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© Markus Spiske

Face au pass vac­ci­nal, les jusqu'au-boutistes du refus

Alors que le pass vac­ci­nal sera ins­tau­ré en France lun­di 24 jan­vier, Causette est allée à la ren­contre des non-vacciné·es pour com­prendre les moti­va­tions mais aus­si les renon­ce­ments et les colères qui animent celles et ceux qui résistent encore à la sirène gouvernementale.

Le der­nier voyant est pas­sé au vert. Le pass vac­ci­nal vali­dé hier par le Conseil consti­tu­tion­nel rem­pla­ce­ra le pass sani­taire dès lun­di, le 24 jan­vier. Il entraîne avec lui une foule de nou­velles res­tric­tions pour les per­sonnes non-​vaccinées âgées de 16 ans et plus. Il sera, en effet, désor­mais obli­ga­toire pour accé­der aux lieux de culture et de loi­sirs, aux bars, aux res­tau­rants et même aux TGV.

Causette a choi­si de don­ner la parole aux Français·es qui n’ont pas encore fait le choix du vac­cin et qui ne se lais­se­ront pas, pour autant, convaincre par l’instauration du pass vac­ci­nal. Dans quel état d'esprit se trouvent ces 8% de citoyen·nes adultes (selon les chiffres de Santé publique France) qui refusent, mal­gré la mise en œuvre de la pro­messe pré­si­den­tielle de les « emmer­der », la vaccination ?

« Je ne suis pas une anti-vax »

Parmi elles·eux, on ne compte pas seule­ment des com­plo­tistes aux théo­ries far­fe­lues et des anti-​vax réfrac­taires à la science. « Avant toute chose, je tiens à dire que je ne me consi­dère pas du mou­ve­ment anti-​vax, ce n’est donc pas mon rejet des vac­cins en géné­ral qui me pousse à ne pas me faire vac­ci­ner », lance d’emblée Laura*, 37 ans. « J’en ai marre de pas­ser pour une zin­zin anti­vax alors que pas du tout, je suis connue pour mes facul­tés de dis­cer­ne­ment », amorce de son côté Mélissa* dans son témoi­gnage. « Je ne crois ni que la terre est plate ni qu’il y a une puce dans le vac­cin, je ne suis ni anti-​vaccin ni d’extrême droite, ni d'extrême gauche », assure, quant à elle, Maylis.

Ma san­té, mon corps 

Pourquoi ces per­sonnes refusent-​elle tou­jours la piqûre, alors même que les per­sonnes non vac­ci­nées conta­mi­nées par le Covid-​19 ont neuf fois plus de chances d’être hos­pi­ta­li­sées, et qua­torze fois plus de finir en soins cri­tiques que les vacciné·es ? Les rai­sons sont mul­tiples. Celle qui revient le plus fré­quem­ment dans la cen­taine de témoi­gnages reçus par Causette est la cer­ti­tude de ne pas faire par­tie d’un public à risque. « J’ai qua­rante ans et je pense être en par­faite san­té, faire suf­fi­sam­ment atten­tion à ce que je mange, et donc, si je dois attra­per le virus, je pense que mes défenses immu­ni­taires agi­ront comme il se doit », sou­tient Céline*, habi­tante du Puy-​de-​Dôme. Une posi­tion par­ta­gée par Stéphane, 35 ans. « Je don­ne­rais volon­tiers mon consen­te­ment éclai­ré à toute forme de vac­ci­na­tion qui pré­sen­te­rait à mes yeux une balance béné­fice risque plus évi­dente pour ma san­té. Je ne fais pas par­tie des publics à risques. Avec 30 ans de plus, ma posi­tion serait sans doute dif­fé­rente », développe-​t-​il.

« Je ne compte pas faire la troi­sième car j’ai vu des chan­ge­ments néfastes sur mon cycle mens­truel. Je n’ai plus confiance. »

Lola* qui a reçu ses deux pre­mières doses.

