people near seashore during daytime
© Dahee Son

« J'adore tout orga­ni­ser, mais je me demande par­fois si je ne suis pas alié­née, au fond » : la charge men­tale, même pen­dant les vacances

Alors que la trêve esti­vale bat son plein, la charge men­tale des femmes, elle, ne prend pas de vacances. C'est en tout cas ce que révèle une étude publié par l'Ifop, consa­crée au par­tage des tâches au sein du couple dans l'organisation des vacances. Mais alors, com­ment y trou­ver son compte ? Témoignages. 

On la retrouve par­tout : à la mai­son, à l'école des enfants, au tra­vail, et même à la plage ! Nous ne par­lons pas de cette chère Martine, mais bien de la charge men­tale qui incombe aux femmes. Selon une étude Ifop publiée le 7 juillet pour le site Voyage avec nous, deux tiers des Françaises sont plus impli­quées que leur conjoint·e dans les tâches à réa­li­ser lors des congés de cet été, tant en amont du départ qu'une fois sur place, contre un tiers des Français. Avant de pou­voir se pré­las­ser sous les coco­tiers, mes­dames, nous avons encore du pain sur la planche !

L’étude relève une inéga­li­té peu sur­pre­nante dans la répar­ti­tion des tâches avant et pen­dant les périodes de congés, pour celles et ceux qui peuvent se per­mettre de voya­ger. 56% des femmes inter­ro­gées déclarent lan­cer le pro­ces­sus de pré­pa­ra­tion des jours de congés, contre 31% des hommes. En ce qui concerne les valises des enfants, plus de trois femmes sur quatre (78%) les pré­parent, contre un homme sur dix (11%). Les hommes, quant à eux, gardent la main sur la conduite du véhi­cule, avec 58% au volant, pour seule­ment 18% des femmes. 

Les vacances : un moment de séré­ni­té pour certain·es, une source de ten­sions pour les autres… Plusieurs femmes nous racontent la façon dont leur couple pré­pare, orga­nise et pro­fite de leurs jours de congés, et la façon dont il sur­monte, ou non, leurs dif­fé­rentes attentes. 

Jessica, 44 ans, fonctionnaire

J’ai trois enfants, je suis mariée depuis 23 ans, et c’est très sou­vent moi qui choi­sis la des­ti­na­tion des vacances fami­liales. Je sou­mets la pro­po­si­tion à mon mari et à mes enfants, comme j’ai tou­jours plein d’idées. En fait, j’adore pré­pa­rer les vacances : je pré­vois des road-​trips, je fais des plan­nings, des rétro-​plannings, des calen­driers de tout ce qu’on va faire, des notes de ce que je dois ache­ter… C’est donc moi qui porte toute cette charge men­tale, mais c’est hyper posi­tif, je ne la res­sens pas du tout comme un poids ou un far­deau. Mon mari n’est pas force de pro­po­si­tion, il se laisse por­ter. Il s’occupe quand même de toute la par­tie admi­nis­tra­tive car je déteste ça, donc il se charge de rem­plir les for­mu­laires, de prendre les billets d’avion, etc., donc on se par­tage quand même un peu les tâches. Après, tout le reste, faire les bagages, pen­ser aux médi­ca­ments, c’est moi. Je trouve que quand il s’en occupe, il fait n’importe quoi. Je suis peut-​être beau­coup dans le contrôle, mais au moins je sais que moi, je n’oublierai rien ! J’en viens par­fois à appré­cier davan­tage les deux semaines avant les départs, que les vacances en elle-​même. Pour moi, ça me per­met de déjà me pro­je­ter avant les jours de congés. Même une fois sur place, je n’ai jamais été frus­trée, et ça ne me fatigue jamais. 

Avec mon mari, cette répar­ti­tion s’est tou­jours très bien pas­sée, parce que je ne vais pas hési­ter à lui dire quoi faire. Finalement, si je n’ai pas envie de faire quelque chose, je ne le fais pas. Si je n’ai pas envie de faire à man­ger, je ne ferai pas à man­ger.
En revanche, par­fois je culpa­bi­lise vis-​à-​vis d’autres femmes. Je me dis que ce n’est pas nor­mal que ça me plaise à moi, que je suis peut-​être sou­mise au fond… Parfois je me demande : « mais en fait, je fais ça pour­quoi ? Parce que je suis hyper for­ma­tée ou parce que j’aime vrai­ment ça ? » J’en ai par­lé à mon mari et il m’a dit : « De tout façon, si tu n’as pas envie de faire, tu ne le fais pas, et tu nous envoies tous bala­der ! » 

