L'homme de 41 ans, condamné à tort pour viol en 2003, devient la quinzième personne réhabilitée par la justice sous la Vème République.
La cour de révision de la Cour de cassation - la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français - a solennellement reconnu l'innocence de Farid El Haïry jeudi 15 décembre, rapporte Le Monde. Elle a donc annulé sa condamnation pour agressions sexuelles et viol aggravé sur mineure, énoncée il y a 19 ans, le 19 décembre 2003 par la cour d'assises des mineurs du Nord.
En 1998, Julie D., 15 ans, avait accusé l'adolescent de 17 ans de ces faits. Près de 20 ans plus tard en 2017, elle a avoué, dans une lettre envoyée au procureur de la République de Douai, « avoir menti ». Dans ce courrier où elle présente ses excuses à Farid El Haïry et à sa famille, elle assure avoir été victime d'inceste répété de la part de son grand frère entre ses 8 et 12 ans et porte plainte envers lui. Farid El Haïry, 41 ans, condamné à tort pour viol en 2003, devient la quinzième personne réhabilitée par la justice sous la Vème République.
Une peine légère reflétant les doutes du tribunal ?
Durant l'audience devant la cour de révision, Me Anne-Sophie Wagnon-Horiot, avocate de Julie D., a estimé que la reconnaissance de cette erreur judiciaire invite à « ne pas sacraliser une parole, dont le contenu doit être confronté aux éléments d’un dossier, à ne pas se contenter d’une seule parole », opérant de fait un distingo entre la parole des victimes reçue dans le cadre d'un soutien associatif et la parole des victimes reçue par la justice.
La chroniqueuse judiciaire du Monde, Pascale Robert-Diard, fait part d'un certain malaise lié à cette affaire : « Farid El Haïry a été condamné par la cour d’assises des mineurs en 2003 à cinq ans d’emprisonnement, dont quatre ans et deux mois avec sursis, une peine qui couvrait sa détention provisoire. Il y a deux façons de lire ce verdict : soit des juges et des jurés ont fait preuve d’une étonnante bienveillance, en décidant de ne pas accabler un jeune homme à l’aube de sa vie d’adulte, en dépit des faits très graves dont ils l’avaient déclaré coupable. Soit ils ont douté, et ont enfoui leur trouble sous une peine légère, avec l’espoir que Farid El Haïry ne ferait pas appel, ce qui s’est produit, au mépris du principe selon lequel le doute doit bénéficier à l’accusé. » Elle soulève également un autre angle mort de cette affaire : n'ayant pas reçu de réponse à son courrier de 2017, Julie D. a dû écrire de nouveau au procureur en 2018 pour que la justice s'empare de son aveux de mensonge et daigne se saisir à nouveau du dossier de Farid El Haïry.
Indemnisation
De son côté, l'avocat du réhabilité, Me Franck Berton, va désormais lancer une demande d'indemnisation pour le temps passé en détention provisoire de son client (11 mois et 23 jours). Farid El Haïry avait par ailleurs été tenu de pointer chaque année au commissariat pendant quinze ans pour donner son adresse et avait été inscrit au fichier national des délinquants sexuels, peines qui ne peuvent pas officiellement faire l'objet d'une indemnisation, rappelle Le Monde. Qui donne en exemple les montants des indemnisations à la suite de la réhabilitation de Loïc Sécher en 2011 - là aussi une fausse accusation de viol. Après avoir passé 7 ans et 3 mois en détention, il avait été indemnisé par la cour d'appel de Rennes à hauteur de 797 352 euros. Sa mère avait également été indemnisée de 50 000 euros, ainsi que les trois membres de sa fratrie, qui avaient reçu 30 000 euros chacun. Quant à la jeune fille qui avait accusé à tort Loïc Sécher, elle avait été tenue de rembourser les indemnités perçues en qualité de victime.
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