Avant le verdict jeudi, le Chilien Nicolas Zepeda affronte mardi un nouveau round de questions devant les assises de la Haute-Saône, où il comparaît en appel pour l’assassinat de Narumi Kurosaki, son ex-petite amie japonaise.
Onzième jour du procès : dans une salle des assises bondée, Me Sylvie Galley, l’avocate des proches de Narumi, est la première à porter le fer. Voix douce et questions affûtées, elle pousse à de multiples reprises dans ses retranchements l’accusé, placé face à ses contradictions et ses versions souvent à géométrie variable. Puis l’avocate exhume des messages adressés par le Chilien à la jeune étudiante, qu’il a connue au Japon en 2014 alors qu’elle était encore mineure, selon la loi japonaise.
“Bonne femme”, “bonne fille”
Celui qui a été le premier petit ami de Narumi lui intime d’être “une bonne femme”, une “bonne fille”, et dresse plusieurs commandements : “Tu ne causeras jamais un problème, tu ne seras jamais fâchée, tu ne seras jamais méchante, tu n’auras jamais un mauvais mot, tu ne négocieras jamais quoi que ce soit.” “Narumi vous demande pardon combien de fois par jour ?” interroge Me Galley, qui se demande quelle est la “conception du couple” de l’accusé, fils de bonne famille décrit comme possessif et soucieux de contrôler la jeune femme. “Je suis cérébral et pragmatique”, répond-il. Un couple a besoin de “respect” et de “considération”. Sylvie Galley insiste : “Dans votre histoire de couple, Narumi est tombée enceinte.” Et l’avocate de lire un message, terrible, adressé au Chilien : “Je n’oublierai jamais que tu m’as mise enceinte”, “Tu as fait du mal à mon corps”, “Tu as pris mon futur enfant”, “Tu m’as pris beaucoup d’argent”. “Elle a dû payer pour une IVG ?” demande Me Galley. L’accusé nie, Narumi n’était pas enceinte. L’avocate repart à la charge, cette fois avec un mail de Nicolas Zepeda : “Tu es tombée enceinte Narumi parce que tu as fait l’amour avec moi et que personne ne t’a forcée.” “C’est un échange de phrase à un moment où je suis en train d’aller à l’aéroport, je veux l’exprimer au conditionnel, mais j’y arrive pas”, bredouille l’ancien étudiant en économie.
Souvent acculé, Nicolas Zepeda, qui s’exprime en français depuis le début du procès, finit par lâcher : “Je suis là pour vous raconter des choses” même si elles “semblent invraisemblables…” Randall Schwerdorffer, l’autre avocat des parties civiles, doit encore interroger l’accusé, avant de laisser la place à l’avocat général, Étienne Manteaux. L’échange promet d’être tendu : depuis le début du procès, le 4 décembre, le magistrat brûle d’interroger celui qu’il accuse d’avoir tué, avec préméditation, Narumi Kurosaki, une brillante étudiante japonaise de 21 ans, disparue le 5 décembre 2016 à Besançon.
"Il s'enfonce"
Son corps n’a jamais été retrouvé, malgré d’intenses recherches. Les enquêteur·rices pensent que Nicolas Zepeda n’a jamais supporté que Narumi le quitte : il l’aurait étouffée ou étranglée, puis se serait débarrassé de son corps dans une zone boisée près de Dole. Questionné lundi par le président de la cour, Nicolas Zepeda a redit son innocence, rejetant une “accusation horrible”. S’il a concédé de nouveaux “mensonges” et apporté quelques nouveaux éléments, notamment sur ses retrouvailles avec Narumi, ses réponses sont apparues au fil des questions de plus en plus imprécises et brouillonnes.
Puis, mardi, c’est l’achat d’un pack de trois boîtes d’allumettes et d’un bidon d’essence près de Dijon, juste après son arrivée du Chili en France, le 1er décembre pour, selon la nouvelle version du Chilien, retrouver Narumi et la reconquérir, qui questionne. “Un esprit mal intentionné pourrait faire le lien entre ces allumettes, ce bidon et le corps de Narumi”, jamais retrouvé et qui aurait pu être brûlé, lui lance Me Schwerdorffer. C’est “un réflexe ridicule que je paye très cher aujourd’hui. Et pourtant j’ai fait cet achat”, tente M. Zepeda, qui avait expliqué, lundi, avoir acheté ce bidon afin de le remplir de carburant pour son véhicule de location.
“S’il est renvoyé devant la cour d’assises, c’est qu’il y a des éléments à charge”, a concédé l’un des avocats de Nicolas Zepeda, Renaud Portejoie, reconnaissant que son client avait pu apporter lundi des réponses parfois “confuses”. Me Portejoie, qui pourra également interroger mardi avec Sylvain Cormier son client, a déjà dit lors des débats que son rôle n’était pas nécessairement de “ménager” son client, mais de lui poser toutes les questions, y compris celles qui “fâchent”. “Bien sûr [que M. Zepeda] s’enfonce, d’une certaine façon. Mais il a des avocats pour le sortir de tout ça”, a ajouté Me Portejoie.
Condamné le 12 avril 2022 par les assises du Doubs à 28 ans de réclusion, Nicolas Zepeda encourt la perpétuité. Le verdict devrait intervenir jeudi.
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