Visite scolaire obligatoire d'un lieu de mémoire, testing d'entreprises pour lutter contre les discriminations à l'embauche, volonté d'harmoniser la réponse policière aux plaintes pour racisme… Dans un contexte de montée de l'intolérance, le gouvernement cherche la martingale contre la haine.
« Derrière les insultes, les agressions, les discriminations, il y a des femmes et des hommes. Des personnes qui peuvent être blessées, inquiètes, perdre confiance en elle et dans notre pays. Nous ne pouvons l'accepter. » Ce lundi 30 janvier, la première ministre Elisabeth Borne a lancé un nouveau plan de lutte contre le racisme, l’antisémitisme et les discriminations liées à l'origine sous le mot d'ordre « pas d'impunité pour la haine ». En présence d'une dizaine de ministres concerné·es et des membres d'associations anti-racistes réuni·es à l'Institut du monde arabe (INA), Elisabeth Borne a évoqué les mesures les plus emblématiques des 80 qui composent le plan, au premier rang desquelles une visite liée à l’histoire ou celle d’un lieu de mémoire rendue obligatoire pour chaque élève durant sa scolarité.
Grille d'évaluation pour la police
Piloté par Isabelle Rome, ministre déléguée chargée de l'Égalité entre les femmes et les hommes, de la Diversité et de l'Égalité des chances, et « fruit d'une longue concertation avec les représentants d'associations et de lieux de mémoire », le plan est découpé en cinq axes : « Nommer la réalité du racisme, de l’antisémitisme et des discriminations, et réaffirmer notre modèle universaliste » ; « mesurer les phénomènes de racisme, d'antisémitisme et des discriminations » ; « mieux éduquer et mieux former » ; « sanctionner les auteurs » ; « accompagner les victimes ». Il intervient après une précédente initiative en 2018 lancée par le premier ministre d'alors Edouard Philippe et n'a reçu que très peu d'écho.
Pour justifier de la nécessité de ce nouveau dispositif, le gouvernement rappelle que la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH) estime à « 1,2 million de citoyens victimes de situations à caractère raciste et antisémite ». Le ministère de la Justice a quant à lui indiqué que « 7 221 affaires à caractère raciste, antisémite ou xénophobe ont fait l'objet d'une suite judiciaire en 2021. Au total, c’est 1 382 condamnations qui ont été prononcées pour ce type d’acte, soit une augmentation de 45 % de plus par rapport à 2021. »
Testings des entreprises
Côté justice, le plan prévoit d'ailleurs la création de peines aggravées « en cas d'infractions non publiques à caractère raciste ou antisémite commises, dans l'exercice de leur fonction, par des fonctionnaires. » En amont, le gouvernement espère améliorer le traitement des plaintes et donc éviter les classements sans suite en émettant une « grille d’évaluation pour mieux qualifier les faits » à l'adresse des forces de l'ordre. Autres mesures annoncées : « L'émission de mandat d'arrêt en cas d'infractions graves à caractère raciste ou antisémite » ou encore, la « création d'amendes civiles dissuasives » pour protéger les salarié·es et les entreprises face aux situations de discrimination.
Toujours dans le cadre professionnel, une autre mesure phare est la systématisation des testings sur les discriminations à l'embauche. « Il n’est pas réaliste d’envisager de tester toutes les entreprises évidemment, précise-t-on au gouvernement, mais l’objectif est bien de cibler des entreprises dans tous les secteurs d’activité et de toutes les tailles. Les résultats seront rendus publics et que des sanctions pourront être envisagées si nécessaire. »
"Antitsiganisme"
Enfin, ce plan, qui s'attache à employer le terme « antitsiganisme » aux côtés de « racisme » et « antisémitisme », comporte tout un volet préventif. Le gouvernement entend ainsi mettre l'accent sur la formation autour de ces enjeux à l'adresse des enseignants et personnels d’établissement, des agents de la fonction publique, des éducateurs sportifs ou encore des bénévoles pour les Jeux olympiques 2024. La mise en oeuvre de chacune des dispositions du plan se fera dans chaque ministère concerné, à l'appui de son propre budget déjà voté. Seules certaines dispositions nécessiteront des évolutions législatives, prises au gré des opportunités du calendrier parlementaire, détaille le gouvernement.
Dans un contexte de montée des extrêmes, il s'agit pour la ministre chargée du déploiement de ces 80 mesures Isabelle Rome, rien moins que de pourfendre « l'hydre du racisme et de l'antisémitisme, ce monstre dont chaque seconde d'existence est insupportable ». Pour autant, la Défenseure des droits regrette qu'aucune mesure ne concerne les contrôles d'identité discriminatoires.