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“Amours à la fin­lan­daise”, “Priscilla”, “Iris et les hommes”… : les sor­ties ciné de la semaine

Un quatuor polyamoureux en Finlande, une romance toxique aux États-Unis, un second souffle via une appli de rencontres en France : voici les sorties ciné du 3 janvier.

Amours à la finlandaise

Ne pas se fier au cadre et à la narration classiques de cette fiction réalisée par la Finlandaise Selma Vilhunen. Comme bon nombre de comédies, Amours à la finlandaise s’emploie à bousculer, mine de rien, toutes sortes de stéréotypes. La preuve : elle traite du sujet rebattu des relations amoureuses… par le biais autrement plus original du polyamour.   

Le pitch est faussement simple, et pour cause : lorsque Juulia découvre que Matias, son mari, a une liaison avec Enni, une autre femme, et que cet amour adultère repose sur des sentiments partagés, elle décide d’inventer avec lui les nouvelles règles de leur vie conjugale. En l’occurrence, Juulia reste en couple avec Matias tout en fréquentant Miska, un artiste non binaire, tandis que Matias poursuit sa belle histoire avec Enni…

Ah OK, leur idée est donc de sauver leur couple gentiment bobo, se dit-on d’abord face à ce chassé-croisé maintes fois exploré au cinéma comme au théâtre. Sauf qu’on est loin, très loin ici, d’un quelconque comique boulevardier. Certes, ce quatuor amoureux (et consentant) est amusant, mais il est également doux, délicat, attachant quoique assez déconcertant par moments. Sans doute parce que se dessine à travers lui un projet “politique” inhabituel : si Juulia, Matias, Enni et Miska explosent les normes de la monogamie, c’est pour mieux aboutir, ensemble, à une forme de sécurité affective. Voire pour mieux s’unir face à ce monde en crise qui s’autodétruit. Il s’agit bel et bien, pour eux, de créer un monde nouveau !

Nul hasard si Juulia est députée et Matias pasteur (protestant). L’une et l’autre sont des personnes responsables sinon puissantes, ancrées dans leur communauté. Leur combat intime, jalonné de doutes parfois (quand même !), résonne donc finement avec leur combat public : comment trouver l’équilibre entre son (ou ses) engagement(s) et une certaine fidélité à soi-même ? Comment apprendre à faire des compromis ? Comment respecter l’autre jusque dans ses différences ? Comment lui permettre de s’épanouir ? Etc. 

Autant de questions qui traversent sans l’alourdir cette variation amoureuse à quatre voix. Il est vrai que la subtilité des comédiens, notamment Alma Pöysti, impeccable dans le rôle de Juulia (comment s’en étonner après l’avoir vue dans Les Feuilles mortes d’Aki Kaurismaki ?), participe pour beaucoup de son charme désarmant.

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Amours à la finlandaise, de Selma Vilhunen.

Priscilla

On comprend assez vite pourquoi Sofia Coppola s’est intéressée aux Mémoires de Priscilla Presley, Elvis et moi, jusqu’à vouloir les adapter au cinéma : elle y retrouve tous ses thèmes de prédilection. De l’adolescence au féminin à la prison dorée, en passant par l’ennui, le spleen, le vide existentiel et la quête de liberté : tout semble s’être conjugué pour faire des jeunes années de Priscilla un film éminemment “sofia-coppolesque”. On s’en réjouit d’autant plus que Priscilla est l’une des œuvres les plus accomplies de sa brillante filmographie.

Adoptant la forme d’un rêve dénaturé, ou d’un faux conte de fées, ce biopic subtilement impressionniste présente d’emblée deux atouts. D’une part, il est l’antidote parfait à l’Elvis boursouflé et tonitruant de Baz Luhrmann. Ouf ! D’autre part, il épouse très justement, et tout du long, le point de vue de sa jeune héroïne en fleur (Cailee Spaeny, totalement convaincante). D’abord éblouie : elle rencontre l’idole en Allemagne, en 1959, alors qu’elle a tout juste 14 ans, est collégienne et vit sur une base américaine avec ses parents, là même où Elvis, qui en a 24, fait son service militaire. Puis dépaysée, car projetée dans un autre monde, aussi kitsch que perturbant : Priscilla n’a que 16 ans lorsqu’elle s’installe chez Elvis, à Graceland, petite poupée docile qui poursuit ses études dans un collège catholique et le laisse décider de tout (de la couleur de ses cheveux au moment où ils feront l’amour pour la première fois). Et enfin désenchantée (le rêve se grippe, les sautes d’humeur d’Elvis sont terrifiantes), avant de s’avérer plus pugnace que le King ne l’aurait souhaité (elle le quitte à l’âge de 27 ans).

