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© Ernan Solozabal / Unsplash

L’Assemblée se penche sur la “dis­cri­mi­na­tion capil­laire” au travail

Discriminations envers les coupes afro ou encore moqueries sur les personnes blondes, l’Assemblée nationale se penche cette semaine sur une proposition de loi qui vise à sanctionner ces pratiques au travail, une initiative dont l’utilité est contestée.

Une proposition de loi visant à sanctionner la “discrimination capillaire” au travail va être soumise à l’Assemblée nationale cette semaine. Lancé par le député guadeloupéen Olivier Serva, membre du groupe indépendant Liot, le texte ne sera probablement pas examiné avant mercredi dans la nuit, plus sûrement jeudi. Ce dernier prévoit d’ajouter à la liste des discriminations passibles de sanctions pénales celles relatives à “la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux”, en s’inspirant notamment des États-Unis, où vingt États ont déjà adopté des législations similaires.

Olivier Serva mentionne notamment les "afro-descendantes" contraintes de changer de coiffure avant un entretien, alors que "le port du cheveu naturel", "locks, torsades, tresses, afro, roux, blond, a un lien inéluctable avec l'estime de soi".

En France, la loi comptabilise pourtant déjà vingt-cinq motifs de discriminations au travail, comme l’âge, le sexe, ou encore l’apparence physique, dont la coiffure fait partie. Mais ils ne suffisent pas à répondre à certaines discriminations à l’embauche, selon le député. Ce que contestent certain·es avocat·es ou responsables des ressources humaines pour qui l’utilité d’une telle loi n’est pas manifeste.

"Il n'y a pas de vide juridique"

“C’est l’exemple typique d’une mauvaise idée : il n’y a pas de vide juridique”, argue Me Éric Rocheblave, avocat spécialiste en droit du travail. Le Code du travail prévoit déjà que “l’apparence physique est une cause de discrimination” même si la loi “ne prévoit pas de façon explicite la discrimination capillaire”, poursuit-il. En cas de discrimination “en raison des cheveux, d’absence de cheveux, de couleur, longueur ou apparence, je pourrais le rattacher aux textes déjà existants”, affirme encore Me Rocheblave.

Cette proposition de loi ne vise pas “à rajouter de critères” mais à préciser “l’un des vingt-cinq critères présents dans la loi pénale”, défend pour sa part Olivier Serva, s’appuyant notamment sur une étude menée en 2023 par une marque de produits de soins et un réseau social professionnel aux États-Unis, selon laquelle un quart des femmes noires interrogées pensent avoir été écartées après un entretien en raison de leur coupe de cheveux.

Sans possibilité de quantifier le phénomène en France, certains cas médiatisés ont cependant marqué les esprits, comme celui de l’ancienne porte-parole du gouvernement Sibeth Ndiaye, dont la coupe afro a entraîné de nombreux commentaires acerbes dès sa prise de fonction en avril 2019. Audrey Pulvar, adjointe à la maire PS de Paris, Anne Hidalgo, ou dernièrement ève Gilles, Miss France 2024, ont également dû affronter critiques et moqueries dévalorisantes sur leur coupe.

Une loi symbolique

Selon Kenza Bel Kenadil, influenceuse engagée sur le sujet – suivie par près de 260 000 personnes sur Instagram –, une loi permettrait au moins “d’envoyer un message et de dire à toutes ces personnes ‘la loi te protège sur tous les points et t’autorise à te coiffer comme tu l’entends’”. La jeune femme raconte avoir été “forcée” de “cacher” ses cheveux crépus au profit d’un chignon strict, lors d’une mission d’hôtesse d’accueil. “On m’a clairement dit : ‘Soit tu rentres chez toi t’arranger les cheveux, soit tu ne viens pas travailler’”, relate-t-elle.

C’est un sujet sérieux, pas seulement une question esthétique”, poursuit Kenza Bel Kenadil, citant ainsi une connaissance “blonde” recalée d’un poste “en raison de sa couleur”. L’influenceuse souligne par ailleurs que “personne ne se dénature les cheveux uniquement pour se conformer à des critères de beauté, les discriminations capillaires impactent la confiance en soi, son identité ou encore ses racines”.

Si la promulgation de la loi serait “symbolique”, elle ne faciliterait toutefois pas les aspects juridiques, selon les spécialistes. “Ce n’est pas parce que c’est marqué noir sur blanc qu’on va avoir plus de chances devant le juge”, parce que la question c’est plutôt de prouver “que vous êtes discriminé”, nuance Me Rocheblave.

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