Le col­lec­tif #NousToutes pointe l’insuffisance des séances d’éducation à la sexua­li­té au col­lège et au lycée

Une enquête du col­lec­tif #NousToutes, publiée le 3 février, confirme que la loi de 2001, pré­voyant trois séances annuelles d’éducation à la sexua­li­té du CP à la ter­mi­nale, est bien loin d’être appliquée. 

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©#NousToutes

L’éducation à la sexua­li­té est ins­crite dans le Code de l’éducation depuis la loi Aubry de 2001. À rai­son d’au moins trois séances annuelles, du CP à la ter­mi­nale, cette ins­truc­tion vise à ensei­gner une culture de l’égalité femmes-​hommes, à per­mettre aux jeunes d’aborder serei­ne­ment leur vie affec­tive et sexuelle et à pré­ve­nir ain­si les vio­lences sexistes et sexuelles. Voilà ce qui devrait être en place, en théo­rie. Depuis des années, les professeur·eures et les militant·es aler­taient sur cette défaillance qu'iels obser­vaient : elle est désor­mais prou­vé. En pra­tique, sur les 21 séances pré­vues au col­lège et au lycée, seule­ment 2,7 sont en moyenne tenues, observe le col­lec­tif fémi­niste #NousToutes lors d’une récente enquête menée auprès de plus de 10 900 per­sonnes qui ont effec­tué au moins une année au lycée ou au col­lège depuis 2001. Soit à peine 13 % des séances que ces jeunes auraient dû recevoir.

Si certain·es élèves ont eu quelques séances dis­sé­mi­nées ici et là, d’autres n’ont jamais enten­du par­ler de sexua­li­té au-​delà du pro­gramme de SVT. Emma, sta­giaire chez Causette et col­lé­gienne en troi­sième dans le Vaucluse, n'a par exemple reçu aucun cours d’éducation à la sexua­li­té. Ni elle ni aucun·e des cama­rades de son col­lège. « Ces séances sont dis­pen­sées de façon lar­ge­ment insuf­fi­sante d’un point de vue quan­ti­ta­tif autant que qua­li­ta­tif », mar­tèle en pré­am­bule le rap­port de #NousToutes.

Prédominance du champ biologique 

Quels sont les thèmes abor­dés dans ces séances ? Selon le site du minis­tère de l’Éducation natio­nale, le pro­gramme se divise en trois champs. Celui du bio­lo­gique, avec l’apprentissage de l’anatomie, de la repro­duc­tion, de la contra­cep­tion et des pré­ven­tions des infec­tions sexuel­le­ment trans­mis­sibles et du VIH. Puis vient le champ psycho-​émotionnel qui concerne l’estime de soi, les com­pé­tences psy­cho­so­ciales, les rela­tions inter­per­son­nelles, ain­si que l’approche des émo­tions et des sen­ti­ments. Et enfin, le champ juri­dique et social qui aborde les droits et devoirs des citoyen·nes, l’égalité entre les femmes et les hommes, la por­no­gra­phie et les vio­lences sexistes et sexuelles.

« La majo­ri­té des thèmes abor­dés lors des séances d’éducation à la sexua­li­té font en réa­li­té par­tie du pro­gramme de SVT. L’identité de genre, l’orientation sexuelle, le consen­te­ment sexuel et les vio­lences ne sont pas suf­fi­sam­ment abordés »

Rapport #NousToutes

En pra­tique, les thèmes abor­dés sont fran­che­ment dis­pa­rates selon les répondant·es du rap­port de #NousToutes. Viennent en pre­mière posi­tion les infec­tions sexuel­le­ment trans­mis­sibles, les organes géni­taux et la puber­té pour plus de 70% des répondant·es, sui­vies de la contra­cep­tion et l’utilisation d’un pré­ser­va­tif pour plus de 55% d’entre eux·elles. Le har­cè­le­ment (26%) et le consen­te­ment (22,3%) arrivent ensuite en 3e et 4e place des sujets dis­cu­tés dans ces cours. Les vio­lences sexistes et sexuelles ain­si que les iden­ti­tés de genres sont quant à elles relé­guées en bas de clas­se­ment (moins de 15%). Un clas­se­ment qui se ter­mine avec le droit des enfants, la pédo­cri­mi­na­li­té et l’inceste. Des sujets qui ont concer­nées moins de 10% des séances des répondant·es alors que l'inceste concer­ne­rait en moyenne en France, en 2021, deux enfants par classe. 

