Accusations de viols contre Damien Abad : la gauche demande sa suspension

Après les révé­la­tions de Mediapart ce same­di quant aux accu­sa­tions de viols contre Damien Abad, la gauche et plu­sieurs asso­cia­tions appellent à démettre le nou­veau ministre des Solidarités de ses fonc­tions, par mesure de pré­cau­tion. De leur côté, ses anciens col­lègues chez Les Républicains affirment ne pas être sur­pris par ce scandale. 

damien abad
Damien Abad, nou­veau ministre des Solidarités
© Wikimedia Commons

Le gou­ver­ne­ment Borne s’est tout juste for­mé ce ven­dre­di 20 mai, et voi­là déjà le pre­mier gros caillou dans sa botte : nom­mé ministre des Solidarités, Damien Abad est accu­sé de viols en 2010 et 2011 par deux femmes, comme le révèle Mediapart le len­de­main de sa nomi­na­tion, same­di 21 mai. Une affaire qui ébranle l'exécutif, sur­tout depuis que l’Observatoire des vio­lences sexistes et sexuelles explique avoir adres­sé un signa­le­ment par mail à la direc­tion de La République En Marche et des Républicains, ancien par­ti du Nîmois, lun­di 16 mai, à la suite de la demande d’une des plaignantes. 

Un envoi plu­sieurs jours avant l’annonce de la for­ma­tion du gou­ver­ne­ment qui ne semble pour­tant pas avoir impac­té le choix d'y nom­mer Damien Abad. Mediapart indique jus­te­ment dans son enquête que les cadres des deux par­tis assurent n’avoir « rien reçu » ou ne pas avoir rele­vé leurs boîtes mails, à l’instar de Christophe Castaner, pré­sident du groupe LREM à l’Assemblée natio­nale, Stanislas Guérini, délé­gué géné­ral d’En Marche, ou encore Aurélien Pradié, secré­taire géné­ral de LR.

De son côté, la nou­velle pre­mière ministre Elisabeth Borne s’est jus­ti­fiée lors d’un dépla­ce­ment dans le Calvados : « Bien évi­dem­ment, je n’étais pas au cou­rant. Je vais être très claire : sur tous ces sujets de har­cè­le­ment et d'agressions sexuelles, il ne peut y avoir aucune impu­ni­té. Il faut conti­nuer à agir pour que les femmes vic­times puissent libé­rer leur parole. Moi, j'ai décou­vert l'article de Mediapart hier, je n'ai pas plus d'éléments. Je peux vous assu­rer que s'il y a de nou­veaux élé­ments, si la jus­tice est à nou­veau sai­sie, on tire­ra toutes les consé­quences de cette déci­sion. » Interrogés par les chaînes d’information, Gérald Darmanin, ministre de l'Intérieur et lui-​même accu­sé de viol, et Eric Dupont-​Moretti, Garde des Sceaux connu pour ses saillies sexistes du temps de sa vie d'avocat, n’ont quant à eux pas sou­hai­té s’exprimer sur le sujet. Lors du point presse en sor­tie du conseil des ministres ce lun­di 23 mai, la porte-​parole du Gouvernement Olivia Grégoire a réité­ré « qu’aucun membre du gou­ver­ne­ment n’avait connais­sance » des faits. Elle a éga­le­ment réaf­fir­mé que « l’établissement de la véri­té, c’est à la jus­tice de le faire. »  

À gauche, on demande d’assumer les conséquences

Un mutisme au sein de la majo­ri­té qui révolte l’opposition. Au micro de RTL ce matin, l’ancienne can­di­date à la pri­maire éco­lo­giste Sandrine Rousseau, a dénon­cé le manque de res­pon­sa­bi­li­tés du nou­veau gou­ver­ne­ment : « Quand on nomme des ministres dans un gou­ver­ne­ment, on véri­fie qu'ils n'aient pas d'ennuis avec la jus­tice. S'il y avait eu une enquête sur Damien Abad, on aurait vu cette plainte clas­sée sans suite. » 

En réac­tion aux accu­sa­tions, des cadres de la gauche et des asso­cia­tions mili­tantes ont deman­dé la sus­pen­sion de Damien Abad, le temps qu’une enquête soit menée. Le pre­mier secré­taire du PS, Olivier Faure, a été clair : « Si j’étais Premier ministre, je dirais à Damien Abad : “je n’ai pas de rai­son par­ti­cu­lière de pen­ser que les femmes mentent, parce que je ne vois pas les rai­sons qui les moti­ve­raient à cela. Il y a un doute qui existe aujourd’hui. La parole des femmes doit être res­pec­tée. Donc, dans l’attente d’une déci­sion de jus­tice, je sou­haite que tu ne sois pas au gou­ver­ne­ment par mesure de pré­cau­tion” », a‑t-​il décla­ré sur France Inter

