En 2021, la Cour d’appel de Bâle avait allégé la peine d’un homme condamné pour viol, au motif, notamment, que l’agression n’avait duré "que" onze minutes. La plus haute instance judiciaire du pays vient de légitimer cet argument.
Un viol est-il moins condamnable s’il est court ? Oui, estime la justice suisse ! Le 22 novembre, le Tribunal fédéral suisse, plus haute instance judiciaire du pays, a jugé que la durée “relativement courte” d’un viol devait être prise en compte dans le quantum de la peine, venant confirmer une précédente décision de la Cour d’appel de Bâle.
Rembobinons : en 2020, deux hommes, âgés de 17 et 33 ans, ont été accusés d’avoir violé une femme devant son domicile, à Bâle, après l’avoir raccompagnée chez elle en sortant d’une boite de nuit. En première instance, l’accusé mineur avait été relaxé. L’accusé trentenaire, de nationalité portugaise, avait, quant à lui, écopé d’une peine d’emprisonnement de quatre ans et trois mois, assortie d’une interdiction de présence sur le territoire suisse pendant huit ans.
Mais à l’été 2021, après qu’il a fait appel du jugement, la Cour d’Appel est revenue sur cette peine, qu’elle a réduite à trois ans de prison (dont dix-huit mois avec sursis) et une interdiction de présence de six ans. Oralement, la Cour avait alors motivé sa décision en mettant en avant le comportement de la victime – qui aurait “joué avec le feu” et “donné des mauvais signaux” – ainsi que la durée de l’agression, jugée courte. Onze minutes, très exactement.
"En accord avec la loi fédérale"
À l’époque, cette décision avait suscité une vague d'indignation dans le pays – et même au-delà, la chanteuse belge Angèle s’en étant émue publiquement. Elle a aussi été condamnée par la victime et par le ministère public, qui ont porté le dossier devant le Tribunal fédéral suisse. Tribunal qui, le 22 novembre, a donc rendu sa décision, confirmant en partie celle de la Cour d’appel. Dans son jugement écrit, cette dernière soulignait que l’accusé n’avait pas pénétré la victime (contrairement à l’accusé mineur), en dépit d’une tentative et d’une fellation imposée. Elle avait également jugé irrecevable la crainte de la victime d’être contaminée par une maladie sexuellement transmissible, au motif qu’elle avait eu, peu de temps avant, un rapport sexuel consenti et non protégé dans les toilettes d’un bar.
Le Tribunal fédéral a cassé ces deux points du jugement. Mais pas celui sur l’atténuation de la peine en fonction de la durée du viol. “C'est en accord avec la loi fédérale”, a estimé le Tribunal. Cette instance judiciaire ayant partiellement cassé le verdict rendu par la Cour d’appel, un nouveau procès doit se tenir dans les prochains mois. Quant au second accusé, mineur au moment des faits et relaxé en première instance, son dossier est actuellement à l’étude par la Cour d’appel. Qui décidera, ou non, d’un nouveau procès.
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