Les autorités de santé viennent tout juste de modifier les recommandations de vaccination pour les femmes enceintes. Trop tard pour que celles-ci possèdent le cycle vaccinal complet avant le 1er août.
« Allons-nous devoir nous faire tester tous les deux jours alors que, jusqu'à présent, nous n'avons fait que suivre les préconisations ? », s'indigne Laura. Enceinte de neuf semaines, elle ne comprend pas l’absence d’assouplissement du pass sanitaire pour les femmes enceintes qui n’ont pas pu se faire vacciner jusque-là. La jeune femme déplore ne pas bénéficier de la même tolérance concernant le pass sanitaire que, par exemple, les jeunes de 12 à 17 ans « qui ont, eux, accès au vaccin depuis mi-juin ! ».
Un changement de réglementation…
Depuis avril, la vaccination lors du premier semestre de grossesse n’était pas recommandée en France, soit pas avant la 14ème semaine. Il s’agissait là d’un principe de précaution, et non pas une contre-indication, les femmes enceintes n’ayant pas été intégrées aux essais cliniques sur les vaccins. Au-delà de ce premier trimestre, elles étaient considérées comme public prioritaire, mais pouvaient néanmoins uniquement recevoir les doses à ARN messager, Pfizer/BioNTech ou Moderna.
Plusieurs professionnels de santé appelaient à la vaccination des femmes enceintes, peu importe l’avancement de leur grossesse. Dès le début de la campagne vaccinale, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (Cngof) affirmait : « cette vaccination doit être envisagée si les bénéfices potentiels l’emportent sur les risques pour la mère et le fœtus », tout en rappelant que « l'infection à SARS-CoV‑2 pendant la grossesse est une source de morbidité non négligeable et que la grossesse est un facteur de risque de gravité ».
Mardi 20 juillet, Olivier Véran, a déclaré qu’en dehors de trois situations précises (le « syndrome PIMS », les réactions type myocardite, péricardite et hépatite sévère, et les allergies à l'un des composants du vaccin), « il n’y a aucune contre-indication au vaccin ARN messager, ni la grossesse premier trimestre, ni la grossesse dernier trimestre ». En se basant sur les études et les observations de la vaccination dans d’autres pays, le Ministre de la santé et des solidarités a donc changé les recommandations vaccinales à l’égard des femmes enceintes.
… sans assouplissements du pass sanitaire
Mais pour l’heure, les femmes enceintes connaissent les mêmes réglementations que le reste de la population en ce qui concerne le pass sanitaire. « On est soumises à un pass sanitaire alors même qu’on a accès à la vaccination seulement depuis le 20 juillet, avant même de pouvoir se mettre en règle ! », regrette Laura.
La future maman avait pris rendez-vous pour sa première dose de vaccin contre le Covid-19 pour fin août, date à laquelle commençait son deuxième trimestre de grossesse et elle suivait donc les recommandations des autorités de santé et de ses propres médecins. Son cycle vaccinal ne sera donc pas complet avant la fin du mois d’août. « J’ai regardé pour avancer mon rendez-vous, mais dans ma commune de Bordeaux, il n’y a pas de créneaux disponibles », explique-t-elle. De son côté, Sarah, enceinte d’un mois après « un parcours du combattant de la PMA » qui a engendré chez elle beaucoup de stress, se retrouve désormais déboussolée par ce changement de directives : « Les données conseillant jusqu'à alors le principe de précaution, à savoir la vaccination envisagée à partir du troisième mois révolu, ne sont plus valables et maintenant, aux oubliettes le principe de précaution ! » La jeune femme explique à Causette échanger avec « bon nombre de femmes dans [son] cas, qui cherchent alors réassurance auprès du corps médical, sans que celui-ci ne sache que répondre. Le nombre d'avis divergents se multiplient proportionnellement au nombre de professionnels consultés ».
En tout état de cause, le Cngof a estimé, dans un communiqué du 21 juillet, « qu’il n’est pas possible d'obliger les patientes à se vacciner au premier trimestre. En effet, le risque de fausse-couche spontanée à ce terme est important et il ne faudrait pas qu’une relation de cause à effet soit établie de façon inappropriée entre la réalisation de la vaccination et la fausse-couche spontanée ». Après des mois de recommandations de non-vaccination, il apparaît difficile pour le collectif de sanctionner des femmes enceintes qui ne souhaitent pas se faire vacciner immédiatement.
Des promesses du gouvernement non tenues
Lundi 19 juillet, le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, avait pourtant annoncé sur Franceinfo que « dans les prochains jours, des clarifications seront données pour [que les femmes enceintes] ne soient pas pénalisées » et qu’il n’était pas question qu’elles « doive[nt] faire des tests PCR tous les deux jours pour pouvoir accéder à un certain nombre d'activités quotidiennes ». Or, le pass sanitaire est en vigueur depuis le 21 juillet pour les lieux de culture et de loisirs et aucun assouplissement n’a depuis été annoncé. Nombre de femmes enceintes craignent que l’annonce d’Olivier Véran sur l’ouverture de la vaccination aux femmes enceintes lors de leur premier trimestre ait balayé la promesse de Gabriel Attal.
Sarah pointe un autre écueil de ce manque d’éclaircissement : les femmes enceintes dans leur premier trimestre et travaillant dans une profession où le pass sanitaire est obligatoire font désormais face à la curiosité de leurs collègues ou de leur patron·ne, s’enquérant du pourquoi elles ne sont pas vaccinées. « Où est passé le choix de ne rien dire à son employeur durant le premier trimestre ? Aux oubliettes, tout comme le respect de chacun à disposer de son corps et… de son petit haricot ! Va-t-on médiatiser la culpabilité que l'on fait porter aux personnes enceintes qui choisissent le principe de précaution ? ». Face à ces incohérences, Laura a tout tenté. Elle a appelé des cabinets ministériels, des sénateurs et des députés, mais toutes ses sollicitations sont restées lettre morte. Un député de la majorité lui a suggéré de s’inscrire sur le site ViteMaDose pour avancer son rendez-vous. Contacté par Causette, le Ministère de la Santé n’a quant à lui pas donné suite. Aucun assouplissement général ne semble donc être prévu de si tôt. « On a envie d'être vaccinées, de se protéger, de protéger notre enfant et de protéger les autres mais on peut pas aller plus vite que la musique, conclut Laura. C’est injuste de nous punir, on se sent comme des dommages collatéraux et on ne comprend pas ce silence ».