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À la suite d’un acci­dent mor­tel, la chasse s’invite dans la cam­pagne présidentielle

Après la mort d'une ran­don­neuse ce week-​end dans le Cantal, tuée par une chas­seuse mineure, le débat sur l'encadrement de la chasse fait un retour en force dans la cam­pagne pour l'élection présidentielle.

Le sujet de la chasse s’est impo­sé de façon dra­ma­tique dans la cam­pagne élec­to­rale. Une ran­don­neuse de 25 ans a été tuée, same­di 19 février, de la balle per­due d'une chas­seuse de 17 ans, alors qu’elle se pro­me­nait sur un sen­tier de ran­don­née bali­sé à proxi­mi­té d’une bat­tue aux san­gliers dans le Cantal. À quelques semaines du pre­mier tour de l’élection pré­si­den­tielle, cet acci­dent mor­tel relance le débat sur la coha­bi­ta­tion dif­fi­cile, dans les espaces natu­rels, entre les chasseur·euses et les promeneur·euses ou habitant·es. Dans son bilan de la sai­son de chasse 2020 – 2021, l’Office fran­çais de la bio­di­ver­si­té comp­ta­bi­li­sait 80 acci­dents, dont sept mortels. 

Ce der­nier décès – le qua­trième depuis l'ouverture de la sai­son – a mené, tout au long du week-​end, plu­sieurs candidat·es à l’élection pré­si­den­tielle à se posi­tion­ner sur le sujet. Le can­di­dat EELV Yannick Jadot, enga­gé dans son pro­gramme pour l’interdiction de la chasse les week-​ends et vacances sco­laires, s’est aus­si­tôt expri­mé sur son compte Twitter. « Personne ne devrait plus mou­rir à cause de la chasse », a‑t-​il plai­dé. Hélène Thouy, figure de proue du Parti ani­ma­liste, milite de son côté tout sim­ple­ment pour une inter­dic­tion pure et dure. « La com­plai­sance des auto­ri­tés avec les chas­seurs est cou­pable, a‑t-​elle écrit sur Twitter dimanche 20 février. La seule solu­tion pour évi­ter ces drames est d’interdire la chasse ! » Pour elle, « réduire [ la chasse] n’empêchera pas les acci­dents », assurait-​elle le 1er novembre 2021 sur RMC

À la suite de l'accident sur­ve­nu dans le Cantal, la posi­tion res­tric­tive du can­di­dat éco­lo­giste a été reprise par son concur­rent insou­mis, Jean-​Luc Mélenchon. Ce der­nier a esti­mé dimanche, sur France 3, qu’il « faut que la chasse ne soit pas pos­sible le week-​end et pen­dant les vacances sco­laires, parce que c’est là que le risque est le plus grand », ajou­tant qu’il faut « ces­ser de vendre des armes qui sont aus­si puis­santes ». Pour autant, ces res­tric­tion ne figurent pas pour l'heure dans son pro­gramme « L’avenir en com­mun », qui se penche uni­que­ment sur le cas des chasses dites cruelles envers les ani­maux, comme la chasse à la glu. 

Cajoler les chasseur·euses

À l’inverse, certain·es candidat·es se sont clai­re­ment positionné·es en faveur de la chasse, avant ou après l'accident de same­di. Le can­di­dat PCF Fabien Roussel a, lui, défen­du le 15 février sur France Inter « la chasse pra­ti­quée comme un loi­sir popu­laire de notre pays » ne pré­voyant pour l’heure aucune res­tric­tion. Idem pour Anne Hidalgo (PS) dont l'une des portes-​paroles, Carole Delga (pré­si­dente de la Région Occitanie), affir­mait fin octobre ne pas être d'accord avec la pro­po­si­tion de res­tric­tion de Yannick Jadot. Quant aux candidat·es de la droite, Valérie Pécresse (LR), et de l’extrême droite, Éric Zemmour (Reconquête !) et Marine Le Pen (RN), iels pré­fèrent clai­re­ment cajo­ler les 1,2 mil­lions de pratiquant·es que compte aujourd’hui la chasse en France. 