Bien sûr, on retrouve chez d'autres des craintes tou­jours pas dis­si­pées mal­gré les études et le recul que l'on com­mence à prendre, après plus d'un an de vac­ci­na­tion, sur les sup­po­sés effets secon­daires. « J’émets des doutes sur les risques pour la san­té, livre Lola* qui a pour­tant reçu ses deux pre­mières doses. Je ne compte pas faire la troi­sième car j’ai vu des chan­ge­ments néfastes sur mon cycle mens­truel depuis mon vac­cin. Je n’ai plus confiance. » Même constat pour Cécile, aujourd’hui en pleine réflexion sur troi­sième dose, car depuis la pre­mière, la jeune femme a remar­qué avoir ses règles deux fois par mois.

Esprit de contradiction

Une autre rai­son qui revient régu­liè­re­ment dans les témoi­gnages reçus découle de la récente stra­té­gie d’Emmanuel Macron de vou­loir « emmer­der » les non vacciné·es. En accen­tuant sa tona­li­té réso­lu­ment offen­sive à l’égard des réfrac­taires à la vac­ci­na­tion, le chef de l’État semble avoir radi­ca­li­sé les posi­tions. « J’avais un sen­ti­ment de culpa­bi­li­té quo­ti­dien et voi­là que Macron parle de nous emmer­der… il nous a fina­le­ment reboos­tés, mer­ci mon­sieur le pré­sident ! », lance Sarah, 42 ans, employée de banque. « Je ne me ferais pas davan­tage vac­ci­ner avec de telles décla­ra­tions, déclare Amina, mère de famille de 38 ans. C’est presque l’effet inverse, un tel chan­tage me donne encore plus envie de refuser. »

« Le jour où des argu­ments répon­dront vrai­ment à mes craintes sur les effets secon­daires à plus long terme sur la mens­trua­tion je me ferai vacciner »

Laura

Ce qui dérange la plu­part des non vacciné·es, c’est bien le « carac­tère obli­ga­toire » ren­du par le pass sani­taire puis vac­ci­nal. Car presque tous·tes estiment que, si ces mesures ont eu des impacts néga­tifs sur leurs liber­tés et leur quo­ti­dien, elles ne suf­fisent pas à pas­ser le cap, bien au contraire. Le pass vac­ci­nal a, par exemple, pous­sé Luc, père de famille, à « dur­cir [ses] posi­tions de résis­tance ». Pareil pour Marion, dont « [les] liber­tés seront encore plus entra­vées par le pass vac­ci­nal », qui a aus­si « encore plus affir­mée [ses] convic­tions per­son­nelles ». Le refus de la vac­ci­na­tion n’est, cepen­dant, pas caté­go­rique pour tout le monde. « Le jour où des argu­ments répon­dront vrai­ment à mes craintes sur les effets secon­daires à plus long terme sur la mens­trua­tion, je me ferai vac­ci­ner », assure Laura.

Peur d’être stigmatisé·e 

Une très grande majo­ri­té des per­sonnes qui ont témoi­gné pour Causette ont sou­hai­té res­ter ano­nymes. Un choix moti­vé pour beau­coup par la crainte d’être critiqué·e, voire stigmatisé·e. « Pour ma part, cette épée de Damoclès du pass vac­ci­nal est un véri­table poids au quo­ti­dien dans mes rela­tions aux autres », confie Céline*. Cette qua­ran­te­naire qui tra­vaille au ser­vice cultu­rel d’une petite com­mune du Puy-​de-​Dôme nous confie « [subir] une pres­sion monstre », ain­si que « des humi­lia­tions » de la part de son élu de réfé­rence depuis des mois. « Il me dit : “je ne vous par­le­rai que lorsque vous serez vac­ci­née, je ne veux pas être conta­mi­né”. Il cherche tou­jours à savoir mes moti­va­tions, si je suis anti-​vax ou sim­ple­ment pho­bique de l’aiguillece qui est mon cas. »

« A chaque fois que j’entends les gens nous cri­ti­quer, par­ler mal de nous comme si la situa­tion d’aujourd’hui était de notre faute, ça me fait mal »

