Les forces de sécurité iraniennes ont eu recours au viol et à d'autres formes de violences sexuelles afin de punir des manifestant·es lors du soulèvement « Femme, Vie, Liberté » , selon un rapport publié ce mercredi par Amnesty International.
Des témoignages glaçants faisant état de graves violences sexuelles. C’est ce que contiennent les 120 pages du dernier rapport de l’ONG Amnesty international publié ce mercredi 6 décembre. Intitulé " Ils m’ont violée : les violences sexuelles utilisées comme arme pour écraser le soulèvement révolutionnaire “Femme, Vie, Liberté”", il révèle la répression violente du régime des mollahs à l’égard des manifestant·es en Iran.
Le rapport, consulté par Causette, relate les témoignages de 45 personnes âgées de 12 à 48 ans, parmi lesquelles 26 hommes, 12 femmes et sept mineur·es. Ils et elles racontent avoir subi des viols, des viols collectifs ainsi que d’autres formes de violences sexuelles et de tortures. Des violences commises par les services de renseignement et des forces de sécurité sur des manifestant·es après leur arrestation dans le cadre des manifestations qui ont embrasé l’Iran après la mort de la jeune Mahsa Amini à l’automne 2022. Parmi ces personnes figurent des femmes et des filles qui avaient retiré leur voile en public ainsi que des hommes et des garçons qui étaient descendus dans la rue pour exprimer leur colère et leur indignation.
« Les briser de l’intérieur et de les faire taire »
En tout, « 16 des 45 victimes dont le cas a été présenté dans le rapport ont été violées », détaille Amnesty International. « Six de ces personnes – quatre femmes et deux hommes – ont subi des viols collectifs perpétrés par un nombre d’agents masculins ayant pu aller jusqu’à 10 ». L’ONG accuse des représentants de l’État iranien d'avoir « violé les femmes et les filles par voie vaginale, anale et orale, tandis que les hommes et les garçons ont été violés par voie anale ». Des fonctionnaires « ont violé les victimes avec des matraques en bois et en métal, des bouteilles de verre, des tuyaux, et/ou avec leurs doigts et organes génitaux ».
Les témoignages font également état de multiples formes de tortures et d’humiliation : coups, flagellation, décharges électriques, administration de pilules, privation de nourriture et d’eau et absence de recours à des soins médicaux. Selon Amnesty international, les autorités iraniennes ont également utilisé des « aveux » forcés sous la torture pour porter des « accusations fallacieuses » contre ces personnes et les condamner à l’emprisonnement ou à la peine de mort.
« L’objectif premier est la répression des personnes qui manifestent afin de les briser de l’intérieur et de les faire taire, dénonce le rapport d’Amnesty. C’est la double peine : des personnes sont victimes de violences sexuelles et doivent ensuite se taire par crainte de représailles des autorités. En Iran, il n'y a ni vérité, ni justice, ni réparation. »
Traumatismes profonds
Le rapport fait en effet état d’une absence totale de justice. Sur les 45 personnes qui ont témoigné, seulement trois ont porté plainte après leur libération. Mais deux ont été contraintes de la retirer après des menaces des autorités iraniennes. La troisième s’est vue répondre qu’elle avait « confondu » une fouille corporelle avec des violences sexuelles. Une réponse qui explique pourquoi la majorité des personnes interrogées dans le cadre de ce rapport ont refusé de porter plainte après leur libération, « craignant de subir d’autres préjudices de la part des autorités et pensant que le système judiciaire était un outil de répression plutôt que de réparation », souligne Amnesty international.
Les personnes ayant témoigné auprès d’Amnesty parlent aussi des traumatismes physiques et psychologiques profonds liés aux violences subies. « Avant j’étais une combattante dans la vie. Même lorsque la République islamique a essayé de me briser, j’ai continué. Ces derniers temps, cependant, je pense beaucoup au suicide […] Je suis comme une personne qui attend la nuit toute la journée pour pouvoir dormir », a ainsi confié une jeune femme qui a subi des violences sexuelles dans un centre de détention. Amnesty international indique avoir fait « part de ses conclusions aux autorités iraniennes le 24 novembre, mais n’a reçu aucune réponse à ce jour ».