Pour la première fois de son histoire, le Sénégal a un président marié à deux épouses. Dans un pays où 35% des ménages sont polygames, l'annonce réactive les dissensions entre les féministes qui estiment que le modèle polygame est un choix parmi d'autres pour les femmes et celles qui considèrent que la polygamie est nécessairement cause et conséquence d'inégalités de genre structurelles.
Mardi 2 avril, après avoir prêté serment “devant Dieu et devant la nation sénégalaise”, Bassirou Diomaye Faye a été intronisé président du Sénégal. Suppléant méconnu de l’opposant Ousmane Sonko, qu’il a dû remplacer au pied levé dans la course présidentielle en raison de son inéligibilité, celui qui a été élu président à 44 ans a promis un “changement systémique” de société, en se portant garant d’une “démocratie renforcée” et d’une “justice indépendante”. Si cet outsider qui porte l’espoir de la jeunesse est devenu le plus jeune chef d’état du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye en est aussi le premier polygame.
À ses côtés, mardi, se tenaient ses deux épouses : Marie Khone Faye et Absa Faye. La révélation publique de ce statut marital, quelques jours avant le premier tour de la présidentielle, le 24 mars, où il a obtenu 54 % des voix, a été l’occasion de tweets enthousiastes de certains hommes, dans un pays où, selon les chiffres officiels, 35 % des ménages sont polygames.
Pour décrypter ce sujet, Causette a demandé, le 26 mars, une interview au sujet de la polygamie au Sénégal à la chercheuse Fatou Sow Sarr, sociologue féministe et fondatrice du laboratoire Genre et recherche scientifique de l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan) rattaché à l’université Cheikh-Anta-Diop de Dakar. Bien que l’universitaire ait accepté, en 2018, de commenter dans les colonnes du Monde le sujet sous l’angle de l’attrait que pouvait susciter le modèle polygame pour une nouvelle génération de femmes instruites, mais pas à l’abri des pressions sociales quant au mariage, Fatou Sow Sarr a refusé, via un tweet, notre demande d’interview. “La polygamie, la monogamie, la polyandrie sont des modèles matrimoniaux déterminés par l’histoire et la culture de chaque peuple. Ces modèles sont aujourd’hui concurrencés par les mariages homosexuels”, écrivait-elle, entraînant avec elle de nombreux tweets critiques à propos de notre demande d’interview. Dans un second tweet, Fatou Sow Sarr se fait plus explicite : “Ma pensée profondément est que l’Occident n’a aucune légitimité pour juger de nos cultures.” Précisément la raison pour laquelle nous avions jugé bon de l’interviewer elle pour se livrer à ce décryptage.
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