Marina Correia, la cham­pionne du monde qui danse sur son longboard

Ce dimanche 24 janvier, c’est la Journée internationale du sport féminin ! Clairement l’occasion de vous parler de Marina Correia, si vous ne la connaissez pas encore. La jeune femme est devenue, le 10 janvier dernier, la première femme noire à remporter le titre de championne du monde de longboard.

Au milieu des palmiers niçois de la Promenade des Anglais, une jeune femme slalome entre les passant·es. Les deux pieds sur une planche de skate, elle enchaîne pas de danse et figures acrobatiques impressionnantes. Le tout sur une musique latine entraînante Vale la pena (« Ça vaut le coup »). Et effectivement, ça en valait le coup ! Grâce à une vidéo du même genre, Marina Correia, 23 ans, a remporté le titre de championne du monde de longboard dancing, compétition qui s’est tenue en ligne – contexte sanitaire oblige – le 10 janvier dernier. Au programme de ce sport encore assez méconnu : un savant et joyeux mélange de danse, de vitesse et de technique sur une planche un peu plus longue qu’un skateboard.

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© ruben production

Née au Cap-Vert, Marina Correia arrive à Nice à 14 ans avec sa famille. L’adolescente découvre le longboard trois ans plus tard, lorsqu’un de ses copains de lycée lui prête une planche. Cette discipline, qui allie dextérité et équilibre propres au skateboard et grâce et sens du rythme essentiels à la danse, est une révélation. Allant jusqu’à arrêter le football – qu’elle pratique alors en club –, la jeune femme se consacre à sa nouvelle passion. Et l’apprentissage est rude. « Les débuts étaient compliqués, j’ai appris le longboard dancing toute seule en regardant des vidéos de filles brésiliennes, raconte Marina à Causette. Je tombais souvent. Mais le longboard, c’est ça aussi. Ça t’apprend la patience : tu tombes, tu te relèves et tu continues. » À force de persévérance, l’adolescente progresse.

Quelques années après ces débuts hésitants, la Prom’ est finalement devenue la deuxième maison de l’étudiante en lettres modernes, qui partage ses journées entre la glisse et les bancs de la fac. « Je ne me déplace jamais sans ma planche, même pour acheter du pain », plaisante celle qui s’avoue « complètement accro. » Marina ne fait pas que progresser, elle brille carrément sur la planche. En 2017, la carrière de la jeune femme s’emballe. « La marque de longboard Sector 9 était venue présenter sa nouvelle collection dans un magasin spécialisé de Nice, je me suis mise à essayer toutes les planches. » Impressionnée par la virtuosité de Marina, la marque lui propose d’être sponsorisée, en échange de vidéos.

Grâce à ce partenariat, la jeune femme s’améliore, encore. Après une première tentative au championnat national, où elle termine à la seconde place, Marina trouve un nouveau sponsor en décembre 2020 (cette fois, avec la marque de ride coréenne 1Love Sk8). Elle se présente en parallèle au So You Can Longboard Dancing ?, le championnat du monde. Début janvier, le résultat tombe et c’est la consécration. À seulement 23 ans, la Niçoise d’origine capverdienne et brésilienne est sacrée championne du monde dans la catégorie « femmes sponsorisées ». Une réussite remarquable, mais également symbolique, puisque Marina Correia devient la première femme noire à se hisser sur la plus haute marche du podium d’une discipline traditionnellement associée à l’image de sportives blondes californiennes. Une grande première que la jeune femme revendique. « En tant que femme noire, c’est une immense fierté d’être reconnue comme la meilleure de l’édition 2020, se réjouit-elle ainsi. Petite, je n’ai jamais vu de femmes noires sur une planche à la télévision. Encore aujourd’hui, sur les sites consacrés au longboard, on n’en voit jamais. » Une invisibilité qui, grâce à elle, tend à changer : cinq ans après ses débuts, le compte Instagram de Marina a atteint les 17 000 abonné·es.

« Ce que je veux, c’est briser les clichés » 

Si son talent n’est donc plus à prouver, Marina doit cependant toujours se battre pour affirmer son identité de femme noire. Et pas uniquement dans le milieu du longboard. Peu après sa victoire, la face sombre de Twitter ne tarde pas à pointer le bout de son bec. En effet, pour avoir revendiqué fièrement sur le réseau social être « la première femme noire à devenir championne du monde », la sportive se trouve confrontée au colorisme, une discrimination fondée sur la couleur de la peau, les traits du visage et les cheveux d’une personne noire. En cause : une peau pas assez foncée pour se revendiquer comme telle, selon certain·es internautes, qui la conspuent dans une vague de commentaires racistes. « Je suis métisse de par mes origines capverdiennes et brésiliennes, mais je suis une femme noire avec des parents noirs, une famille noire », publie la jeune femme, en réponse au cyberharcèlement qu’elle subit. « Ce qui m’a le plus touchée, c’est que certains sont venus de la communauté noire. Mais avec le recul, ce n’est pas si grave, je préfère me concentrer sur ma victoire. »

Lire aussi : Awa-Eve Sissoko : « Lutter contre la dépigmentation des peaux noires, c’est lutter contre le racisme et le colorisme »

Casser les stéréotypes autour du skate en y dénonçant le manque de représentation des femmes et en particulier des femmes noires : le projet est d’ampleur, mais n’a pas de quoi effrayer la sportive. Sûre de sa force et de son talent, Marina peut désormais capitaliser sur son succès pour faire connaître son art et, pourquoi pas, faire rêver jusque dans les chambres d’enfants. « Je veux faire comprendre que ce n’est pas un sport réservé aux mecs blancs. Ma victoire, c’est de montrer aux petites filles qu’elles peuvent s’identifier à moi. Qu’une femme noire a sa place sur les podiums. » Avec un tel caractère, tout se passera comme sur des roulettes.

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