Ce qui est fort, tout au long de ce récit serti dans l’écrin pop des années 1960, c’est la douceur avec laquelle cette histoire toxique est racontée. Attention : Sofia Coppola n’oublie pas de mettre en scène le comportement autodestructeur d’Elvis (prise répétée de médicaments, d’alcools et de drogues) ni ses violences verbales puis physiques (dont une scène de viol), pas plus qu’elle n’omet de montrer combien la jeune Priscilla est livrée à elle-même dans ce monde d’adultes sans empathie, indifférent sinon complaisant (donc complice). Mais si elle dévoile comme il se doit la partie sombre, obscure même, de cette vie pailletée, elle le fait sans asséner de jugement fracassant, préférant observer par petites touches le délitement du fantasme de Priscilla, puis son retour à la réalité. Sans doute parce qu’elle s’intéresse d’abord et avant tout à son parcours d’émancipation, et, à travers lui, à celui des femmes de cette époque. Minorées, entravées, chosifiées dans l’Amérique conservatrice des années 1950, elles commenceront à se libérer à la fin des années 1960. Priscilla ou l’histoire d’un réveil, sinon d’une révolution.

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Priscilla, de Sofia Coppola.

Iris et les hommes

On est toujours inquiète, et plus exigeante, lorsqu’on découvre le nouveau film d’une cinéaste dont on avait adoré le précédent. Le petit miracle d’Antoinette dans les Cévennes, deuxième long-métrage de Caroline Vignal après Les Autres Filles, allait-il se renouveler avec Iris et les hommes ? La question fuse inévitablement tandis que les lumières s’éteignent, d’autant qu’il s’agit une fois encore d’une comédie et que Laure Calamy y tient à nouveau le rôle principal. Au terme d’une heure trente-huit de transports plus ou moins urbains (oui, c’est une comédie romantique pour finir, et oui, elle se déroule en ville…), la réponse, mi-figue mi-raisin, mine un tantinet le plaisir : c’est moins bien – moins rythmé, moins tenu, moins pétillant –, mais ça reste néanmoins futé et jalonné de bonnes idées.

Une chose est sûre : l’argument de départ est plaisant. Joyeusement féministe, faussement léger, résolument dans l’air du temps, il a même tout pour lui. Jugez plutôt : nous voici projeté·es au côté d’Iris, bientôt 50 ans, dentiste de métier, vivant confortablement dans son bel appartement parisien avec son sympathique mari (Vincent Elbaz réussit à donner un peu de relief à ce personnage en creux, bien joué !) et ses chouettes petites filles. Jusqu’ici tout va bien ? Bah non, l’Iris s’étiole, sujette au burn-out conjugal (voilà une paye qu’elle n’a plus fait l’amour, par exemple). C’est alors qu’elle entend parler d’applications de rencontres au détour d’une réunion profs-parents d’élèves… Love me Tinder ! Tel va être le nouveau credo de cette quadra-quinqua à peine honteuse, car revigorée par ce vivier d’hommes à portée de téléphone, de fantasmes et de main…

Bien sûr, on aime le message de ce feel-good movie, qui montre une femme mûrissante reprendre les rênes de son désir, de sa vie sexuelle et de sa vie tout court. On le savoure d’autant mieux qu’il s’incarne malicieusement à travers les vibrations répétées, incongrues, d’un téléphone portable en folie, celles-là mêmes qui vont réveiller, littéralement, le corps assoupi d’Iris ! Et puis le génie comique de Laure Calamy et sa présence charnelle, unique dans le cinéma français. Et puis la confirmation du talent singulier, décalé, de Suzanne de Baecque, formidable en assistante désemparée par les absences intempestives de sa patronne. Et puis, visuellement, les nombreux clins d’œil à la Nouvelle Vague, qui donnent une patine vintage à cette histoire d’aujourd’hui (une scène de comédie musicale à la clé, façon Jacques Demy du pauvre, complètement assumée). Entre rêve et réalité, en quelque sorte.

Reste que cette ribambelle d’atouts se heurte aussi à une ribambelle de clichés. Ainsi, la galerie d’hommes qu’Iris rencontre via cette appli n’est guère originale ni emballante (entre vieux beaux et jeunes cons, on s’ennuie un peu). Idem pour son parcours découverte du monde des applis et de leur fonctionnement (on a évidemment droit à l’envoi d’images intimes au pire moment). Des facilités scénaristiques qui gâchent le bel allant du film et même son élan autrement plus transgressif, puisque, finalement, il fait l’éloge de l’adultère pour revivifier le couple. Dommage !

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Iris et les hommes, de Caroline Vignal

Lire aussi I Le grand entre­tien avec Laure Calamy, actrice en majesté

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