Un an après le grand rendez-vous consacré à la lutte contre les violences au sein du couple, Élisabeth Moreno, la ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes, assure que toutes les mesures promises ont été engagées.
Mercredi 25 novembre, Journée mondiale pour l’élimination de la violence à l’égard des femmes. C’est cette date ô combien symbolique qu’Élisabeth Moreno, qui a succédé à Marlène Schiappa au ministère de l’Égalité, a choisie pour faire le point sur les résultats obtenus depuis le Grenelle contre les violences conjugales. Il y a un an, Édouard Philippe, alors Premier ministre, promettait des « résultats ». Un an plus tard, Élisabeth Moreno reprend le terme à son compte. « Dès mon arrivée, j’ai voulu mettre en place une culture du résultat », a assuré la ministre, en préambule de son discours. Un terme un peu techno qui fait bizarre quand on songe à la réalité du sujet : des femmes qu’on frappe, des femmes qui meurent.
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L’urgence est toujours là
En l’occurrence, les chiffres n’ont guère bougé en la matière. Selon les données de l’Observatoire national des violences faites aux femmes publiées ce mois-ci, 213 000 femmes ont déclaré avoir subi des violences physiques ou sexuelles de la part de leur conjoint ou ex-conjoint en 2019. Moins d’une sur cinq a porté plainte. Quant au nombre de féminicides, 146 femmes ont été tuées par leur partenaire ou ancien partenaire. Selon le collectif Féminicides par compagnon ou ex, qui établit son propre comptage via les publications dans la presse, il y a eu 152 victimes l’an dernier. Pour 2020, le chiffre s’élève, pour le moment, à 87 féminicides. L’urgence est toujours là. « Les violences faites aux jeunes filles, aux femmes, aux femmes handicapées qui cumulent les peines parce que certains hommes ont un sentiment de domination et pensent que les femmes leur appartiennent, qu’elles sont leurs choses, qu’ils ont un droit de vie ou de mort sur elles : c’est insupportable ! Ça m’est insupportable et ça devrait l’être pour chaque être humain. Et c’est pour ça qu’il faut que ça s’arrête », a plaidé Élisabeth Moreno. Une tirade aux accents sincères qui ne fait pas oublier qu’au-delà du constat, unanimement partagé, seuls comptent les actes.
Des mesures déjà en vigueur
Des actions concrètes, il y en a eu depuis un an. La ministre a donc mis en avant les mesures phares du Grenelle entrées en vigueur ces derniers mois. Première d’entre elles : le déploiement de mille bracelets anti-rapprochement, arsenal réclamé de longue date afin de protéger les femmes, dans cinq juridictions. Vingt-cinq nouvelles juridictions devraient en obtenir avant la fin novembre. Fin 2020, c’est l’ensemble du territoire qui sera couvert. Pour le moment, le ministère ne dispose pas de chiffres sur l’utilisation de ces premiers bracelets. « C’est aux juges de s’en saisir », a renvoyé la ministre. Autres mesures mises en avant par Élisabeth Moreno : la possibilité de porter plainte dans trente hôpitaux et la réalisation d’un audit sur l’accueil des femmes dans les gendarmeries et commissariats, point régulièrement critiqué par les associations et les femmes elles-mêmes, dont les résultats sont attendus « de façon imminente ». En matière de prise en charge des hommes auteurs de violences, dix-sept centres d’accueil doivent voir le jour avant la fin de l’année. Ces centres d’accueil de jour, gérés par des associations spécialisées comme la Fnacav (Fédération nationale des associations et des centres de prise en charge d’auteurs de violences conjugales et familiales), ne seront pas construits de toutes pièces. Ils existent déjà sous une autre forme. Concernant les femmes, le gouvernement maintient sa promesse de mille nouvelles places d’hébergement en 2021. Du côté des associations, la prudence est de mise face à cette promesse, car tout n’est pas clair quant à la nature des places annoncées. En fait, certaines assos redoutent que les femmes ne se retrouvent pas dans des centres dédiés. Dans un communiqué publié mercredi 25 novembre, la Fondation des femmes réclame deux mille places, soit le double.
« C’est pas à coups de milliards qu’on va tout régler »
Élisabeth Moreno, ministre chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes
Les critiques sur l’insuffisance des moyens mis en œuvre par l’État sont récurrentes. Pour nombre d’associations d’aide aux femmes, le compte n’y est pas. Dans son rapport comparatif entre la France et l’Espagne, souvent présenté comme le modèle en matière de prise en charge des féminicides, publié cette semaine, le centre francilien Hubertine Auclert souligne la différence entre les deux pays. « L’Espagne dépense 16 euros par habitant·e en matière de lutte contre les violences conjugales », soulignent les autrices du rapport. La France, elle, dépense un peu plus de 5 euros par habitant·e (sans compter les dépenses émises par les collectivités locales). « Pour être au même niveau de dépenses publiques que celui consacré à cette politique en Espagne, le budget interministériel français devrait s’élever à 1 milliard d’euros par an », ajoutent-elles. Des demandes qui agacent la ministre. « Le budget du ministère a augmenté de 40 % pour 2021, se défend Élisabeth Moreno. Mais tout ne dépend pas de mon budget et de mon ministère. Tous les efforts mis bout à bout, je peux vous dire qu’il n’y a pas eu un gouvernement qui ait autant mis la lumière et investi sur ce sujet. Alors, on pourrait continuer à investir des milliards, mais tant que les hommes n’auront pas compris qu’ils doivent arrêter ces violences, on n’y arrivera pas. C’est pas à coups de milliards qu’on va tout régler, mais à coups de sensibilisation, d’éducation et de sanctions que nous y parviendrons. »
La ministre s’est aussi employée à dissiper les craintes autour de l’avenir du 3919, le numéro d’écoute des femmes victimes de violences actuellement géré par la Fédération nationale Solidarité Femmes (FNSF) et sur le point d’être soumis à l’ouverture d’un marché public. Selon elle, cette mise en concurrence est une « obligation juridique ». Devant les craintes de désorganisation du réseau existant, voire de reprise en mains par des opérateurs téléphoniques au détriment de l’accueil des femmes, Élisabeth Moreno a tenu à préciser les choses. « Seules les entreprises expertes en matière de violences ou ayant déjà travaillé sur ce sujet seront habilitées à se porter candidates », a‑t-elle insisté. Une opération de déminage face à la polémique autour d’un numéro devenu emblématique dans la lutte contre les violences. En 2019, le 3919 a reçu 97 000 appels. Cette année, le même nombre d’appels a été atteint dès août, en à peine six mois. Une hausse des sollicitations qui s’explique, évidemment, par la crise sanitaire et le confinement du mois de mars qui a fragilisé les femmes en situation de violences. Peu de données sont disponibles au sujet du deuxième confinement, certes différent du premier, mais le ministère assure tout de même avoir enregistré une hausse de 15 % du nombre de tchats sur la plateforme Arretonslesviolences.gouv.fr.