Marine Le Pen (RN) a reje­té, dans l’émission Questions poli­tiques (France Inter-​France info-Le Monde) au len­de­main de l'accident, toute idée de res­tric­tion, consi­dé­rant que « la chasse est une tra­di­tion ances­trale et qu’elle doit être main­te­nue ». Concernant la pro­po­si­tion res­tric­tive de Yannick Jadot, la can­di­date d’extrême droite a argu­men­té contre : « Si vous empê­chez les chas­seurs de chas­ser le week-​end, ils ne pour­ront pas chas­ser [la semaine] parce qu’ils tra­vaillent […]. Donc il faut réus­sir à trou­ver le moyen pour que les pro­me­neurs et les chas­seurs puissent en toute sécu­ri­té pro­fi­ter de notre domaine extraordinaire. » 

Si Valérie Pécresse (LR) et Éric Zemmour (Reconquête !) n’ont pas réagi à l’accident, les deux avaient fait l’éloge des chasseur·euses trois jours plus tôt, à l’occasion d’un « grand oral » devant le Mouvement de la rura­li­té, ancien­ne­ment le par­ti Chasse, pêche, nature et tra­di­tion (CPNT). La can­di­date LR y a appe­lé à « arrê­ter de faire la chasse aux chas­seurs » qui sont, selon elle, les « pre­miers amou­reux de la nature ». De son côté, Éric Zemmour a lan­cé à l'auditoire : « Je refuse et je refu­se­rai que qui que ce soit inter­dise la chasse. » 

Vers plus de réglementation ? 

De son côté, le gou­ver­ne­ment de l'actuel pré­sident Emmanuel Macron – qui a noué de solides liens avec la Fédération natio­nale des chas­seurs pen­dant son quin­quen­nat – a indi­qué, par la voix de la ministre de l’Écologie Barbara Pompili, que « les forces de l’ordre [étaient] mobi­li­sées pour que toute la lumière soit faite sur ce drame effroyable » sans entrer dans le débat sur la res­tric­tion de la chasse. Ce lun­di, la secré­taire d’État à la bio­di­ver­si­té, Bérangère Abba, inter­viewée par France Info, a néan­moins sem­blé faire un pas vers davan­tage de régle­men­ta­tion. « S’il s’avère qu’on a encore des choses à ren­for­cer, on le fera », a‑t-​elle indi­qué, rap­pe­lant avoir récem­ment annon­cé « la créa­tion d’une appli de géo­lo­ca­li­sa­tion dans laquelle on pour­rait savoir autour de soi où ont lieu les bat­tues »

Reste que les acci­dents de chasse relancent régu­liè­re­ment le débat poli­tique en France qui est l’un des rares pays euro­péens qui, avec l’Allemagne, auto­rise la pra­tique tous les jours de la semaine. Selon un récent son­dage Yougov pour l'association Animal Cross réa­li­sé début jan­vier, 41 % des Français·es vivant en zone rurale déclarent avoir déjà été (eux·elles ou leurs proches) vic­times d'une situa­tion d'insécurité liée à la chasse. Parmi les situa­tions les plus sou­vent ren­con­trées par les sondé·es, le dan­ger lors d'une pro­me­nade arrive en pre­mière posi­tion (49%), sui­vi par des situa­tions dan­ge­reuses sur la route (36%) et des tirs en direc­tion d'une habi­ta­tion ou d'un bâti­ment (25%).

Des chiffres qui illus­trent bien le fait que 82 % des Français·es seraient favo­rables à l'interdiction le week-​end ain­si que pen­dant les vacances sco­laires, selon un son­dage Ipsos/​Onevoice (sep­tembre 2021). Un large pour­cen­tage, sur un sujet qui n'apparaît pour­tant pas encore pri­mor­dial aux Français·es. Selon un son­dage Ifop/​Woopets datant lui aus­si de sep­tembre der­nier, le fait qu’un·e candidat·e affiche son sou­tien aux chasseur·euses durant la cam­pagne inci­te­rait seule­ment 45 % des sondé·es à ne pas voter pour lui·elle. 5% au contraire lui accor­de­raient leur voix. Pour le reste, ce sou­tien n'aurait aucun impact dans l'isoloir. 

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