ÉDITO. Alors que des Français·es excédé·es ont préféré couvrir ses mots par un joyeux ramdam de casseroles, Emmanuel Macron promettait dans une allocution télévisée « cent jours d'apaisement » à venir pour le pays. De quoi censé calmer les colères après avoir très rapidement promulgué une réforme des retraites rejetée, tant sur le fond que sur la forme de son passage en force.
Vu à la télé, donc : la promesse d'apaiser, peut-être en prenant du recul, pouvait-on espérer, du moins en tentant de canaliser ce qui s'apparente régulièrement depuis 2017 à de la morgue présidentielle. Pas qu'on y croyait des masses, mais enfin, on pouvait tout de même s'attendre à quelques jours de répit bien mérités. Naïves que nous fûmes ! D'un côté, le président Macron s'affiche sur le terrain dans la position de celui qui n'a pas peur de prendre des coups, distribuant, grand prince, un peu d'argent de poche aux profs. De l'autre, il laisse se dessiner la poursuite tout azimut d'une politique de droite, en ce qui concerne les chantiers annoncés de refonte du travail et des mécanismes de solidarité.
Cela s'est vu dès le lendemain de son allocution, avec la publication au Journal officiel du décret mettant fin à l'allocation chômage pour abandon de poste, de nature à fragiliser les droits des salarié·es.
Ou encore avec, le même jour, la sortie aux relents racistes du ministre de l'Economie Bruno Le Maire sur de prétendus transferts d'aides sociales vers l'étranger, notamment le Mahgreb. « Nos compatriotes, légitimement, en ont ras-le-bol de la fraude, a‑t-il éructé sur BFM TV. Ils en ont ras-le-bol de voir des personnes qui peuvent toucher des aides […], les renvoyer au Maghreb ou ailleurs alors qu’elles n’y ont pas droit. Ce n’est pas fait pour ça le modèle social. » On aurait aimé que le ministre use de la même verve pour dénoncer les exilé·es fiscaux·ales, dont la chasse rapporterait bien plus d'argent que celle aux fraudeurs sociaux, mais c'est visiblement trop demander à ce gouvernement que d'avoir le courage de s'attaquer aux nanti·es.
Cela se mesure enfin au projet porté par la majorité de conditionner le Revenu de solidarité active (RSA, actuellement de 607 euros) à une activité bénévole de « 15 à 20 heures » par semaine, comme le propose un rapport remis au ministre du Travail Olivier Dussopt le 19 avril. Rédigé par le Haut-Commissaire à l’emploi et l’engagement des entreprises Thibaut Guilluy pour pré-mâcher le travail législatif sur la future loi Travail voulue par Emmanuel Macron, ce rapport dessine les contours de « France Travail », organe qui devrait remplacer Pôle emploi.
Voici donc annoncée la fin de l'inconditionnalité d'une aide qui est loin, très loin, d'atteindre le seuil de pauvreté (actuellement de 1102 euros par mois). « 607 euros par mois, c'est le minimum que la société doit garantir à quelqu'un pour qu'il essaie de ne pas mourir de faim », rappelle Pierre-Edouard Magnan, président du Mouvement national des chômeurs et des précaires, dans une interview à franceinfo. Ce n'est donc pas un cadeau que fait la société à une personne qui pourrait lui être redevable en accomplissant des tâches qui la rendrait digne de ce présent. C'est un cadeau que la société se fait à soi-même, principalement pour pouvoir se regarder dans la glace.