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©Roméo A.

Japon : la longue lutte des femmes mariées pour obte­nir le droit de conser­ver leur nom de "jeune fille"

La loi japo­naise n’autorise pas l’usage dans un couple marié des deux noms de famille. Les femmes sont donc sou­vent obli­gées d’abandonner leur nom de jeune fille à leur mariage pour celui de leur époux. 

Au Japon, il est tou­jours illé­gal qu’un couple marié porte des noms de famille dif­fé­rents. À moins qu’il s’agisse d’un « mariage inter­na­tio­nal », c’est-à-dire d’un mariage entre un·e ressortissant·e japonais·e et un·e ressortissant·e étranger·ère, selon l’article 750 du code civil japo­nais, les époux sont, en effet, tenus de par­ta­ger le même nom, le plus sou­vent celui du mari. 

C’est le constat du nou­vel épi­sode de la série esti­vale de France Inter sur les com­bats des femmes à tra­vers le monde, consa­cré ce lun­di matin à l’impossibilité pour les Japonaises de por­ter leur nom de nais­sance. Car, au vu des mœurs japo­naises patriar­cales, l’écrasante majo­ri­té des femmes du pays aban­donnent leur nom lors du mariage pour prendre celui de leur époux.

En 2017, une enquête démo­gra­phique révé­lait ain­si que sur 606 000 mariages, seule­ment 25 000 couples ont choi­si de prendre le nom de l’épouse. Une lacune juri­dique, jugée sexiste par les fémi­nistes japo­naises, qui cause des dif­fi­cul­tés admi­nis­tra­tives et pro­fes­sion­nelles aux femmes et qui ren­force dans le pays les inéga­li­tés entre les femmes et les hommes. En 2020 d’après le Forum éco­no­mique mon­dial, le Japon figure en bas du clas­se­ment en matière d’égalité femmes-​hommes : à la 121ème place sur 153 pays. 

Sujet de discorde 

Pour pou­voir gar­der leur nom de nais­sance, nombre de Japonaises renoncent au mariage et optent alors pour le concu­bi­nage. Un choix qui selon France Inter, « les mar­gi­na­lise et les oblige cepen­dant à devoir renon­cer à d'autres droits accor­dés aux seuls couples mariés »

Un sujet de dis­corde vieux de plus de 120 ans qui divise donc la socié­té, à com­men­cer par les par­tis poli­tiques. D’un côté, la puis­sante droite natio­na­liste juge que le socle fami­lial repose sur ce nom com­mun. Selon elle, il y aurait trop d’inconvénients à des patro­nymes dis­pa­rates dans une même famille. De l’autre, la gauche estime que la légis­la­tion actuelle est liber­ti­cide. « On force une per­sonne à chan­ger de nom, c’est une vio­la­tion de ses droits fon­da­men­taux », consi­dère un séna­teur du Parti com­mu­niste japo­nais Nihon kyō­santō, au micro de France Inter. 

Opinion publique favorable

Ces der­nières décen­nies, les actions citoyennes se sont d’ailleurs mul­ti­pliées pour essayer de chan­ger les choses. Selon un son­dage mené par le quo­ti­dien éco­no­mique Nihon Keizai Shimbun en 2019 auprès de 2000 femmes actives, 74% d’entre elles se déclarent ain­si favo­rables à l’idée d’une réforme pour per­mettre aux couples de choi­sir de por­ter ou non des noms dif­fé­rents. Bien que l’utilisation du nom de jeune fille dans les acti­vi­tés pro­fes­sion­nelles ait été accep­tée par le gou­ver­ne­ment nip­pon en 2001, seule une poi­gnée d'entreprises l’autorise aujourd’hui. 

En 2015, cinq plai­gnantes avaient d’ailleurs por­té la ques­tion devant la Cour suprême, décla­rant que cette loi était anti­cons­ti­tu­tion­nelle, car elle dis­cri­mine les femmes. Quelques mois plus tard, la jus­tice nip­pone a tran­ché en confir­mant la loi du XIXe siècle, esti­mant que la loi rela­tive aux noms de famille « ne vio­lait pas la Constitution », arguant en outre qu'elle « ne por­tait pas atteinte à la digni­té indi­vi­duelle et à l'égalité entre hommes et femmes ». 

En 2021, le gou­ver­ne­ment japo­nais avait d’ailleurs sup­pri­mé le mot « fufu bes­sei » (« couples mariés por­tant des noms dif­fé­rents » en japo­nais) du brouillon de la feuille de route des stra­té­gies gou­ver­ne­men­tales pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Modifié une fois tous les cinq ans, ce texte résu­mant les mesures que le gou­ver­ne­ment va pro­mou­voir en matière d’égalité, reste valide jusqu’en 2026. Cette feuille de route sera ain­si réexa­mi­née à par­tir de 2023. Le débat sur le nom de famille au Japon est donc loin d’être clos. 

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