Annie, 62 ans 

J'ai 62 ans et mon com­pa­gnon a 60 ans. Il est motard, et nous par­tons faire le tour des lacs du nord de l’Italie pen­dant 15 jours iti­né­rants cet été. Dans mon couple, la charge men­tale des vacances repose presque exclu­si­ve­ment sur les épaules de mon com­pa­gnon. Il me demande vague­ment mon avis sur la des­ti­na­tion, puis il gère tout : les tra­jets, les arrêts, les quelques réser­va­tions qu'il fait à l'avance… Il faut dire que je suis nulle en géo­gra­phie et qu'il est super fort dans ce domaine ! Tout en ne m'occupant de rien, j'émets de temps en temps des avis… quand même ! C’est un arran­ge­ment qui nous convient très bien à tous les deux. Ça s'est orga­ni­sé natu­rel­le­ment, taci­te­ment, il a dû sen­tir mon dés­in­té­rêt et mon inca­pa­ci­té à gérer des tra­jets. Rien que d'imaginer pré­pa­rer tout ça, je suis fati­guée à l'avance. Moi, je m'occupe des bagages : quelques vête­ments dans un sac pou­vant tenir dans les sacoches de la moto, et ça me va. Les détails des vacances ne m'intéressent pas, parce pour moi, les vacances signi­fient lâcher prise et se lais­ser por­ter. Mais avec mon rai­son­ne­ment et ma façon de voir les choses, on ne ferait peut-​être rien…
Aujourd’hui, nos enfants res­pec­tifs sont grands, donc on n'a plus à les gérer. Mais du temps où j'étais jeune maman, mon mari me deman­dait où je vou­lais aller, je répon­dais « au soleil », et il pré­pa­rait tout aus­si. A l'époque, je gérais les trois enfants donc la charge men­tale était mieux répar­tie. J'aurais pu râler un peu parce que je devais m’occuper de leurs bagages en plus des nôtres, en pré­voyant les les­sives, etc. Ce n'était pas rien. Mais en contre­par­tie, il s'occupait de tous les repas sur place : liste de courses, courses, apé­ro… Il s'est mis à faire cela quand je lui ai dit que je ne pré­pa­re­rais pas des petits plats en cara­vane ou en tente, et que je ne balaie­rais pas tous les jours. Alors, après 2–3 ans assez rock'n'roll dans nos aven­tures esti­vales, il s'est retrous­sé les manches. Et tout le monde y a trou­vé son compte. 

Bénédicte, 50 ans, journaliste

Ça fait 23 ans que c’est moi qui m’occupe de pré­pa­rer les vacances. Avant tout parce que j’aime bien cela, j’aime bien cher­cher et trou­ver les meilleurs endroits, le meilleur rap­port qualité-​prix. En même temps, j’ai tou­jours le stress que ça se passe mal, que les per­sonnes en vacances avec moi ne soient pas contentes. Quand il y a un pro­blème ou un impré­vu, je culpa­bi­lise en me disant que je n'avais pas anti­ci­pé, que c’est de ma faute, que j’aurais pu choi­sir autre chose. La pré­pa­ra­tion est beau­coup plus longue que les vacances en elles-​mêmes, et fina­le­ment, pour moi, la meilleure période est celle qui pré­cède les jours de congés.
Une fois en vacances, j’ai tou­jours le stress du départ. Je vais par­fois jusqu’à regar­der les plans des aéro­ports pour voir où seront les bonnes sor­ties pour trou­ver un bus ou un taxi. Mon ex-​conjoint n’avait abso­lu­ment pas ces mêmes pré­oc­cu­pa­tions, car il savait que je savais très bien le faire, que j'avais tout pré­vu, donc il se repo­sait sur moi. J’aimerais bien, moi aus­si, me repo­ser sur quelqu’un pour ne pas avoir à pen­ser à tout. Au moins qu’on se par­tage les tâches. Mais en même temps, ça fait tel­le­ment long­temps que je fais ça que j’aurais constam­ment envie de véri­fier si c’est bien fait. S’il n’a pas choi­si le tra­jet ou l’hébergement qui me conviennent, je pré­fère tout faire moi-​même. Je lui avais par­lé du fait de mieux répar­tir les charges, mais il me répon­dait : « oui, mais tu le fais tel­le­ment bien, que moi je n'apporterais rien, ou je pas­se­rai deux fois plus de temps à le faire. » Quand je deman­dais à mon ex-​compagnon s’il pré­fé­rait aller à tel ou tel endroit, il me disait tou­jours qu'il s’en fichait, que tout lui allait. Par exemple, mon ex-​conjoint avait vou­lu anti­ci­per un voyage en Italie, mais au final il avait eu tel­le­ment de mal à trou­ver les bonnes adresses, les bons vols d’avion, que c’est moi qui ai fini par tout orga­ni­ser. 
C’est la même chose avec mon com­pa­gnon actuel, qui me donne mal­gré tout son avis, mais ce n’est pas lui qui prend l’initiative. Quand j’essaie de l’intéresser, de le faire venir à côté de moi pour lui mon­trer les loge­ments, les avions, les acti­vi­tés sur place, au bout de dix minutes, il en a déjà ras-​le-​bol, parce que je vais beau­coup trop vite pour lui. Parfois, j’ai évi­dem­ment l’impression d’en faire trop, d’avoir du mal à impro­vi­ser sur place, de me mettre beau­coup la pres­sion. Mais d’un côté, je ne peux pas m'en empê­cher, une par­tie de moi-​même appré­cie vrai­ment de tout planifier. 