Sarah

Par peur d’être jugé·es, certain·es optent pour la stra­té­gie du men­songe. « Au tra­vail, tout le monde m’imagine vac­ci­née », avoue Sarah, employée de banque. Ou celle de l’évitement. Comme Laura*, qui ne dit plus aux gens qu’elle ren­contre qu’elle n’est pas vac­ci­née « pour évi­ter le débat ». « A chaque fois que j’entends les gens nous cri­ti­quer, par­ler mal de nous comme si la situa­tion d’aujourd’hui était de notre faute, ça me fait mal », livre la jeune femme de 37 ans. Maëlys, elle aus­si, évite le sujet avec ses proches. « J’ai peur qu’on me pose des ques­tions, qu’on me cri­tique. Alors je sélec­tionne, je m’adapte et évi­dem­ment, je vois moins de gens. »

Isolement social 

Une situa­tion d’exclusion qui peut aller jusqu’à l’isolement social. « Le pass sani­taire pesait déjà sur ma vie sociale avec un entou­rage majo­ri­tai­re­ment vac­ci­né, sou­ligne Lucie*, 27 ans. Avec le pass vac­ci­nal, j’aurais doré­na­vant l’impression de faire peser mon choix à mon entou­rage qui sera alors contraint de se pas­ser de ma pré­sence pour toute sor­tie, voyage ou alors de modi­fier leurs plans. Le sen­ti­ment de culpa­bi­li­té est omni­pré­sent. » Pour la jeune femme qui vit à plus de 900 km de ses ami·es et qui se dépla­çait en train ou en avion, ce sera désor­mais « 9h de voi­ture ou rien du tout ».

Pour pal­lier les res­tric­tions et conti­nuer leur vie « comme avant » , certain·s ont ten­té la carte du contour­ne­ment. Mélissa* n’a pas hési­té, par exemple, à uti­li­ser les pass sani­taires d’autres per­sonnes, comme beau­coup de ses ami·es. « Quand on sor­tait au café, au ciné ou au théâtre, on avait cette petite blague “mmh com­ment je vais m’appeler ce soir ?” » Pour elle, « le pass vac­ci­nal ne chan­ge­ra rien », si ce n’est qu’elle « [pren­dra] moins de risques car l’amende passe de 135 euros à 1 000 euros ».

« Tout compte fait, c’est une aubaine car ça nous a per­mis de faire un pas de côté, de ralen­tir. On a appris à vivre sim­ple­ment »

Kenza

D’autres sont allés plus loin. Caroline* a volon­tai­re­ment côtoyé une per­sonne posi­tive au Covid pour pou­voir contrac­ter la mala­die et ain­si obte­nir le pré­cieux sésame. Si la ten­ta­tive s’est révé­lée infruc­tueuse, elle « [n’hésitera] pas à renou­ve­ler l’expérience ». Si Maëlys a, elle, eu des contacts pour obte­nir un faux vac­cin qui lui aurait ouvert la voie vers le pass vac­ci­nal, elle confie à Causette « ne pas être prête pour l’instant » à fran­chir le pas de l’illégalité.

Découvrir une autre vie 

D’autres ont semble-​il trou­vé bien au contraire une cer­taine satis­fac­tion dans ces res­tric­tions. « Tout compte fait, c’est une aubaine car ça nous a per­mis de faire un pas de côté, de ralen­tir. On a appris à vivre sim­ple­ment, a consta­té Kenza, qui vit en couple en ban­lieue lyon­naise. On consomme moins, on fait des éco­no­mies, on des­sine, on peint, on tri­cote, on dis­cute, on cui­sine, on se pro­mène… fina­le­ment, il n’y a que les loi­sirs cultu­rels qui nous manquent. » Même constat posi­tif chez Emmanuelle* qui « découvre une autre vie, qui ne [lui] déplaît pas avec les joies de rece­voir, d’aller rendre visite, de [se] bala­der qu’importe le temps ». Une explo­ra­tion inté­rieure qui sonne comme un ultime pied de nez au for­ceps politique.

*Les pré­noms ont été modifiés 

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