Dans son rapport annuel publié ce 2 février, la Fondation dénonce une crise du mal-logement, fruit du quinquennat d’Emmanuel Macron.
Hiver après hiver, la Fondation Abbé Pierre publie son rapport sur « L’État du mal-logement en France » et vient frapper à la porte des pouvoirs publics pour les rappeler à leurs devoirs. À quelques semaines des élections présidentielles, le 27ème rapport publié ce mercredi 2 février dresse un bilan du quinquennat d’Emmanuel Macron. Et le constat n’est pas des plus réjouissants. Alors que la crise sanitaire a jeté une lumière accrue sur le mal-logement en révélant à quel point il s’agit d’un handicap majeur et supplémentaire pour les personnes en difficulté, ces cinq dernières années n’ont pas été « à la hauteur » des enjeux, selon la Fondation.
Le rapport volumineux de 360 pages, consulté par Causette, pointe « la précarisation de couches entières de la population » avec des conséquences visibles sur « le mal-logement ». Selon les chiffres du rapport, 4,1 millions de personnes sont mal-logées. On y retrouve 300 000 sans-domicile, qui vivent et dorment dans la rue, à l’hôtel ou encore en hébergement d’urgence. Un chiffre qui a d’ailleurs doublé en dix ans. À cela s’ajoute, 14,6 millions de personnes « fragilisées par la crise du logement ». C’est-à-dire qu’elles se retrouvent confrontées à des impayés de loyer, à des situations de surpeuplement ou encore contraintes de vivre sans chauffage.
« Le logement n’a jamais été une priorité de l’exécutif au cours de ce mandat »
Si la Fondation dénonce un « aveuglement général des responsables politiques » sur la question du logement, c’est surtout envers le gouvernement sortant d’Emmanuel Macron qu’elle est la plus critique. « De manière générale, il apparaît que le logement n’a jamais été une priorité de l’exécutif au cours de ce mandat », dénonce-t-elle. Au cours des cinq ans d’Emmanuel Macron au pouvoir, la part des dépenses publiques pour le logement a reculé, passant de 1,82% du PIB à 1,63% en 2020. « Depuis 1984, l’effort public pour le logement n’a jamais été aussi faible », constate la Fondation.
Une politique des « petits gestes »
La Fondation L’Abbé Pierre a, néanmoins, remarqué quelques avancées, avec notamment « le retour bienvenu des crédits d’État pour la rénovation des logements sociaux », le remplacement du crédit d’impôt par la rénovation énergétique ou encore le lancement en 2018 du plan quinquennal « Logement d’abord », en faveur des sans domicile. Des actions qui ont permis selon l’association d’éviter des chiffres encore plus élevés. Mais, malgré ces « petits pas » et ces « petits gestes », le quinquennat a été marqué, selon l’association, par « des coupes budgétaires inédites », qui ont largement contribué à aggraver la situation.
Une politique, fruit d’un véritable désengagement de l’État dans son soutien aux ménages modestes pour la Fondation. Dès 2017, en réduisant, par exemple, de cinq euros le montant mensuel des aides personnalisées au logement (APL), puis en réformant celui-ci, en janvier 2021, en calculant désormais, les APL sur la base des douze derniers mois de revenus. Une réforme qui a, selon la Fondation, pénalisé les jeunes actif·ives dont les revenus sont proches du SMIC et a permis à l’État de réaliser « des économies faramineuses ».
Un autre « pilier de la politique du logement » a vu son budget raboté : le logement social. Selon les chiffres publiés dans le rapport, la production de logements sociaux est en baisse constante depuis le début du quinquennat. La production passant de 124 000 logements en 2016 à 87 000 en 2020. « Entre 2018 et 2022, l’État aura privé les organismes Hlm de six milliards d’euros », dénonce la Fondation dans son rapport. Une somme « considérable » qui aurait, si elle était restée à disposition des organismes Hlm, « donné la capacité de construire plus de 200 000 logements supplémentaires dans cette période ». Le nombre de constructions a reculé dans le parc social, et ce, malgré une hausse de la demande de logements sociaux.
Des mesures audacieuses
La Fondation a proposé dans son rapport une série de mesures « audacieuses mais réalistes et déterminantes » : prioriser la production de logements sociaux, réguler les marchés en encadrant les loyers et en créant une sécurité sociale du logement… Pour la Fondation, ce panel « permettrait d’entrevoir un sérieux recul du mal-logement et de la précarité ».
À quelques semaines de la présidentielle, la Fondation Abbé Pierre a appelé les candidat·es à s’emparer de cette question. Un appel du pied des plus impérieux pour l’association, qui redoute une superposition de la crise sanitaire et du logement avec une explosion des impayés de logement et des expulsions. « Il semble évident que la parenthèse ouverte par la crise sanitaire n’est pas près de se refermer », déplore-t-elle dans son rapport.