Le tribunal administratif de Nice a condamné l’État pour atteinte à la liberté d’expression ce lundi 26 juin, six mois après que la vitrine de la librairie niçoise Les Parleuses ait été recouverte d’un drap noir par des policier·ières à l’occasion d’une visite de Gérald Darmanin.
En décembre dernier, la vitrine de la librairie féministe niçoise Les Parleuses avait été recouverte d’un drap noir par des policier·ières lors d’une visite du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin. En cause, des collages féministes collés à l’intérieur de la vitrine. L’affaire avait alors fait scandale et les deux libraires des Parleuses avaient saisi la justice. Six mois plus tard, l’action des forces de l’ordre est désormais jugée illégale par la justice, rapporte Libération. Le tribunal administratif de Nice a en effet condamné l’État pour atteinte à la liberté d’expression ce lundi 26 juin.
« En l’absence de toute menace à l’ordre public, la décision de procéder à l’occultation de la vitrine en cause, constituait une décision illégale portant atteinte à la liberté d’expression de nature à engager la responsabilité de l’État », a considéré le tribunal administratif, rapporte Libération. Il condamne ainsi l’État à verser 1 000 euros pour préjudice moral à la librairie Les Parleuses et 1 000 euros pour indemniser les frais de justice.
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Même décision en ce qui concerne Hélène Devynck. La journaliste, dont le livre, Impunité, était particulièrement mis en avant dans la vitrine, avait également porté l’affaire devant la justice afin de faire reconnaître « l’illégalité » de la censure de la vitrine.
Hélène Devynck dont le livre retrace l'histoire des femmes accusant PPDA de violences sexuelles a réagi ce mardi matin sur Twitter : « Une gifle pour Gérald Darmanin. Il a fait condamner l’état pour avoir censuré mon livre et la librairie les Parleuses de Nice. Lutter contre l’impunité des violeurs, c’est David contre Goliath. Les victoires sont rares et savoureuses. »
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Les deux libraires se sont réjouies, elles-aussi, de la décision de justice. « Au-delà de notre petit cas personnel, c’est une reconnaissance symbolique. Le propos c’est de dire : “On ne détourne pas les forces de police parce qu’un message déplaît au ministère” », a réagi Anouk Aubert auprès de Libération. Sur la vitrine de la librairie et les murs attenants, on pouvait en effet lire : « Qui sème l’impunité récolte la colère », « Victimes, on vous croit. Violeurs, on vous voit » ou « Sophie, on te croit . Un message en référence à l’accusation de viol portée par Sophie Patterson-Spatz à l’encontre de Gérald Darmanin.
Pour rappel, elle avait accusé le ministre de l’Intérieur de lui avoir demandé une relation sexuelle en échange de son soutien dans une affaire judiciaire en 2009. La Cour d’appel de Paris a confirmé, mardi 24 janvier, le non-lieu prononcé en juillet dernier en faveur de Gérald Darmanin. Elle a annoncé par la voix de son avocate, Me Élodie Tuaillon-Hibon, se pourvoir en cassation.
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En ce qui concerne la censure de la librairie, le ministère de l’Intérieur estimait dans sa défense que « la mesure de dissimuler pendant une heure et quart la vitrine en cause était une mesure de police administrative adaptée et proportionnée en raison des risques de troubles à l’ordre public », rapporte Libération. Le ministère considérait aussi que « les affiches avaient pour objet de porter atteinte à [la] réputation et à [l’]honneur» de Gérald Darmanin et qu’il y avait un risque de «commission du délit de diffamation ».
L’avocate des libraires des Parleuses a de son côté annoncé à Libération sa volonté de poursuivre ce recours sur le fond du dossier « pour savoir si on est dans le détournement de pouvoir ou pas ». « La procédure qui viendra vise à obtenir confirmation qu’il s’agit bien d’un acte illégal et de déterminer qui est l’auteur de l’acte illégal », a-t-elle expliqué.
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