La municipalité de Grenoble doit voter ce lundi un changement du règlement intérieur dans les piscines, voulu par le maire écologiste Eric Piolle. Au cœur de la décision, la question très épineuse du burkini. Au point que le préfet de l’Isère entamera des poursuites judiciaires si la modification est adoptée.
Un conseil municipal qui promet d’être explosif. L’été approche, et les mêmes polémiques reviennent. La Ville de Grenoble délibère ce lundi 16 mai à partir de 15h d’un nouveau règlement dans les piscines locales, pour lever les restrictions vestimentaires existantes. Notamment la possibilité de rester seins nus, ou au contraire, de porter un maillot couvrant pour se protéger du soleil ou par conviction personnelle. L’autorisation, par exemple, du port du burkini, ce vêtement de bain couvrant le corps et porté par certaines femmes musulmanes, qui serait autorisé Et ce dernier point ne manque pas d’agiter toute la classe politique.
Pour cause, le préfet de l’Isère a annoncé hier soir dans un communiqué qu’il contesterait une telle mesure devant le tribunal administratif si elle devait être adoptée. En suivant les consignes du ministère de l’Intérieur, le préfet considère qu’autoriser le burkini « paraît contrevenir au principe de laïcité posé par la loi de 1905 » car « l’objectif manifeste est de céder à des revendications communautaristes à visées religieuses ».
“Une mesure pour l’égalité” selon Eric Piolle
Pourtant, le mot burkini n’est pas mentionné une seule fois dans la modification du règlement, qui pourrait entrer en vigueur dès le 1er juin. Le 3 mai, le maire de Grenoble Eric Piolle déclare prendre cette décision pour que « chacun puisse se rafraîchir vêtu·e ou dévêtu·e comme il/elle veut, tant que la loi (l'hygiène et la sécurité) est respectée”. Une mesure au nom de la liberté et de l’égalité selon l’écologiste, qui voit le burkini comme un « non-sujet ». Pour lui, « ce n’est pas un enjeu de laïcité mais d’accès au service public » et d’injonctions sociales faites aux femmes.
L’initiative reste soutenue par certaines associations et politicien·nes. Le 11 mai dernier, le collectif Alliance Citoyenne, très actif sur la question de la légalisation du burkini dans l’espace public, signe une tribune avec 113 autres personnalités nationales pour défendre ce changement de règlement. Parmi les signataires, les militantes féministes Alice Coffin et Caroline de Haas, ou encore la conseillère de Paris Raphaëlle Rémy-Leleu. Intitulé En mai, mets ce qu’il te plaît !, le texte souligne : « Grenoble sera peut-être la première municipalité à revendiquer haut et fort que les femmes musulmanes ont autant leur place à la piscine que n’importe quel·le autre citoyen·ne ; et que plus personne ne doit être stigmatisé·e jusque dans les bassins en raison de son choix de maillot. »
Une décision qui secoue la classe politique
Si Eric Piolle qualifie ce matin cette démarche comme étant « de santé publique », ses contradicteur·rices, à gauche comme à droite, invoquent plutôt une entorse à la laïcité. Chez l’opposition, on s’étouffe. L’ancien maire de Grenoble et conseiller municipal LR Alain Carignon dénonce au micro de RTL la volonté du maire de « favoriser le communautarisme pour des raisons électorales ». Il appelle d'ailleurs les Grenoblois·es à rejoindre les manifestations prévues en début d’après-midi pour protester contre la mesure.
De son côté, Laurent Wauquiez, président LR de la région Auvergne-Rhône-Alpes, est catégorique : plus aucune subvention ne sera versée à la ville par la région en cas d’adoption de la mesure. Il soutient : « Nous ne cautionnerons aucune dérive communautariste de la part des collectivités. »
Au Parti Socialiste, même opposition, mais pas pour les mêmes raisons. Le PS est clair, il votera « contre » lors du conseil municipal attendu cet après-midi. Cécile Cénatiempo, cheffe de file du PS à Grenoble, perçoit cette initiative comme une « pression sociale ». Pour elle, « ça veut dire que si vous êtes une femme musulmane, pour aller à la piscine, vous n'aurez pas d'autre choix que mettre le burkini. »
Alors, progrès social ou entorse à la laïcité ? Dans le propre camp du maire, on s’écharpe – un tiers de la majorité écologiste s’affichant contre la délibération. Face aux tensions provoquées par le débat, le conseil municipal de ce lundi sera fermé au public, mais reste diffusé sur la chaîne YouTube de la municipalité.