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Place Dauphine à Paris, le 29 juin 2022. © A.T.

Procès du 13 novembre : l’humanité retrouvée

ÉDITO. Pour la plu­part des Français·es, c’était une soi­rée comme une autre. Une de ces fins de jour­nées enso­leillées que l’on prend plai­sir à voir se ter­mi­ner. Pour les cen­taines de par­ties civiles ras­sem­blées place Dauphine, ce mer­cre­di 29 juin était le dénoue­ment d’un cou­loir judi­ciaire que l’on pen­sait inter­mi­nable. Cette place pari­sienne acco­lée au Palais de Justice, d’ordinaire si calme, vibre depuis dix mois au rythme d’un pro­cès reten­tis­sant qui a fait le tour des quatre sai­sons. Celui du 13 novembre 2015. 

Des super­la­tifs pour le décrire, il y en a eu beau­coup en cent quarante-​neuf jours. Aujourd’hui résonnent plus que jamais dans nos mémoires les pre­miers mots pro­non­cés par Jean-​Louis Périès, pré­sident de la Cour d’assises spé­ciale, au pre­mier jour du pro­cès, le 8 sep­tembre 2021 : « Nous com­men­çons ce jour un pro­cès his­to­rique, un pro­cès hors norme, au vu du nombre d’intervenants, du nombre de vic­times, de par­ties civiles et de leurs conseils, d’experts appe­lés à la barre. Mais ce qui importe, c’est aus­si jus­te­ment le res­pect de la norme, le res­pect des droits de cha­cun, à com­men­cer par les droits de la défense. »

À la sor­tie de l’ultime audience mer­cre­di soir, les larmes ont rou­lé avec plus de force sur les joues, les étreintes se sont faites un peu plus fortes que d’habitude, mais per­sonne ne s’est lan­cé le tra­di­tion­nel « À demain ». Le ver­dict a été ren­du, les peines ont été pro­non­cées et le pro­cès s’est ache­vé sur les marches du Palais. 

Condamné à la per­pé­tui­té incom­pres­sible (c'est-à-dire à la per­pé­tui­té « réelle », sans amé­na­ge­ment de peine pos­sible), Salah Abdeslam, seul membre encore en vie des com­man­dos des atten­tats ter­ro­ristes, pour­rait donc finir sa vie der­rière les bar­reaux. Une peine jugée appro­priée pour cer­taines des par­ties civiles. « Nous avons tou­jours dit que nous avions confiance en la déci­sion de la cour. Ce sont donc les justes peines pro­non­cées ce soir, même si elles n’ont pas voca­tion à répa­rer le pré­ju­dice des vic­times », a ain­si décla­ré Philippe Duperron, pré­sident de l’association 13Onze15 dont le fils, Thomas, est décé­dé au Bataclan. 

Humanité

Si le pro­cès tant atten­du, tant espé­ré, est désor­mais der­rière nous, l’humanité, elle, demeure tou­jours. Au tro­quet d’en face, où tous·toutes avaient rapi­de­ment pris l'habitude de finir les jour­nées d'audience, l’humanité n’avait d’ailleurs jamais autant brillé que ce soir-​là. Parties civiles, avocat·es, jour­na­listes, et même cer­tains accu­sés res­sor­tis libres, s'y sont retrouvé·es pour par­ta­ger, si ce n’est pas le verre de l’amitié, celui d’une fra­ter­ni­té retrouvée. 

Bien sûr, la dou­leur sub­siste, car les atten­tats du 13 novembre 2015 n’ont pas duré le temps d’une seule nuit d’automne. Ils sont tou­jours là, pré­sents, tapis. Ils n’ont d'ailleurs jamais ces­sé de se pro­pa­ger dans les vies des survivant·es, dans celles des proches des vic­times. Ils conti­nue­ront cer­tai­ne­ment de vivre, long­temps, dans la mémoire de celles et ceux qui ont mon­té les marches du Palais presque chaque jour pen­dant dix mois. « Les rêves ont dépeu­plé mes nuits », confiait Maya, 27 ans, à la barre en novembre. Grièvement bles­sée aux jambes au Carillon, elle y a per­du son com­pa­gnon et deux amies. 

Espérons seule­ment qu’avec cette huma­ni­té retrou­vée, aujourd’hui, six mois après ce témoi­gnage, sept ans après le 13 novembre, Maya et ses compagnon·agnes de cha­grin, tout comme leurs proches, puissent enfin trou­ver le sommeil. 

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