de l’ESRA. Les apprenti·es acteur·trices de 7 à 15 ans viennent tous du Village d’Enfants de Villabé de la fon­da­tion Action Enfance, qui accueille dans des mai­sons indi­vi­duelles, des fra­tries sépa­rées de leurs parents sur déci­sion du Juge des enfants. Le vil­lage de l’Essonne n’est pas le seul à s’essayer au sep­tième art, puisque les 15 éta­blis­se­ments de la fon­da­tion – répar­tis dans toute la France – par­ti­cipent éga­le­ment à ce fes­ti­val de courts-​métrages. Quant aux étudiant·es, elles et ils viennent de quatre grandes écoles de ciné­ma et coor­donnent toute la pro­duc­tion des films en lien avec les éducateur·trices référent·es des Villages d’Enfants. 

Un pro­jet thé­ra­peu­tique et pédagogique

« Fermez la porte pour que per­sonne ne rentre. On refait la scène », lance avec sérieux, le réa­li­sa­teur Valentin Buronfosse, en deuxième année à l’ESRA. Difficile pour les étudiant·es en ciné­ma de main­te­nir un silence mona­cal sur le pla­teau avec les enfants qui vont et viennent sur le setEn témoignent les rires qui s’échappent de l’autre côté du mur. « Il faut gérer les agi­ta­tions, les frus­tra­tions, les “pour­quoi moi je ne joue pas le pre­mier rôle“, pré­cise le réa­li­sa­teur de 19 ans. Mais je suis agréa­ble­ment sur­pris, les enfants sont de véri­tables “crèmes”, dans l’ensemble ils nous écoutent bien et sont adorables. »

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Adixia et l'équipe de tour­nage de l'ESRA se tiennent prêtes pour un nou­vel essai ©AT

Car tous les enfants ne peuvent effec­ti­ve­ment pas par­ti­ci­per au fes­ti­val. Pour le vil­lage de Villabé, qui compte soixante enfants et adolescent·es, une ving­taine a été sélec­tion­née. « Premièrement, on leur demande s’ils veulent par­ti­ci­per. Certains reviennent chaque année mais on veille à ce que les rôles tournent : les pre­miers rôles seront figu­rants l’année d’après et inver­se­ment, indique Marie Henni, direc­trice du vil­lage d’enfants de Villabé. Puis ils passent un cas­ting au cours duquel ils font des essais. Ce sont les étu­diants qui choi­sissent leurs petites recrues. » Cette année, le pre­mier rôle, celui du réa­li­sa­teur excen­trique, revient à Sofiane, 14 ans. « Je suis content parce que l’an der­nier j’étais figu­rant », se satis­fait l’adolescent entre deux prises. 

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L'accès au tour­nage du Divin 7 ©AT

Pour Divin 7, l’aventure du grand écran a com­men­cé en sep­tembre der­nier. Comme les autres réalisateur·trices, Valentin Buronfosse envoie le scé­na­rio de son court-​métrage à la fon­da­tion. « J’ai mis envi­ron 1 mois à l’écrire, précise-​t-​il. Faire un film dans un film avec des enfants c’était un vrai défi, il faut s’adapter mais c’est aus­si pas­sion­nant. » Sur 180 scripts reçus, Action Enfance sélec­tionne au final 16 scé­na­rios d’environ 4 minutes pour les 15 vil­lages – l’un d’eux réa­lise deux court-​métrages en rai­son de son nombre plus éle­vé d’enfants. L’équipe de réa­li­sa­tion choi­sie se rend ensuite dans le vil­lage pour faire connais­sance avec les enfants et leur pré­sen­ter le pitch du film. 

« "Action Enfance fait son ciné­ma" leur fait beau­coup de bien, assure la direc­trice Marie Henni. Ce sont des enfants qui pour beau­coup ont connu des mal­trai­tances et des négli­gences lourdes, alors par­ti­ci­per à ce pro­jet est à la fois thé­ra­peu­tique et péda­go­gique. Ils apprennent la patience. Ils se sentent aus­si valo­ri­sés et appré­cient de se voir sur grand écran. » Faire du ciné­ma per­met éga­le­ment à ces enfants sou­vent isolé·es de déve­lop­per leur socia­bi­li­sa­tion. « Il y a un esprit fédé­ra­teur très fort autour de ce film, ajoute la direc­trice du vil­lage. Tout le monde s’entraide et se soutient. »

