Nouvelle épreuve pour la ministre de l’Éducation Amélie Oudéa-Castéra : Mediapart a dévoilé, mardi, un rapport attendu qui dénonce des “dérives” homophobes et sexistes dans l’école privée Stanislas où ses enfants sont scolarisés.
“Je n’accepterai jamais que des établissements scolaires, que des services publics, puissent être des lieux d’accueil de paroles homophobes, de paroles dégradantes pour nos enfants”, a affirmé, ce mercredi, la ministre déléguée chargée de la Lutte contre les discriminations Aurore Bergé sur Sud Radio. Alors que Mediapart a publié, mardi, un rapport fustigeant des “dérives” à Stanislas, la polémique autour de la ministre de l’Éducation fraîchement nommée ne diminue pas.
Ce document de trente pages de l’Inspection générale de l’Éducation nationale, daté de juillet 2023, a été remis au ministère de l’Éducation le 1er août selon Mediapart, alors que Gabriel Attal était locataire de la rue de Grenelle. Il n’a jamais été rendu public, rappelle le site d’information, qui a interrogé la nouvelle ministre sur la scolarisation de ses enfants dès sa prise de fonctions vendredi.
Le rapport relève notamment “des dérives dans l’application du contrat d’association” de l’établissement avec l’État, comme l’obligation de suivre des cours de catéchisme, ce qui est contraire à la loi pour les établissements – même catholiques – sous contrat.
Il révèle également des “dérives” lors de ces cours, dans lesquels des intervenants auraient tenu des propos homophobes, antiavortement ou fait la promotion des thérapies de conversion, des catéchistes exprimant “des convictions personnelles qui outrepassent les positions de l’Église catholique, par exemple sur l’IVG” ou “susceptibles d’être qualifiées pénalement sur l’homosexualité”. Le rapport cite notamment le cas “grave” d’un catéchiste qui aurait parlé"de sodomie qui apporte le sida, de l’homosexualité qui est un péché".
Il fait état aussi de manquements dans l'application des programmes officiels sur l'éducation à la sexualité, avec notamment "le parti pris de certains professeurs de SVT de ne pas parler des infections sexuellement transmissibles". Ces prises de position, auxquelles s'ajoutent certains "propos tenus lors des conférences d'éducation à la sexualité sur les dangers de la contraception chimique" et les "dérives relevées en catéchèse", sont susceptibles "de porter atteinte à la santé des élèves", estime ce rapport.
Il met également en exergue "des choix et des comportements qui entretiennent les stéréotypes de sexe", avec notamment "une attention particulière à la tenue des jeunes filles empreinte de sexisme", marquée par une "préoccupation constante de l'apparence du corps féminin, qu'il faut cacher".
La promesse d'un "plan d'action"
“Ce rapport a été commandé en février 2023 et bouclé début août 2023. Et aussitôt, Gabriel Attal [alors ministre de l’Éducation] a demandé au rectorat et à l’inspection générale de suivre un plan d’action qui fait presque quinze mesures”, a déclaré Amélie Oudéa-Castéra sur France 2. “Ce plan d’action sera suivi avec toute la rigueur nécessaire”, a‑t-elle ajouté.
“Je précise que ce rapport ne remonte aucun fait d’homophobie ni aucun cas de harcèlement. Le seul cas d’homophobie a fait l’objet d’un signalement au procureur via la procédure de l’article 40", a encore déclaré la ministre, au cœur d’une polémique depuis vendredi.
Elle avait alors expliqué le transfert de son fils aîné d’une école maternelle publique à l’école Stanislas, il y a quinze ans, par “des paquets d’heures pas sérieusement remplacées” dans le public. Elle a aussi défendu l’éducation reçue par ses fils, estimant qu’ils étaient “bien formés” et “épanouis” dans l’établissement catholique.
Aurore Bergé a estimé quant à elle, sur Sud Radio ce mercredi, que “la seule nécessité aujourd’hui est que cet établissement se conforme à ses obligations”.
Les syndicats d’enseignant·es choqués
À la suite de ces révélations, deux sénateurs communistes, Ian Brossat et Pierre Ouzoulias, ont demandé à la ministre de “mettre fin au conventionnement dont bénéficie cet établissement”, estimant que les situations pointées auraient dû pousser Gabriel Attal “à agir sans délai”.
“C’est une publication qui pose plein de questions. Gabriel Attal a eu ce rapport dans le courant de l’été, alors pourquoi ne l’a‑t-il pas rendu public et pourquoi n’y a‑t-il pas eu de décision prise ?” interroge aussi Sophie Vénétitay, secrétaire générale du Snes-FSU, principal syndicat du second degré.
“Je suis choquée et révoltée, car on est face à un établissement privé qui bénéficie d’un soutien financier [public, ndlr] et politique”, a estimé Élisabeth Allain-Moreno, secrétaire générale du SE Unsa. “Si tous les faits sont vrais, cet établissement doit sortir de toute urgence de son contrat avec l’État”, a‑t-elle ajouté, demandant à Amélie Oudéa-Castéra de prendre “une décision rapide”.
L’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGESR) avait été “saisie le 22 février” 2023 par le ministre de l’Éducation d’une demande d’enquête administrative, à la suite à des articles de presse pointant des accusations de dérives homophobes et sexistes à Stanislas. Sollicités par l’AFP, le ministère de l’Éducation et le secrétariat général de l’enseignement catholique n’ont pas réagi.
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