REBECCA ZLOTOWSKI
Rebecca Zlotowski sur le tournage d'Une fille facile. © Ad Vitam

Rebecca Zlotowski : « Zahia parle comme un per­son­nage de Rohmer »

Rebecca Zlotowski explore avec finesse l’archétype de la « bimbo ». Porté par l’ex-call-girl Zahia Dehar, son film raconte l’été de tous les dangers de deux cousines sur la Côte d’Azur… Solaire, faussement léger, ce récit d’apprentissage parle aussi très bien des conflits de classe. Explications avec sa (brillante) réalisatrice…

Causette : Pourquoi ce thème de la « fille facile » ?
Rebecca Zlotowski : Je suis fascinée quand le cinéma travaille les archétypes. Car, qui dit archétypes, dit représentations et, forcément, les libidos qui y sont associées ! C’est cela que j’ai envie d’explorer. Pour montrer autre chose…

Votre film est solaire et léger, au moins en apparence. On pense à Rohmer, mais son côté méditerranéen évoque aussi
le cinéma italien des années 1960…

R. Z. : Ce cinéma fait complètement partie de ma cinéphilie, même si je suis née en 1980. Je pense aux films de Fellini, de De Sica, à Riz amer : ils sont tous traversés par des filles qui font des concours de tee-shirts mouillés ! Je sais pourquoi j’ai été fascinée par eux. J’ai grandi orpheline, sans mère. D’une certaine façon, ce cinéma m’a appris ce qu’était une femme. Et ce que je devrais être… peut-être (rires) ! De fait, je pense qu’on peut y revenir, aujourd’hui, en s’en amusant. C’est ce que j’ai aimé avec Zahia : le jeu qu’elle propose à partir de ça.

Cette rencontre entre vous, la cinéaste normalienne estampillée intello, et elle, l’ex-call-girl, est inattendue. Comment s’est-elle produite ?
R. Z. : C’est elle qui m’a contactée sur Instagram. Je n’en revenais pas ! Tout m’intéressait chez elle. Son trajet de transfuge sociale, son arabité, sa surféminité. Elle m’était déjà sympathique à l’époque de l’affaire de mœurs avec les footballeurs. Du coup, j’ai regardé ses vidéos sur son compte et j’ai été fascinée : elle parle comme un personnage de Rohmer ! Je lui ai donc écrit le rôle de Sofia sur mesure. Avec sa prosodie, sa manière de se déplacer. In fine, Zahia m’a apporté le courage de faire simple. D’être libre…

Votre film, très sensuel, déconstruit la nudité avec pas mal d’humour…
R. Z. : Zahia est quelqu’un qui aime s’amuser avec l’ultra-féminité. Il y a une sorte d’esthétique camp chez elle. Vous savez, celle qui pousse très loin les curseurs du queer. On retrouve beaucoup d’humour dans cette esthétique performative, mais aussi une forme de contestation. Et puis je ne voulais pas la regarder de manière inquisitrice. Univoque. Déjà, parce qu’étant ­hétérosexuelle, je ne la désire pas. Mon film propose donc une ronde de regards sur son personnage : celui du milliardaire brésilien, celui de sa cousine, le mien.

Une fille facile est donc aussi un film politique ?
R. Z. : Au cœur du projet, il y avait l’idée qu’il fallait filmer les conflits de classe. Les riches (sur les yachts) et les pauvres (qui les regardent). Mais ça n’est pas manichéen ! Car, pour moi, le conflit le plus fort se trouve à l’intérieur de ces classes. D’où cette violence sourde entre le steward (qui travaille sur le bateau du milliardaire) et Naïma (la jeune cousine de Sofia). Le mépris n’est jamais aussi puissant que lorsqu’on l’adresse à soi-même. Je le sais par expérience…

Une fille facile, de Rebecca Zlotowski. Sortie le 28 août.

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