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© Vladimir Srajber / Pexels

#MeToo ciné­ma : après la tem­pête Godrèche, les coachs pour enfants cherchent leur place

Dans le sillage du cri d’alerte de Judith Godrèche, les coachs qui accom­pagnent les enfants acteur·rices sur les tour­nages mettent aujourd’hui en lumière les dif­fi­cul­tés de leur métier. Ces professionnel·les espèrent que la défla­gra­tion lan­cée par la comé­dienne fera office de véri­table tour­nant qui fera “bou­ger les lignes”.

Sur le papier, la tâche des coachs pour enfants consiste d’abord à aider les jeunes acteur·rices à assi­mi­ler leur rôle et les direc­tives des metteur·euses en scène. Un cahier des charges a prio­ri éloi­gné de l’appel de Judith Godrèche à contrer l’emprise des réa­li­sa­teurs, elle qui affirme avoir été agres­sée sexuel­le­ment par les cinéastes Benoît Jacquot et Jacques Doillon quand elle était mineure. Dans les faits, pour­tant, “on assure aus­si un rôle de pro­tec­tion des enfants” face à un uni­vers du tour­nage qui “inti­mide”, raconte Delphine Labey, qui a tra­vaillé sur la série Un vil­lage fran­çais.

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On est là pour sécu­ri­ser les enfants”, assure pour sa part Amour Rawyler, en les aidant notam­ment à prendre de la dis­tance avec leur per­son­nage. Sur le tour­nage de Jusqu’à la garde (2017), film choc sur les vio­lences conju­gales récom­pen­sé aux César, cette pion­nière des coachs pour enfants assis­tait le jeune comé­dien Thomas Gioria, confron­té au père ultra­violent incar­né par Denis Ménochet. “On n’a jamais autant ri que sur ce tour­nage”, affirme-​t-​elle. Si leur rôle appa­raît ain­si essen­tiel, la pré­sence de ces coachs sur les pla­teaux n’a tou­te­fois rien d’obligatoire.

Chambouler le système

L’emploi sur un tour­nage d’un jeune de moins de 16 ans doit bien obéir à une série de contraintes – limi­ta­tion du temps de tra­vail, visite médi­cale, amé­na­ge­ment du temps sco­laire… – et être approu­vé par une com­mis­sion super­vi­sée par l’autorité pré­fec­to­rale, qui exa­mine le scé­na­rio. Mais une fois ce feu vert obte­nu, la pro­duc­tion n’est pas léga­le­ment tenue d’embaucher un·e référent·e aux côtés d’acteur·rices mineur·es. Fin février, face aux sénateur·rices, Judith Godrèche avait appe­lé à cham­bou­ler le sys­tème en “impo­sant” la pré­sence d’un·e référent·e “for­mé[e]” et indépendant·e de la pro­duc­tion afin qu’“un enfant ne soit jamais lais­sé seul sur un tour­nage”. La situa­tion glo­bale des mineur·es dans l’industrie du ciné­ma doit pro­chai­ne­ment faire l’objet d’une com­mis­sion d’enquête à l’Assemblée.

Ça paraît aber­rant qu’il y ait un enfant sur un tour­nage et per­sonne pour l’encadrer, relève la coach Claire Chauchat, ce n’est pas quelque chose qu’on ferait dans la vie et encore moins dans le cadre d’un tra­vail.” À Hollywood, la loi cali­for­nienne impose aux stu­dios la pré­sence sur les tour­nages d’un parent et/​ou d’un·e “stu­dio tea­cher” formé·e pour veiller au bien-​être de l’enfant.

"Les lignes bougent"

En France, les parents peuvent être présent·es sur les pla­teaux et les socié­tés de pro­duc­tion hésitent de moins en moins à recou­rir à des coachs ou à des animateur·rices en charge du confort des enfants. Mais le flou demeure. Dépourvue de règle­men­ta­tion, la pro­fes­sion de coach pour enfants ne figure pas dans la Convention col­lec­tive des métiers du ciné­ma. “Le réel pro­blème, c’est la soli­tude dans laquelle nous exer­çons notre métier”, décrit la coach Violette Gitton, déplo­rant l’absence de for­ma­tion spé­ci­fique. “Les mis­sions qui nous sont confiées sont hau­te­ment déli­cates […], pour­tant nous n’avons bien sou­vent que notre sub­jec­ti­vi­té pour nous posi­tion­ner.”

Sans même par­ler de vio­lences sexuelles ou phy­siques, les tour­nages peuvent être de puis­santes chambres d’écho de ten­sions. “N’étant pro­té­gé par aucune ins­ti­tu­tion, le coach peut avoir du mal à trou­ver sa légi­ti­mi­té et à impo­ser sa fer­me­té lors de conflits”, estime Violette Gitton. À chaque moment du tour­nage, il faut pour­tant que l’enfant soit en mesure de faire entendre sa voix, estiment en chœur les coachs inter­ro­gées. “On doit bien poser les choses pour que le mineur reste conscient de ce qui se passe, indique Delphine Labey. Et puisse dire non s’il estime que ça va trop loin.”

Marine Longuet, du Collectif 50/​50 – favo­rable à la pré­sence d’un·e référent·e mineur·e –, estime qu’il serait pour autant hâtif d’envisager le ciné­ma fran­çais comme “une jungle qui dévore les enfants”. Delphine Labey consi­dère éga­le­ment que “les lignes bougent par rap­port à l’époque que décrit Judith Godrèche il y a trente ans”. Des amé­lio­ra­tions qui appa­raissent cepen­dant encore insuf­fi­santes. Le 22 mars der­nier, trois député·es de la majo­ri­té – Perrine Goulet, Véronique Riotton et Erwan Balanant, membres des délé­ga­tions aux droits des enfants ou aux droits des femmes – ont envoyé un signa­le­ment auprès de la pro­cu­reure de la République de Paris, à la suite du vision­nage d’auditions d’enfants de 7 à 8 ans réa­li­sées en 2020 pour CE2, de Jacques Doillon. On peut y voir les jeunes acteur·rices “sou­vent mal à l’aise, invi­tés à racon­ter les faits de har­cè­le­ment dont ils ont été vic­times, témoins ou auteurs”, selon Le Monde. Judith Godrèche avait par ailleurs cri­ti­qué les condi­tions du cas­ting de ce film lors de son audi­tion au Sénat.

Lire aus­si I Auditionnée au Sénat, Judith Godrèche demande une com­mis­sion d’enquête sur les vio­lences sexuelles au cinéma

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