Le tribunal correctionnel de Montpellier a reconnu la circonstance aggravante de genre et a condamné le prévenu à quatre ans et demi de prison ferme.
L’affaire avait effaré tout le monde par sa violence. Le 30 août dernier, alors que quatre membres du collectif des collages féministes de Montpellier, aujourd’hui baptisé CQAFD+, étaient installées sur un pont, un automobiliste leur avait foncé dessus, après avoir menacé de les violer. Blessées aux jambes pour trois d’entre elles, les jeunes femmes étaient ressorties très choquées. Quatre mois plus tard, Thaïs, Solène et Anna – la quatrième, Loreline, n’avait pas pu se déplacer – ont à nouveau fait face à leur agresseur. Cette fois-ci, le face-à-face s’est déroulé devant le tribunal correctionnel de Montpellier. L’audience organisée jeudi 14 janvier a duré plus de trois heures. « J’ai ressenti beaucoup de stress, souffle Thaïs à la sortie. Mais j’ai été très touchée par la présence de camarades militantes devant le palais de justice et par la plaidoirie de notre avocate. » Une plaidoirie, qui a su convaincre, puisque l’auteur des faits a été condamné à quatre ans et demi de prison ferme pour violences avec usage d’une arme avec préméditation. Le procureur avait requis quatre ans de prison, prenant en compte les troubles psychiques de l'homme, déjà condamné et emprisonné pour une agression avec un couteau.
« La sanction est forte, se félicite Anne Bouilllon, spécialisée dans la défense des femmes. Le tribunal a reconnu la circonstance aggravante de genre dans ces violences, ce qui est suffisamment rare pour être souligné. » Aux yeux de la justice, donc, les jeunes femmes ont été ciblées parce qu’elles étaient des femmes. « On a pu parler de violence systémique, élaborer une grille de lecture politique de ces faits, ça n’a pas été éludé par la justice et je m’en réjouis, poursuit l’avocate. Mais je garde quand même une immense frustration : celle de n’avoir pas pu interroger le prévenu sur ce qui l’a poussé à agir, ses motivations et aussi sur sa vision des femmes. Il a visiblement eu une enfance très difficile avec des violences conjugales et un placement en foyer. C’est quelqu'un qui est ancré dans la violence. »
« On a eu la chance d'être entendues par la justice »
En face, l’homme a nié en bloc et assuré ne pas être l’auteur des faits. « Malgré les évidences, il soutient que ce n’est pas lui, détaille Anne Bouillon. Il y a pourtant un faisceau d’éléments qui le désignent : il a été identifié par les quatre victimes, son téléphone a borné à l’endroit de l’agression, il avait emprunté la voiture à un ami sans la rendre. » Une attitude difficile à vivre pour les victimes. « Je ne m’attendais pas à d’énormes explications, mais j’aurais quand même aimé savoir ce qui lui était passé par la tête », regrette Thaïs, d’une voix calme. Un calme dont elle ne s’est pas départie durant les débats. « Depuis le début de cette affaire, je suis admirative de la dignité de ces jeunes femmes et je tiens à saluer le courage de toutes celles qui collent sur les murs et qui nous aiguillonnent avec leurs messages », commente Anne Bouillon.
Loin de Montpellier et des débats, Loreline, la quatrième, salue une « bonne nouvelle ». Elle nuance : « Je ne suis pas certaine que le fait qu’il aille en prison soit bénéfique pour lui comme pour moi… Mais c’est positif que la justice ait pris notre affaire au sérieux ». Un avis partagé par Thaïs, qui rappelle aussi que la majorité des victimes de violences sexistes et sexuelles ne sont pas toujours crues. « La médiatisation de notre affaire a sans doute joué en notre faveur et on a eu la chance, dans notre malchance d’avoir une enquête et un procès, ce qui n’est pas le cas de tout le monde. » Un procès et même deux procès… Il est plus que probable que le prévenu fasse appel. « On va repartir pour un tour, c’est certain, assure Anne Bouillon. Mais la première manche est gagnée. »