Lise, 33 ans, couturière 

Je suis en couple avec mon conjoint depuis un an, et nos pre­mières vraies vacances ensemble auront lieu cet été. Nous vivons une rela­tion à longue dis­tance, lui habite dans le sud-​ouest de la France alors que je vis vers le sud-​est. On essaie de s’organiser au mieux pour se voir, sauf que, comme il n’aime pas pré­voir à l’avance, c’est sou­vent moi qui prend du temps pour essayer de trou­ver un moment. Pour les vacances de cet été, j’ai com­men­cé à lui en par­ler en mai ou juin, pour déci­der d’un endroit où se retrou­ver en août, et lui n’arrêtait pas de me dire que c’était dans trop long­temps pour le pré­voir. On sait déjà très bien quelles sont nos dates de vacances, j’ai un mois de congés et lui trois semaines, mais il n’a pas envie de se poser la ques­tion de leur dérou­lé dès main­te­nant. 
Au bout d’un moment, ça m’a soû­lée. Je me suis aus­si ren­du compte que le temps qu’on pré­voyait de pas­ser ensemble n’était pas le même : moi j’imaginais le voir deux semaines, et lui une seule. On n’était pas d’accord là-​dessus, donc j’ai pris une déci­sion : je ne ferai pas mes vacances en fonc­tion de lui. Je pré­vois mes vacances de mon côté, et puis au moment où, lui, sera dis­po­nible, il pour­ra m’appeler et me rejoindre où je serai. Je vais par­tir vadrouiller pen­dant mon mois de vacances, donc il y aura tou­jours une gare à côté pour qu’il me retrouve. Je pense que ça peut mar­cher comme ça. On ne sait pas exac­te­ment où, ni quand, on va se retrou­ver, mais on se retrou­ve­ra.
En plus, cet arran­ge­ment m’a fait réflé­chir à autre chose : pour­quoi toutes mes vacances dépen­draient du fait de voir mon mec ? J’ai autant envie de le voir, lui, que de voir mes amis ou ma famille, et ça remet aus­si un peu la rela­tion en pers­pec­tive. Pourquoi ce serait le centre de tout ? Le fait d’être en rela­tion à longue dis­tance aide à prendre du recul sur cette situa­tion. Avant, j’avais tou­jours besoin qu’on pré­voie long­temps à l’avance quand est-​ce qu’on se ver­rait, mais ça ne lui allait pas. Du coup, on laisse place à plus d’improvisation. Maintenant, on se voit à la der­nière minute et on se retrouve à mi-​chemin. Le fait qu’il pré­voit si peu en avance ses vacances m’a moi-​même for­cée à me déta­cher de mon agen­da et à moins anti­ci­per. Par moment, la charge émo­tion­nelle que je porte est un peu lourde, quand j’ai par exemple l’impression que si on n’arrive pas à se voir, il sera indif­fé­rent. Mais dès qu’on en dis­cute, il me ras­sure et me rap­pelle que son pro­blème, ce n’est pas moi, mais le fait d’anticiper.

Partager
Articles liés

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.