« La majo­ri­té des thèmes abor­dés lors des séances d’éducation à la sexua­li­té font en réa­li­té par­tie du pro­gramme de SVT, constate amè­re­ment le rap­port de #NousToutes. L’identité de genre, l’orientation sexuelle, le consen­te­ment sexuel et les vio­lences ne sont pas suf­fi­sam­ment abor­dés, pour­tant, tous ces thèmes devraient occu­per une place égale dans les pro­grammes. » D’ailleurs, selon le col­lec­tif, 55,5% de ces séances sont dis­pen­sées au col­lège direc­te­ment dans les pro­grammes des enseignant·es de Sciences et vie de la Terre. Selon la loi, ces séances devraient pour­tant être orga­ni­sées sur un temps bana­li­sé par une équipe de per­son­nels volon­taires et for­més sur le sujet – ils et elles peuvent être des professeur·es, des conseiller·es principaux·pales d’éducation, des infirmier·ières ou des intervenant·es extérieur·es.

"heu­reu­se­ment qu'ils s’éduquent cer­tai­ne­ment autre­ment que par l’école"

Un man­que­ment qui a des consé­quences concrètes dans la lutte contre les inéga­li­tés de genre et les vio­lences sexistes et sexuelles. « Les séances d’éducation à la sexua­li­té au col­lège et au lycée sont un moyen incon­tour­nable pour pré­ve­nir les vio­lences sexuelles et sexistes, insiste le col­lec­tif #NousToutes dans son enquête. C’est au moment du col­lège et du lycée qu’il faut agir. »

Sur la ques­tion du consen­te­ment par exemple, 22,3% des répondant·es à l’enquête affirment avoir déjà abor­dé cette thé­ma­tique au cours d’au moins une séance. Un cour avec des effets posi­tifs puisque par­mi elles et eux, 82% déclarent désor­mais connaître la défi­ni­tion du consen­te­ment et veiller à le res­pec­ter et le faire res­pec­ter dans leurs rela­tions amou­reuses et sexuelles. En com­pa­rai­son, ce pour­cen­tage tombe à 15% chez les per­sonnes n’ayant pas eu de séances sur le consen­te­ment. Solène*, réfé­rente éga­li­té dans un Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) du nord de la France vient jus­te­ment d’intervenir auprès de cinq classes de seconde sur la ques­tion du consen­te­ment. « C’était une heure par demi classe, ce qui est très, très court et je crois que c’est la seule séance qui est pré­vue sur les trois années de lycée, constate t‑elle auprès de Causette. La notion de consen­te­ment sem­blait plu­tôt claire dans la majo­ri­té des têtes, heu­reu­se­ment qu'ils s’éduquent cer­tai­ne­ment autre­ment que par l’école mais ces séances res­tent indis­pen­sables et pour­tant encore insuffisantes. »

Faire appli­quer la loi 

Pour le col­lec­tif fémi­niste, « il est néces­saire que des moyens soient déployés pour gui­der les professeur·es dans cet ensei­gne­ment, les rému­né­rer pour ce tra­vail, per­mettre aux référent·es éga­li­té de mener leurs mis­sions et véri­fier l’application de la loi . » Le col­lec­tif a d’ailleurs lis­té une série de recom­man­da­tions « loin d’être exhaus­tives » s’adressant aux intervenant·es, aux élèves et aux parents d’élèves. Une ving­taine de pro­po­si­tions qui ont pour but de « contri­buer à la mise en place d’une meilleure édu­ca­tion à la sexua­li­té dans les col­lèges et les lycées ». 

À l’approche des pré­si­den­tielles, #NousToutes espère un chan­ge­ment. « Nous deman­dons à ce que le pro­chain gou­ver­ne­ment fasse appli­quer la loi et véri­fie le nombre de séances et le pro­gramme de l’éducation à la sexua­li­té. » D’ici là, le col­lec­tif appelle celles et ceux qui se sentent concerné·es à par­ta­ger l’enquête, à se mobi­li­ser sur les réseaux sociaux autour du hash­tag #SexEducationNationale !


Le man­que­ment des référent·es éga­li­té dans les lycées

En sep­tembre 2021, #NousToutes a poin­té dans une enquête natio­nale, réa­li­sée auprès de 1000 lycées, que plus de deux sur trois n’avaient pas de référent·e éga­li­té alors même que c’est obli­ga­toire par la loi depuis 2018. Leur rôle est d’assurer la trans­mis­sion d’une « culture de l’égalité » entre les filles et les gar­çons à l’école et d’éduquer dès le plus jeune âge. 

Lire aus­si l Enquête #NousToutes : deux lycées sur trois n'ont tou­jours pas de référent·e égalité

*Le pré­nom a été modifié 

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