Le sénateur PS de l'Hérault Hussein Bourgi déposera ce samedi une proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982 en France. L'élu, ouvertement gay, se confie à Causette sur la genèse de ce texte.
Quarante ans après, les personnes LGBT+ attendent toujours justice et réparation. Le 4 août 1982, sous la présidence de François Mitterrand qui en avait fait la promesse, une loi met fin à une disposition prise elle-même quarante ans plus tôt, en 1942, sous Vichy, condamnant les relations homosexuelles avec une personne âgée de moins de 21 ans. Une victoire face à « une législation scélérate », comme la qualifie le sénateur PS de l'Hérault Hussein Bourgi, qui profite de l'anniversaire du texte pour annoncer une proposition de loi « symbolique », portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982. Selon les estimations de l'élu, environ 200 personnes en France pourraient être concernées par cette politique.
L'homme politique, ouvertement gay, entend rappeler à la France qu'entre ces deux dates près de 10.000 personnes, selon les travaux des sociologues Jérémie Gauthier et Régis Schlagdenhauffen, publiés en 2018, ont, d'une manière ou d'une autre, étaient inquiétées par cette loi émise par le maréchal Pétain le 6 août 1942. Une discrimination qui ne s'appliquait évidemment pas aux relations sexuelles avec quelqu'un·e du sexe opposé, tant qu'il·elle avait 13 ans, l'âge de la majorité sexuelle, ou 15 ans à partir de 1945. « En 1945, le gouvernement provisoire abroge toutes les lois prises par Vichy à l’exception de celle-ci, s'étonne Hussein Bourgi auprès de Causette. Elle est restée comme une épée de Damoclès au-dessus la tête de toutes ces personnes, qui savaient que leur mode de vie était passible pénalement. Il pouvait se traduire par des arrestations, des condamnations, des amendes et des peines de prison. La sanction pénale était également accompagnée d’une sanction sociale, car l’employeur pouvait être mis au courant, la famille aussi…»
C'est à l'occasion de sa dernière rencontre avec le militant LGBT+ lyonnais Michel Chomarat, qui a fait partie des personnes interpellées pour outrage public à la pudeur en 1977 au bar gay le Manhattan, que l'idée de la proposition de loi lui vient. L'homme, qu'il connaît depuis plusieurs années, lui confie vouloir une seule chose : « La justice ».
Des exemples internationaux
La proposition de loi d'Hussein Bourgi se compose de cinq articles. Le premier fait état de la reconnaissance de la France concernant sa « politique de criminalisation et de discrimination mise en œuvre, entre le 6 août 1942 et le 4 août 1982, à l'encontre des personnes homosexuelles ou présumées telles, et condamnées ». Une reconnaissance qui ouvre à ces personnes le bénéfice d'une réparation détaillée dans l'article 3. À savoir une allocation forfaitaire fixe de 10.000 euros, une allocation forfaitaire variable en fonction du nombre de jours de privation de liberté,
fixée à 150 euros par jour, et le remboursement du montant de l’amende dont les personnes LGBT+ se seraient acquittées. Une commission indépendante visant à évaluer les demandes en réparation est également constituée par l'article 4.
D'autres pays ont commencé ce même travail de reconnaissance et de réparation. mémoire. Le Premier ministre canadien Justin Trudeau a présenté ses excuses aux personnes LGBT+ en novembre 2017, de même que le Premier ministre norvégien Jonas Gahr Støre en avril dernier. L'Espagne, dès 2007, et l'Allemagne, dès 2017, ont également mis en place des politiques de réparation pécuniaire. En 2017, 116 Espagnols homosexuels avaient été indemnisés, selon El Pais. Et en 2021, 249 Allemands homosexuels. Selon les estimations de l'élu, environ 200 personnes en France pourraient être concernées par cette politique.
Du côté du gouvernement, annonce de la création d'un poste d'« ambassadeur aux droits LGBT »
En ce jour symbolique du 4 août 2022, la Première ministre Elisabeth Borne a annoncé la constitution d'un fonds de 3 millions d'euros pour permettre la création de dix nouveaux centres LGBT+. Elle a également promis qu'un « ambassadeur aux droits LGBT+ » serait nommé avant la fin de l'année pour défendre la dépénalisation universelle de l'homosexualité et de la transidentité. Concernant la proposition de loi de Bourgi, soutenue par une cinquantaine de sénateur·rices, elle a indiqué l'avoir entendue et qu'elle serait examinée. « Ce n'est pas un sujet simple. Ce n'est pas simple aussi de savoir comment on répare des blessures qui ont pu être apportées en raison de discriminations. Mais c'est vraiment un sujet pour lequel on va regarder la proposition qui va être déposée », a‑t-elle poursuivi. Hussein Bourgi doit la déposer ce samedi, quatre-vingt ans jour pour jour après l'entrée en vigueur de la disposition de Vichy.
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