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Kevin Vacher le 30 avril lors de la présentation de son « programme pour vivre » © Pierre Gondard

Législatives : à Marseille, le can­di­dat indé­pen­dant Kevin Vacher veut croire à son inté­gra­tion dans la Nupes

Mise à jour 13 mai 2022 /​/​/​La Nupes a indi­qué jeu­di soir avoir inves­ti le dépu­té euro­péen LFI Manuel Bompard dans la cir­cons­crip­tion que bri­guait Kevin Vacher, qui a indi­qué mettre un terme à sa cam­pagne pour ne pas lui faire concurrence.

Série : Les primo-candidat·es en cam­pagne 1/​6

Issu du mili­tan­tisme de l'éducation popu­laire et fer de lance du mou­ve­ment contre le mal-​logement, Kevin Vacher, 31 ans, est can­di­dat indé­pen­dant aux légis­la­tives dans le centre de Marseille. À moins qu'il se résigne à céder sa place à un·e candidat·e choisi·e par la coa­li­tion Nupes.

Ça lui a pris au cœur de l’été, non pas en se rasant mais parce que « des copains et des copines sur le ter­rain » le lui ont sug­gé­ré, dit-​il. Devenir dépu­té pour por­ter un pro­gramme ambi­tieux en matière de démo­cra­tie par­ti­ci­pa­tive mais aus­si de lutte contre le mal-​logement, lui qui a été souf­flé par l’effondrement, le 5 novembre 2018, de deux immeubles de la rue d’Aubagne, sa rue, et des huit morts causées. 

Engagé dans le Collectif 5 novembre – qui lutte pour les droits des familles en deuil, les survivant·es mais aus­si pour que cela ne se repro­duise plus –, par ailleurs socio­logue dans une asso­cia­tion d’éducation popu­laire, le jeune homme de 31 ans issu d’un milieu défa­vo­ri­sé hésite. Un sen­ti­ment d’illégitimité l’assaille, tout comme « la fatigue accu­mu­lée ces der­nières années face aux crises, du loge­ment, sani­taire ou éco­lo­gique ». Alors, il passe l’été à son­der ses proches, « en leur posant tou­jours les trois mêmes ques­tions : est-​ce que vous trou­ve­riez ça déli­rant ? Suis-​je légi­time ? Seriez-​vous prêts à par­ti­ci­per ? » Tous répondent sys­té­ma­ti­que­ment non/​oui/​oui, raconte Kevin Vacher. À la fin de l’été, il se déclare can­di­dat indé­pen­dant mais réso­lu­ment de gauche chez lui, dans l’emblématique 4e cir­cons­crip­tion des Bouches-​du-​Rhône, sise sur les 1er, 2e, 3e et une par­tie des 5e et 6e arron­dis­se­ments de Marseille. C’est celle du centre-​ville et des quar­tiers – Noailles, Belsunce, la Belle de Mai, Le Panier – dont les seuls noms évo­ca­teurs sentent bon la bouilla­baisse, la pan­isse et la gauche irré­duc­tible. C’est aus­si celle où a été élu, en 2017, le dépu­té Jean-​Luc Mélenchon et où il a obte­nu 54 % des suf­frages lors du pre­mier tour de l’élection pré­si­den­tielle, le 10 avril 2022.

Une cir­co prisée

S’attaquer à une cir­co aus­si emblé­ma­tique en tant que can­di­dat indé­pen­dant n’a pas déran­gé Kevin Vacher, parce qu’il s’y sent chez lui depuis que ce Niçois d’origine s’est ins­tal­lé à Marseille : « Ce n’est pas ça qui me don­nait le sen­ti­ment d’imposteur et par ailleurs, j’aime bien les défis. » Il n’empêche : si Jean-​Luc Mélenchon – qu’on a accu­sé de s’être offert un beau para­chute en bri­guant l’investiture de la Canebière en 2017, lui qui est né au Maroc et a fait son trou poli­tique dans l’Essonne – ne devrait pas être can­di­dat à sa réélec­tion, l’endroit est pri­sé en ces temps d’alliances des par­tis de gauche au sein de la Nupes (Nouvelle union popu­laire éco­lo­gique et sociale). 

« Après le second tour fin avril, nous avons adres­sé un cour­rier à l’Union popu­laire de Marseille et au comi­té élec­to­ral natio­nal de la France insou­mise pour leur réité­rer notre volon­té qu’ils inves­tissent ma can­di­da­ture, plu­tôt que celle de Manuel Bompard [sou­vent pré­sen­té comme le numé­ro 2 de LFI et actuel­le­ment dépu­té euro­péen, ndlr], qui est pres­sen­tie », explique celui qui a natu­rel­le­ment appor­té son sou­tien à l’Union popu­laire lors de la pré­si­den­tielle. Depuis, le jeune homme attend des nou­velles, tout en pro­met­tant qu’il se ran­ge­ra der­rière le choix de la Nupes. Pas ques­tion de faire dis­si­dence, mais il en man­ge­rait tout de même son cha­peau : « Avec la France insou­mise comme avec EELV, on se connaît depuis long­temps et on a sou­vent eu des occa­sions de mili­ter ensemble, remet-​il. J’ai choi­si de me pré­sen­ter en can­di­dat indé­pen­dant parce que nous avions, avec Nos vies, nos voix, le col­lec­tif qui bat la cam­pagne à mes côtés, besoin d’autre chose que les par­tis poli­tiques pour ras­sem­bler. Je peux avoir de gros points d’accord pro­gram­ma­tique avec l’Avenir en com­mun, mais je ne pense vrai­ment pas que les par­tis soient capables, à eux tout seuls, de réor­ga­ni­ser la vraie gauche sur le long terme. Et d’ailleurs, les faits me donnent rai­son : ce qui se passe actuel­le­ment avec les trac­ta­tions de la Nupes, c’est que les per­sonnes issues des quar­tiers popu­laires sont mas­si­ve­ment éjec­tées des posi­tions éli­gibles au pro­fit des hommes et femmes d’appareil. »

