Une enquête du collectif #NousToutes, publiée le 3 février, confirme que la loi de 2001, prévoyant trois séances annuelles d’éducation à la sexualité du CP à la terminale, est bien loin d’être appliquée.
![Le collectif #NousToutes pointe l’insuffisance des séances d’éducation à la sexualité au collège et au lycée 1 Capture d’écran 2022 02 04 à 17.30.38](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/02/Capture-d’écran-2022-02-04-à-17.30.38.jpg)
L’éducation à la sexualité est inscrite dans le Code de l’éducation depuis la loi Aubry de 2001. À raison d’au moins trois séances annuelles, du CP à la terminale, cette instruction vise à enseigner une culture de l’égalité femmes-hommes, à permettre aux jeunes d’aborder sereinement leur vie affective et sexuelle et à prévenir ainsi les violences sexistes et sexuelles. Voilà ce qui devrait être en place, en théorie. Depuis des années, les professeur·eures et les militant·es alertaient sur cette défaillance qu'iels observaient : elle est désormais prouvé. En pratique, sur les 21 séances prévues au collège et au lycée, seulement 2,7 sont en moyenne tenues, observe le collectif féministe #NousToutes lors d’une récente enquête menée auprès de plus de 10 900 personnes qui ont effectué au moins une année au lycée ou au collège depuis 2001. Soit à peine 13 % des séances que ces jeunes auraient dû recevoir.
Si certain·es élèves ont eu quelques séances disséminées ici et là, d’autres n’ont jamais entendu parler de sexualité au-delà du programme de SVT. Emma, stagiaire chez Causette et collégienne en troisième dans le Vaucluse, n'a par exemple reçu aucun cours d’éducation à la sexualité. Ni elle ni aucun·e des camarades de son collège. « Ces séances sont dispensées de façon largement insuffisante d’un point de vue quantitatif autant que qualitatif », martèle en préambule le rapport de #NousToutes.
Prédominance du champ biologique
Quels sont les thèmes abordés dans ces séances ? Selon le site du ministère de l’Éducation nationale, le programme se divise en trois champs. Celui du biologique, avec l’apprentissage de l’anatomie, de la reproduction, de la contraception et des préventions des infections sexuellement transmissibles et du VIH. Puis vient le champ psycho-émotionnel qui concerne l’estime de soi, les compétences psychosociales, les relations interpersonnelles, ainsi que l’approche des émotions et des sentiments. Et enfin, le champ juridique et social qui aborde les droits et devoirs des citoyen·nes, l’égalité entre les femmes et les hommes, la pornographie et les violences sexistes et sexuelles.
« La majorité des thèmes abordés lors des séances d’éducation à la sexualité font en réalité partie du programme de SVT. L’identité de genre, l’orientation sexuelle, le consentement sexuel et les violences ne sont pas suffisamment abordés »
Rapport #NousToutes
En pratique, les thèmes abordés sont franchement disparates selon les répondant·es du rapport de #NousToutes. Viennent en première position les infections sexuellement transmissibles, les organes génitaux et la puberté pour plus de 70% des répondant·es, suivies de la contraception et l’utilisation d’un préservatif pour plus de 55% d’entre eux·elles. Le harcèlement (26%) et le consentement (22,3%) arrivent ensuite en 3e et 4e place des sujets discutés dans ces cours. Les violences sexistes et sexuelles ainsi que les identités de genres sont quant à elles reléguées en bas de classement (moins de 15%). Un classement qui se termine avec le droit des enfants, la pédocriminalité et l’inceste. Des sujets qui ont concernées moins de 10% des séances des répondant·es alors que l'inceste concernerait en moyenne en France, en 2021, deux enfants par classe.
« La majorité des thèmes abordés lors des séances d’éducation à la sexualité font en réalité partie du programme de SVT, constate amèrement le rapport de #NousToutes. L’identité de genre, l’orientation sexuelle, le consentement sexuel et les violences ne sont pas suffisamment abordés, pourtant, tous ces thèmes devraient occuper une place égale dans les programmes. » D’ailleurs, selon le collectif, 55,5% de ces séances sont dispensées au collège directement dans les programmes des enseignant·es de Sciences et vie de la Terre. Selon la loi, ces séances devraient pourtant être organisées sur un temps banalisé par une équipe de personnels volontaires et formés sur le sujet – ils et elles peuvent être des professeur·es, des conseiller·es principaux·pales d’éducation, des infirmier·ières ou des intervenant·es extérieur·es.
"heureusement qu'ils s’éduquent certainement autrement que par l’école"
Un manquement qui a des conséquences concrètes dans la lutte contre les inégalités de genre et les violences sexistes et sexuelles. « Les séances d’éducation à la sexualité au collège et au lycée sont un moyen incontournable pour prévenir les violences sexuelles et sexistes, insiste le collectif #NousToutes dans son enquête. C’est au moment du collège et du lycée qu’il faut agir. »
Sur la question du consentement par exemple, 22,3% des répondant·es à l’enquête affirment avoir déjà abordé cette thématique au cours d’au moins une séance. Un cour avec des effets positifs puisque parmi elles et eux, 82% déclarent désormais connaître la définition du consentement et veiller à le respecter et le faire respecter dans leurs relations amoureuses et sexuelles. En comparaison, ce pourcentage tombe à 15% chez les personnes n’ayant pas eu de séances sur le consentement. Solène*, référente égalité dans un Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) du nord de la France vient justement d’intervenir auprès de cinq classes de seconde sur la question du consentement. « C’était une heure par demi classe, ce qui est très, très court et je crois que c’est la seule séance qui est prévue sur les trois années de lycée, constate t‑elle auprès de Causette. La notion de consentement semblait plutôt claire dans la majorité des têtes, heureusement qu'ils s’éduquent certainement autrement que par l’école mais ces séances restent indispensables et pourtant encore insuffisantes. »
Faire appliquer la loi
Pour le collectif féministe, « il est nécessaire que des moyens soient déployés pour guider les professeur·es dans cet enseignement, les rémunérer pour ce travail, permettre aux référent·es égalité de mener leurs missions et vérifier l’application de la loi . » Le collectif a d’ailleurs listé une série de recommandations « loin d’être exhaustives » s’adressant aux intervenant·es, aux élèves et aux parents d’élèves. Une vingtaine de propositions qui ont pour but de « contribuer à la mise en place d’une meilleure éducation à la sexualité dans les collèges et les lycées ».
À l’approche des présidentielles, #NousToutes espère un changement. « Nous demandons à ce que le prochain gouvernement fasse appliquer la loi et vérifie le nombre de séances et le programme de l’éducation à la sexualité. » D’ici là, le collectif appelle celles et ceux qui se sentent concerné·es à partager l’enquête, à se mobiliser sur les réseaux sociaux autour du hashtag #SexEducationNationale !
Le manquement des référent·es égalité dans les lycées
En septembre 2021, #NousToutes a pointé dans une enquête nationale, réalisée auprès de 1000 lycées, que plus de deux sur trois n’avaient pas de référent·e égalité alors même que c’est obligatoire par la loi depuis 2018. Leur rôle est d’assurer la transmission d’une « culture de l’égalité » entre les filles et les garçons à l’école et d’éduquer dès le plus jeune âge.
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*Le prénom a été modifié