Une expé­rience récompensée 

Pour accom­pa­gner les enfants sur le tour­nage, deux édu­ca­trices de la fon­da­tion, Amélie et Laëtitia, sont effec­ti­ve­ment pré­sentes, assises sur un banc der­rière les pro­jec­teurs. Ces enfants, elles les connaissent bien puisqu'elles se relaient 24 heures sur 24 et sept jours sur sept au près d'eux dans le Village d'Enfants de Villabé. « On les cana­lise quand il y a des débor­de­ments et on les remo­tive quand ils en ont besoin, sou­ligne Amélie. Mais géné­ra­le­ment ils sont très curieux et inves­tis. Parfois même un peu stres­sés. » Allyana, elle, n’a pas l’air angois­sée pour sa pre­mière par­ti­ci­pa­tion. À 10 ans, elle joue le rôle d’une ingé­nieure du son. « Ça me fait rire de faire ça, ça change, pré­cise Allyana. On s’amuse beau­coup et les étu­diants sont très sym­pas avec nous. » Si l’expérience est amu­sante, Allyana ne compte pas pour autant pour­suivre dans le ciné­ma, elle qui rêve d’une car­rière de foot­bal­leuse. Sa grande sœur Kellyana, en revanche, aime­rait deve­nir actrice, pour de vrai cette fois. « Je joue le rôle d’une per­che­wo­man, affirme la jeune fille de 12 ans. J’adore car ça me donne des res­pon­sa­bi­li­tés, j’espère vrai­ment qu’on gagne­ra le prix à la fin. »

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Entre deux prises, les étudiant·es en ciné­ma dis­cutent avec les enfants ©AT

Gagner un prix. C’est aus­si l’ambition de Valentin et de son équipe qui ont jusqu’au 15 juin pour mon­ter le Divin 7« Ça va le faire, il nous reste une tren­taine de prise à faire d’ici le 20 avril », indique le jeune réa­li­sa­teur de l’ESRA. Une fois mon­tés, tous les films seront pré­sen­tés en sep­tembre à un jury com­po­sé de professionnel·les du ciné­ma. Ils seront aus­si visibles sur le site de la fon­da­tion où tout un cha­cun est invi­té à voter du 23 août au 23 sep­tembre pour élire le prix du public. « C’est un plus de gagner évi­dem­ment, mais ce n’est pas mon but pre­mier, assure Valentin Buronfosse. Je suis déjà très content d’avoir été sélec­tion­né et de faire ce film avec les enfants, c’est mon pre­mier gros projet. »

Un prix du jury et un prix coup de cœur seront éga­le­ment remis au cours d’une grande soi­rée qui aura lieu – si la situa­tion sani­taire le per­met – au Grand Rex à Paris fin sep­tembre. « C’est une céré­mo­nie impor­tante pour les enfants, sou­ligne Marie Henni. Les films sont pro­je­tés sur grand écranles enfants sont en tenue de gala pour l’occasion, ils montent sur scène pour rece­voir leur prix, c’est un très beau moment. »

Une récom­pense à la hau­teur de la rigueur du job éphé­mère. « Parfois c’est dur parce qu’il faut refaire la prise plu­sieurs fois », sou­ligne Sofiane. Cette fois, au bout de trois essais, « la prise est bonne » lance Valentin Buronfosse sous les applau­dis­se­ments. Toutes et tous peuvent désor­mais pro­fi­ter d’une pause méri­tée. D’ailleurs, de l’autre côté de la porte rai­sonnent déjà les rires des enfants et la musique d’Aya Nakamura. 


Agir pour la pro­tec­tion de l'enfance

La fon­da­tion Action Enfance accueille depuis 1971 des fra­tries, de la nais­sance à la majo­ri­té, sépa­rés de leurs parents sur déci­sion du Juge des enfants, suite à des situa­tions de mal­trai­tance ou de négli­gence grave. Chacun des quinze vil­lages se com­pose d’une dizaine de mai­sons où vivent cinq enfants et un·e éducateur·ice qui les accom­pagnent nuit et jour dans la vie quo­ti­dienne. « Ici, on leur apporte une autre vie de famille sans leurs parents, assure Marie Henni, la direc­trice du vil­lage d’Enfants de Villabé. On ne les rem­place pas, d’ailleurs des droits de visite sont orga­ni­sés lorsque c’est pos­sible, mais c’est pri­mor­dial pour eux de gran­dir et de se recons­truire avec leurs frères et sœurs dans un cadre fami­lial stable. » 900 enfants et adolescent·es sont actuel­le­ment pris en charge par la fondation.

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