Elles sont vénères. Elles se battent sur tous les fronts. Et aujourd’hui, un cri politique – l’essai de Fatima Oussak, La Puissance des mères – les invite à structurer leurs luttes dans un mouvement féministe. Enquête auprès de ces mères qui s’imposent comme des actrices politiques incontournables.

premier syndicat des parents
des quartiers populaires
© Marguerite Bornhauser pour Causette
On les a vues, toutes de jaune vêtues, coiffées de serre-tête tournesols, bras dessus, bras dessous, former un « mur des mères » en guise de bouclier contre la police à Portland (États-Unis), après la mort de George Floyd. On les a vues, en 2019, former une ZAD de Mamas dans le sud de l’Italie, pour s’opposer à la construction d’un gazoduc qui défigurerait les terres léguées à leurs enfants. On les a vues structurer la lutte écolo en Argentine, au nom de leurs petit·es atteint·es de maladies inexpliquées dans les zones proches des usines de Monsanto. Et puis, on les a aussi vues en France, dans les assos féministes, militer pour l’allongement du congé paternité ou pour protéger leur quartier. Ces luttes éparses, on les a bien vues à droite, à gauche. Mais derrière elles se dessinent les contours d’un phénomène politique majeur. L’émergence d’un nouveau type d’actrices cruciales dans les débats sociaux, écologistes, médicaux et politiques. Les mères. Des mères vénères, auto-organisées et féministes.
S’il fallait immortaliser le tournant, graver dans le marbre le fait qu’il se passe bel et bien quelque chose, c’est, en plus, chose faite. Vient de paraître, le 27 août, La Puissance des mères (éd. La Découverte). Essai coup de poing de la militante antiraciste et féministe Fatima Ouassak, cofondatrice du syndicat Front de mères, à Bagnolet (Seine-Saint-Denis). Elle y appelle les daronnes de tous horizons à s’organiser politiquement pour lutter contre les discriminations que subissent les enfants des quartiers populaires. Racisme « structurel », souligne-t-elle, inégalités scolaires, mais aussi exclusion environnementale – le manque d’accès à la nature dans un paysage bitumé, l’absence d’alternatives bio dans les quartiers ou de repas végétariens à l’école.
Une offre “politique révolutionnaire”
L’actu et l’Histoire forcent au constat : beaucoup de mères montent au front pour les mêmes motifs. En particulier, les violences policières et le racisme. C’est le cas aux États-Unis. C’est le cas en France. Mais aussi en Italie, où le collectif Mamme in piazza s’indigne depuis que leurs enfants « font l’objet de mesures policières » pour avoir participé à des manifs antiracistes. Et c’est aussi de là que sont venues les premières luttes au nom des mères : les Folles de la place de Mai, en Argentine, dans les années 1970. Un groupe de femmes qui ont hurlé leur désespoir lorsque leurs enfants ont disparu, assassiné·es par la dictature militaire.

Nadia Remadna, fondatrice
de la Brigade des mères qui lutte contre
la radicalisation religieuse.
© Marguerite Bornhauser pour Causette
« Lorsque le système dominant regarde nos enfants, justifie Fatima Ouassak, il les “désenfantise”. » Traduire : il ne les considère plus comme des personnes en construction, capables d’apprendre de leurs erreurs, mais comme des délinquants en devenir. « L’État français le reconnaît lui-même », assène-t-elle, en citant un rapport du Défenseur des droits qui conclut que les jeunes « perçus comme noirs et arabes ont vingt fois plus de risques d’être contrôlés par la police que les autres ». D’où le besoin, selon elle, d’une « offre politique nouvelle, révolutionnaire » fondée sur la maternité. « Un sujet politique universel, qui parle à tout le monde, qui concerne tout le monde, qui peut toucher au cœur tout le monde. » Bref, une lutte logique, à force de frappe décuplée.
Le plus petit dénominateur commun
« Si personne ne défend le sort de son enfant, qui va le[…]