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Le ciné-club Tonnerre (©Clément Boutin)

Au ciné-​club pari­sien et fémi­niste Tonnerre, une contre-​soirée aux César pour mettre en avant de nou­veaux regards

Le ciné-​club Tonnerre a orga­ni­sé jeu­di une contre-​soirée aux César. Cinq réa­li­sa­trices de courts-​métrages étaient pro­gram­mées, autrices d'œuvres sin­gu­lières et fortes.

Quand on arrive devant le Majestic Bastille, une petite foule se presse devant ce ciné­ma du 11e arron­dis­se­ment de Paris. La jour­na­liste et autrice fémi­niste Elvire Duvelle-​Charles orga­nise une nou­velle édi­tion de son génial ciné-​club Tonnerre, qu'elle a cette fois pen­sée comme une contre-​soirée aux César. Cinq réa­li­sa­trices de courts-​métrages sont ain­si pro­gram­mées : Urška Djukić et Emilie Pigeard (La vie sexuelle de mamie), Johanna Caraire (Sardine), Manon Droulez (La légende) et Lila Pinell (Le roi David).

Sur l'affiche scot­chée sur la porte du ciné­ma, Elvire Duvelle-​Charles pose gri­mée en Adèle Haenel dans le film Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciamma. Cette soi­rée, elle sou­hai­tait l'organiser bien avant de voir l'absence de femmes dans la caté­go­rie « meilleure réa­li­sa­tion » aux César. « Il y a une part de hasard », glisse-​t-​elle en sou­riant, dans sa robe blanche digne d'une céré­mo­nie de remise de prix, avant de pour­suivre : « Depuis le début de Tonnerre, je vou­lais consa­crer une soi­rée aux courts-​métrages. On dit que le ciné­ma est en crise, que plus per­sonne ne va en salle, mais je pense que c'est parce qu'on a besoin de nou­veaux regards. Ils se situent au niveau du court-​métrage, avec des cinéastes en devenir. »

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Pour la sélec­tion, elle a choi­si quatre œuvres qu'elles avait vues et qui l'avaient tou­chée et émue. Mais elle a été « inter­lo­quée » de se rendre compte qu'il ne s'agissait que de réa­li­sa­trices blanches. « J'ai deman­dé à la pro­duc­trice de la socié­té ciné­ma­to­gra­phique Dulac Cinémas, avec qui j'organise Tonnerre, de m'aider à trou­ver d'autres films, se souvient-​elle. On a exhu­mé toutes les pro­gram­ma­tions de fes­ti­vals pour reve­nir bre­douilles. J'ai alors pris conscience qu'il y avait de plus en plus de femmes sélec­tion­nées dans les caté­go­ries "meilleur court-​métrage" et "meilleur pre­mier film", que c'était de plus en plus pari­taire, mais par contre que c'était… blanc. Alice Diop repré­sente un peu l'exception… »

« Il faut chan­ger toute l'industrie »

Lila Pinell, dont le court-​métrage Le roi David est sélec­tion­né aux César 2023, sou­ligne, elle aus­si, qu'il s'agit de la seule caté­go­rie, avec celle du « meilleur pre­mier film », où les femmes sont pré­sentes. « C'est réjouis­sant, mais sinon le reste est quand même très mas­cu­lin, ajoute-​t-​elle. Ce n'est pas nor­mal. Je ne sais pas exac­te­ment qui sont les gens qui votent. Je pense qu'il faut chan­ger toute l'industrie. Cela passe par des évé­ne­ments paral­lèles, comme Tonnerre, par des choses alter­na­tives. »

L'influence que ce ciné-​club peut avoir n'est, en effet, pas négli­geable : seule­ment trois jours après la mise en vente des places, la contre-​soirée affi­chait com­plet. Les quatre courts-​métrages sélec­tion­nés étaient beaux, variés et por­tés par des per­son­nages fémi­nins forts et hauts en cou­leur. Mention spé­ciale au court-​métrage Sardine de Johanna Caraire, sur l'acceptation du deuil, por­té par un trio d'actrices (Manon Kneusé, Jennifer Decker et Estelle Meyer) drôles et tou­chantes, et à celui de Lila Pinell, sur une jeune fille pau­mée et vic­times de vio­lences conju­gales, mené par l'impressionnante Eva Huault. 

« Dans les César, il y a un vrai entre-​soi, un vrai copi­nage, conclut Elvire Duvelle-​Charles. C'est un sys­tème de main­tien de l'industrie par une poi­gnée de per­sonnes, et on peut le dire, par une majo­ri­té d'hommes. J'ai envie qu'on essaye de faire atten­tion à jus­te­ment mettre en avant de nou­veaux regards et des nar­ra­tions dif­fé­rentes. Je pense qu'on a besoin d'un renou­veau du ciné­ma fran­çais. Il existe un vrai pro­blème et une vraie céci­té ». L'année pro­chaine, cette spé­ciale courts-​métrages devrait être orga­ni­sée au ciné­ma L'Arlequin, dans le 6e arron­dis­se­ment de Paris. Une plus grande salle, qui pour­ra accueillir « encore plus de per­sonnes », espère l'autrice féministe. 

Lire aus­si I Female gaze : on a assis­té à la pre­mière de "Tonnerre", le nou­veau ciné-​club fémi­niste parisien

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