ÉDITO. Pour la plupart des Français·es, c’était une soirée comme une autre. Une de ces fins de journées ensoleillées que l’on prend plaisir à voir se terminer. Pour les centaines de parties civiles rassemblées place Dauphine, ce mercredi 29 juin était le dénouement d’un couloir judiciaire que l’on pensait interminable. Cette place parisienne accolée au Palais de Justice, d’ordinaire si calme, vibre depuis dix mois au rythme d’un procès retentissant qui a fait le tour des quatre saisons. Celui du 13 novembre 2015.
Des superlatifs pour le décrire, il y en a eu beaucoup en cent quarante-neuf jours. Aujourd’hui résonnent plus que jamais dans nos mémoires les premiers mots prononcés par Jean-Louis Périès, président de la Cour d’assises spéciale, au premier jour du procès, le 8 septembre 2021 : « Nous commençons ce jour un procès historique, un procès hors norme, au vu du nombre d’intervenants, du nombre de victimes, de parties civiles et de leurs conseils, d’experts appelés à la barre. Mais ce qui importe, c’est aussi justement le respect de la norme, le respect des droits de chacun, à commencer par les droits de la défense. »
À la sortie de l’ultime audience mercredi soir, les larmes ont roulé avec plus de force sur les joues, les étreintes se sont faites un peu plus fortes que d’habitude, mais personne ne s’est lancé le traditionnel « À demain ». Le verdict a été rendu, les peines ont été prononcées et le procès s’est achevé sur les marches du Palais.
Condamné à la perpétuité incompressible (c'est-à-dire à la perpétuité « réelle », sans aménagement de peine possible), Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des commandos des attentats terroristes, pourrait donc finir sa vie derrière les barreaux. Une peine jugée appropriée pour certaines des parties civiles. « Nous avons toujours dit que nous avions confiance en la décision de la cour. Ce sont donc les justes peines prononcées ce soir, même si elles n’ont pas vocation à réparer le préjudice des victimes », a ainsi déclaré Philippe Duperron, président de l’association 13Onze15 dont le fils, Thomas, est décédé au Bataclan.
Humanité
Si le procès tant attendu, tant espéré, est désormais derrière nous, l’humanité, elle, demeure toujours. Au troquet d’en face, où tous·toutes avaient rapidement pris l'habitude de finir les journées d'audience, l’humanité n’avait d’ailleurs jamais autant brillé que ce soir-là. Parties civiles, avocat·es, journalistes, et même certains accusés ressortis libres, s'y sont retrouvé·es pour partager, si ce n’est pas le verre de l’amitié, celui d’une fraternité retrouvée.
Bien sûr, la douleur subsiste, car les attentats du 13 novembre 2015 n’ont pas duré le temps d’une seule nuit d’automne. Ils sont toujours là, présents, tapis. Ils n’ont d'ailleurs jamais cessé de se propager dans les vies des survivant·es, dans celles des proches des victimes. Ils continueront certainement de vivre, longtemps, dans la mémoire de celles et ceux qui ont monté les marches du Palais presque chaque jour pendant dix mois. « Les rêves ont dépeuplé mes nuits », confiait Maya, 27 ans, à la barre en novembre. Grièvement blessée aux jambes au Carillon, elle y a perdu son compagnon et deux amies.
Espérons seulement qu’avec cette humanité retrouvée, aujourd’hui, six mois après ce témoignage, sept ans après le 13 novembre, Maya et ses compagnon·agnes de chagrin, tout comme leurs proches, puissent enfin trouver le sommeil.