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© Clay Banks

Océan : « Il est plus que temps, pour nous, les Blanc·hes, de recon­naître notre propre racisme »

Un jour, vers l’âge de 33 ans, tel le Christ en pleine résur­rec­tion, j’ai com­pris que j’étais blanc. Ça ne m’avait jamais frap­pé, ou plu­tôt je n’avais pas com­pris qu’être blanc allait avec une somme de bons plans, de passe-​droits, de clins d’œil com­plices et autres menus détails comme : ne jamais avoir subi de contrôle d’identité en trente-​trois ans. Somme de choses que je pen­sais être nor­males alors que, comme son nom l’indique, une chose nor­male est : une chose qui appar­tient à la norme, la norme étant la majo­ri­té, la majo­ri­té étant… ceux qui ont le pou­voir. Et en usent.

Demandez à un·e Blanc·he de vous décrire quelqu’un·e qu’iel aurait croi­sé dans la rue et lui aurait fait une remarque désa­gréable : si la réponse est « bah je sais pas… un mec nor­mal quoi ! », c’est qu’a prio­ri cette per­sonne est blanche, mince, valide, sans reli­gion appa­rente. Un homme qui porte une kip­pa ne sera pas décrit comme nor­mal, mais comme juif. Une femme qui fait du 46 ?! Pas nor­male du tout, c’est une grosse ! Une femme por­tant un hijab ? Sûrement une islamiste ! 

Et un jeune homme noir en jog­ging sweat-​shirt alors, c’est quoi ? Un jeune ? Un Noir ? Un spor­tif ? Un mec nor­mal ? Et puis quoi encore. Un jeune homme noir en jog­ging, c’est un cou­pable. Une menace. Un agres­seur poten­tiel. Quelqu’un qui a sûre­ment du can­na­bis dans le sang et un casier judi­ciaire, comme l’a expli­qué Laurence Taillade sur RTL début juin, sur un ton iro­nique et amu­sé, face à Rokhaya Diallo en par­lant d’Adama Traoré. Comme si ces pos­tu­lats légi­ti­maient son arres­ta­tion bru­tale et sa mort. 

Depuis le décès de George Floyd – qui s’est accom­pa­gné d’une obses­sion enra­gée à nier la dimen­sion sys­té­mique des vio­lences poli­cières en France –, ce qui me choque le plus est cette décou­verte sou­daine, de la part des Blanc·hes, de la pos­si­bi­li­té de s’identifier aux corps noirs. En 2020. Il aura donc fal­lu une vidéo, un snuff movie pour être exact, pour que l’identification ait lieu ? 

Il est plus que temps, pour nous, les Blanc·hes, de recon­naître notre propre racisme. De l’identifier, de le tra­quer dans tous les recoins de notre incons­cient, com­por­te­ments et réflexes ata­viques. De nous avouer que les vic­times d’un mas­sacre en RDC ou un atten­tat de Boko Haram au Mali nous touchent moins que celles du 11-​Septembre. Non pas pour mon­trer que nous sommes de « gentil·les Blanc·hes pas racistes » qui attendent leurs cookies ; mais pour que ces prises de conscience nous poussent à agir maté­riel­le­ment. Reconnaître qu’il nous arrive de per­pé­tuer l’oppression du fait de notre blan­chi­té est un tra­vail constant, vexant par­fois quand on nous ren­voie encore et tou­jours à notre fameux pri­vi­lège alors qu’on aime­rait juste entendre qu’on est un·e super allié·e ; ce n’est donc pas juste dire « ouh, les affreux racistes du Rassemblement natio­nal ! » (même si oui, ils sont dégueu) ou « ma femme est noire, com­ment veux-​tu que je sois raciste ?! ». C’est recon­naître que notre place même dans la socié­té s’est bâtie sur une oppres­sion à très grande échelle, et que si on n’agit pas éco­no­mi­que­ment, poli­ti­que­ment et sym­bo­li­que­ment contre, alors d’autres George et Adama conti­nue­ront d’être tués. 

Puisque nous, on nous laisse encore ­res­pi­rer, usons de nos réseaux, de nos cartes bleues et de nos voix jusqu’à la corde, pour que les leurs soient enten­dues plus fort et que leurs vies soient aus­si sauves que les nôtres.

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