Plus de deux cents par­rains et marraines

Dans l’incertitude sur le deve­nir de sa can­di­da­ture, Kevin Vacher a pour­tant des gages à faire valoir : une for­ma­tion express à l’Académie des futurs lea­ders, un ancrage ter­ri­to­rial cer­tain, une belle cam­pagne com­men­cée en sep­tembre et mon­tée avec des dons – lui-​même n’a pas de fonds per­son­nels à appor­ter et touche actuel­le­ment le chô­mage –, ain­si que l’adhésion de plus de deux cents par­rains et mar­raines à Nos vies, nos voix. « Nous avons com­men­cé avec le noyau dur à pré­sen­ter nos idées dans des cafés et des réunions d’appartement, aujourd’hui, on ne connaît pas les per­sonnes qui nous invitent à par­ler de notre pro­gramme », assure le candidat. 

Pour celui qui a fait de l’ancrage ter­ri­to­rial un de ses enga­ge­ments clés, le moment le plus impor­tant a peut-​être été celui du « toxic tour du mal-​logement » orga­ni­sé le mer­cre­di d’avant le pre­mier tour. Ce qui lui plaît aus­si, c’est d’avoir appli­qué son savoir-​faire du col­lec­tif et de l’éducation popu­laire, où « l’esprit de chef­fe­rie des par­tis » n’a pas lieu d’être, à la cocons­truc­tion de son pro­gramme, mon­té au fil des réunions avec les par­rains et mar­raines et des ren­contres avec les habitant·es. En résulte avant toute chose un ambi­tieux « pro­gramme pour vivre », avec « retour immé­diat des 80 000 lits d’hôpitaux sup­pri­més depuis 2020 », « levée des bre­vets, en pre­mier lieu sur les vac­cins Covid », ou encore « adop­tion de la loi Climat telle que rédi­gée par la Convention citoyenne pour le cli­mat ». Mais aus­si une « pro­po­si­tion de loi citoyenne pour plus de pou­voir citoyen », dans laquelle on trouve l’emblématique Référendum d’initiative citoyenne (RIC) mais aus­si des idées nou­velles : des recours en réfé­ré contre des pro­jets d’aménagement, de construc­tion ou d’urbanisme ren­dus sus­pen­sifs ; une mise sous tutelle citoyenne lorsqu’une admi­nis­tra­tion est condam­née ; un chèque citoyen per­met­tant, pour les per­sonnes qui ne paient pas d’impôt, de finan­cer des asso­cia­tions « et ain­si leur don­ner la fier­té de pou­voir agir dans la socié­té », ou encore un « congé citoyen » d’une semaine par an pour s’impliquer dans une asso ou un col­lec­tif. Enfin, un troi­sième volet de pro­duc­tion de cor­pus est celui de la loi dite « rue d’Aubagne » pour la digni­té de l’habitat, construite à par­tir des audi­tions de militant·es du Collectif du 5 novembre, des mal-logé·es, des assos locales et natio­nales ain­si que des avocat·es.

Aux fon­de­ments, une injus­tice envers le père

Pour le can­di­dat qui milite de longue date contre l’apathie poli­tique, ce pro­gramme exi­geant sur l’implication citoyenne dans la vie poli­tique est une réponse au « pes­si­misme démo­cra­tique » ambiant, fait de repli sur la sphère pri­vée, d’abstentionnisme qu’il per­çoit « comme un véri­table mes­sage poli­tique pas­sif » ou de vote Rassemblement natio­nal. « Je peux com­prendre cette idée que, la démo­cra­tie ne mar­chant pas, pour­quoi ne pas ten­ter l’autoritarisme por­té par le RN, dit-​il. Mais c’est aux acteurs poli­tiques et à des nou­veaux comme moi de pro­té­ger la démo­cra­tie en allant tout chambouler. »

Kevin Vacher a conscien­ti­sé l’injustice lorsqu’enfant, son père ouvrier invente « une tech­nique d’usine pour répa­rer les puces de télé­phone » et se fait piquer l’idée par la boîte qui l’emploie, qui bre­vette le concept. « Mon père a ten­dance à rela­ti­vi­ser l’anecdote, c’est moi qui la poli­tise, observe-​t-​il. Ma mère, femme de ménage immi­grée dans un hôtel de luxe lorsque je suis né, a vécu le clas­sisme et le racisme. J’ai com­pris en me lan­çant que j’héritais des idées et des colères de là d’où je viens. Aujourd’hui, mes parents regardent mon par­cours de manière atten­tive depuis Nice mais je crois que, comme tous les gamins issus d’un milieu popu­laire qui ont fait de grandes études ou se sont lan­cés en poli­tique, je ne sais pas trop com­ment expli­quer et eux ne savent pas trop com­ment s’insérer là-​dedans. C’est impres­sion­nant, je pense. Et cela fait écho à l’enjeu de ma can­di­da­ture : de quelle repré­sen­ta­ti­vi­té natio­nale en termes de classe, de genre, d’origine a‑t-​on besoin au sein de l’Assemblée ? »

Lire aus­si l Académie des futurs lea­ders : des militant·es à l'école du pouvoir

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