Victime de viol quand il était adolescent, l’ancien rugbyman Sébastien Boueilh, nouveau président de la Ciivise, a été pionnier, avec son association Colosse aux pieds d’argile, pour sortir le sport de l’omerta sur les violences sexuelles.
Pas évident de succéder au très respecté Édouard Durand, juge des enfants qui a tant fait ces dernières années à la tête de la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. C’est pourtant la mission de Sébastien Boueilh, nouveau président de la Ciivise, qui reprend officiellement du service ce lundi.
Le Landais de 45 ans, ancien talonneur rompu aux joutes des deuxième et troisième divisions à Dax et Saint-Paul-lès-Dax, lui succède formellement ce lundi. Il a créé Colosse aux pieds d’argile, association qui lutte pour sortir le sport de l’omerta sur les violences sexuelles.
En effet, il a lui-même été victime de violences sexuelles durant son enfance. De 12 à 16 ans, Sébastien Boueilh a été violé quasiment tous les vendredis soir par le mari de sa cousine, qui avait la confiance de ses parents, fonctionnaires, et le ramenait de ses entraînements.
Ce n’est qu’à 30 ans qu’il ose en parler, et porte plainte en 2009. Les gendarmes le croient, ses parents le soutiennent. “Dénoncer m’a brouillé avec une partie de ma famille. Je suis tombé dans la dépression, l’autodestruction : la violence, le sexe, l’alcool, les jeux d’argent, un schéma qu’on retrouve chez de nombreuses victimes”, confie-t-il.
Mais en mai 2013, son violeur est condamné à dix ans de réclusion criminelle. Après cette victoire judiciaire, Sébastien Boueilh crée l’association Colosse aux pieds d’argile, dont la devise est “ne laissons pas les violeurs gagner du terrain” et qui se donne trois missions : sensibiliser les jeunes sportif·ives et leurs encadrant·es, former les professionnel·les et accompagner les victimes.
Père de deux enfants, il a abandonné son métier de commercial pour diriger son association, qui a pris de l’ampleur : trente-sept salarié·es et des partenariats avec une quarantaine de fédérations sportives, indique Claire Lailheugue, responsable de la communication de l’association. L’organisation a réalisé 2 600 interventions auprès de 31 000 adultes et 51 000 mineur·es l’an dernier, selon Sébastien Boueilh. Une association forte d’un budget de 2,5 millions d’euros, dont 45 % proviennent de fonds publics (13 % de l’État), ce qui alimente chez certains observateur·rices la crainte d’un manque d’indépendance à l’égard du gouvernement.
Une ex-membre du ministère des Sports ayant assisté aux interventions de l’association se souvient : “Quand un homme, grand, baraqué, allait parler à des ados en disant : ‘J’ai été violé par un copain de mes parents’, cela fait tomber des tabous, cela a valeur d’exemple, incite à parler.” Et d’ajouter : “L’omerta régnait encore dans le sport. Son association était l’une des seules à travailler sur la prévention des violences sexuelles dans le sport.”
“Il a fait à ma demande des tournées de sensibilisation dans les établissements qui forment les jeunes futurs champions”, rappelle pour sa part l’ex-ministre des Sports (2018−2022) Roxana Maracineanu. “Sébastien Boueilh a été très moteur dans les politiques mises en place par le ministère. Il nous a suggéré le contrôle d’honorabilité des bénévoles dans les associations sportives, que j’ai mis en place au niveau national”, ajoute-t-elle.
Pragmatique
“Ma méthode : je vais voir des ministres avec des dossiers remplis de dysfonctionnements que j’ai repérés et des solutions à mettre en œuvre”, reprend Sébastien Boueilh, qui veut “faire entrer la Ciivise dans une phase opérationnelle”. Il en est membre depuis le début de ses travaux, en mars 2021, dans le sillage de l’onde de choc provoquée par le livre La familia grande, dans lequel Camille Kouchner accusait son beau-père, le politologue Olivier Duhamel, de viols sur son frère jumeau.
Laurent Boyet, bien que membre démissionnaire de la Ciivise, comme d’autres, en signe de protestation après le remplacement du juge Édouard Durand, souligne l’approche pragmatique du nouveau président : “À la Ciivise, il nous poussait toujours à calculer ce que coûterait la mise en œuvre de nos préconisations”, dit le responsable de l’association Les Papillons.