Sandrine Rousseau a elle aus­si esti­mé sur RTL que « la ques­tion n'est pas sa démis­sion à lui, mais le fait qu'il soit démis de ses fonc­tions sur le prin­cipe de pré­cau­tion. » La can­di­date de la NUPES aux légis­la­tives à Paris a éga­le­ment appuyé l’importance d’une telle déci­sion pour envoyer un mes­sage fort aux femmes. Avec cette affaire, elle regrette en effet que « la parole des femmes ne soit jamais aus­si puis­sante que celle des hommes » et que « [leur] parole ne compte tout sim­ple­ment pas. »

La cofon­da­trice de l’Observatoire des vio­lences sexistes et sexuelles, Fiona Texeire, a deman­dé la mise en place d’un « pro­ces­sus de sus­pen­sion » de Damien Abad. Pour elle, « c’est la res­pon­sa­bi­li­té du gou­ver­ne­ment de s'assurer que les per­sonnes qui vont côtoyer Damien Abad ne soient pas en dan­ger. (…) On n’est pas dans un registre de sanc­tions, mais dans un registre de pré­ven­tion pour évi­ter qu’il y ait de nou­velles vic­times », a‑t-​elle expli­qué sur BFM TV

Pour pro­tes­ter contre l’impunité des hommes poli­tiques accu­sés de viols et d’agressions sexuelles et pour récla­mer la démis­sion du nou­veau ministre, l’Observatoire des vio­lences sexistes et sexuelles, accom­pa­gné d’associations mili­tantes telles que le col­lec­tif Nous Toutes, orga­nise un ras­sem­ble­ment mar­di 24 mai Place Saint Augustin à Paris, à 18h. 

Des « com­por­te­ments dépla­cés » connus par LR 

Chez les Républicains, per­sonne n’est éton­né par ces révé­la­tions. La répu­ta­tion de « lourd dra­gueur » de Damien Abad n’est pas nou­velle, cer­tains cadres de son ancien par­ti s’en rap­pellent très bien. Au contraire, sa nomi­na­tion en a sur­pris plus d’un. « Dès que j’en par­lais avec des membres de cabi­net minis­té­riel ou des dépu­tés En marche, je leur disais : “Abad, faites atten­tion, parce que chez nous il y a beau­coup de rumeurs qui cir­culent…” », rap­porte un dépu­té LR au jour­nal Libération

À la sor­tie en 2017 d’un article de Closer révé­lant un dépôt de plainte pour viol de Margaux, jeune femme qui témoigne aus­si dans l’enquête de Mediapart, contre un dépu­té alors ano­nyme, chez LR, tout le monde y voit direc­te­ment Damien Abad. La plainte sera rapi­de­ment clas­sée sans suite. Aurélien Pradié se sou­vient avoir « tou­jours trou­vé qu’il avait avec les femmes un com­por­te­ment étrange ». À Mediapart, le secré­taire géné­ral de LR assure aus­si avoir « coin­cé » Damien Abad dans les cou­loirs de l’Assemblée natio­nale en 2020 pour le confron­ter aux « com­por­te­ments inap­pro­priés qu’il aurait eus avec des col­la­bo­ra­trices », sans que la conver­sa­tion n’aboutisse vrai­ment. Si le secré­taire s'érige en che­va­lier ser­vant de la cause des femmes, une membre de LR pré­cise quand même : « C’était deve­nu une blague super récur­rente de mimer l’handicapé qui attrape la fille de force. » Soit l'aveu d'une omer­ta dans les rangs des Républicains, comme sou­vent dans ces affaires de vio­lences sexuelles.

Chez LR, per­sonne ne croit qu’En Marche n’était pas au cou­rant de ces faits. « Des jour­na­listes qui ne sont pas de Mediapart m’avaient appe­lé il y a déjà un mois sur le sujet. Donc ne me dites pas que LREM n’avait pas accès à une info que la moi­tié des jour­na­listes avaient. Ils savaient comme nous. », a lâché une cadre du par­ti à Libération. Dans un com­mu­ni­qué et auprès de Mediapart, Damien Abad a contes­té « avec la plus grande force » les accu­sa­tions de vio­lences sexuelles qui le visent.

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