Capture decran 2023 12 05 a 15.59.41
© capture écran attributs-de-dieu.com

"Il pré­fé­rait les vierges" : des vic­times du gou­rou yogi Bivolaru témoignent 

Le 28 novembre der­nier, Gregorian Bivolaru, 71 ans, gou­rou rou­main et fon­da­teur d’un mou­ve­ment inter­na­tio­nal de yoga contro­ver­sé a été arrê­té en France. Il est mis en cause pour vio­lences sexuelles et traite d'êtres humains. Plusieurs femmes, vic­times, ont accep­té de témoigner.

Agnes a 15 ans quand elle fait la ren­contre de Gregorian Bivolaru en Roumanie, en 1999. Cette Portugaise, comme d'autres femmes, raconte ce qu'elle a vécu auprès de ce gou­rou, soup­çon­né de vio­lences sexuelles au sein d'une secte ten­ta­cu­laire et arrê­té en France le 28 novembre der­nier après une longue cavale.

Lire aus­si I Violences sexuelles : 41 inter­pel­la­tions, dont le gou­rou d’un mou­ve­ment sec­taire de yoga

A cette époque, Agnes Arabela Marques rejoint sa soeur aînée à Bucarest dans l'ashram de Gregorian Bivolaru, fon­da­teur du Misa (Mouvement pour l'intégration spi­ri­tuelle vers l'absolu). On y enseigne le tan­tra yoga ou "yoga de l'amour", une pra­tique issue de l'hindouisme visant à l'épanouissement sexuel.

Rebaptisé Atman lors de son expan­sion à l'international, pré­sent dans plus d'une tren­taine de pays, le mou­ve­ment comp­te­rait aujourd'hui plus de 100.000 adeptes à tra­vers le monde. "Au pre­mier abord, il avait l'air gen­til. C'était quelqu'un de très res­pec­té", dit-​elle, contac­tée par visio­con­fé­rence. "Il ne s'énervait jamais. Quand il disait quelque chose, les gens se tai­saient."

"Cadeau de bienvenue"

Elle séjourne un temps à l'ashram puis, raconte-​t-​elle, "il m'a invi­tée chez lui". Bivolaru y est déjà entou­ré d'une dou­zaine de femmes. Avec elles, l'adolescente suit des séances de médi­ta­tion, puis est pous­sée à avoir des rap­ports les­biens avec d'autres adeptes. "Cela fai­sait par­tie de l'initiation tan­trique", décrit-​elle.

Elle raconte que, tour à tour, les femmes se suc­cèdent dans la chambre à cou­cher du gou­rou qui approche alors de la cin­quan­taine. "Et puis ça a été mon tour". Il la pousse à perdre sa vir­gi­ni­té, et lui demande de ne "rien dire". Une sorte de "cadeau de bien­ve­nue", ironise-​t-​elle, pré­ci­sant qu'"il pré­fé­rait les vierges". "On nous disait que l'acte sexuel était une consé­cra­tion, que c'était auto­ri­sé par Dieu." Elle se sou­vient d'un homme "métho­dique", aux ongles longs. "Grig", comme elle le sur­nom­mait, était d'ailleurs consi­dé­ré par ses adeptes comme un "dieu"

"Miss Shakti"

Elle évoque aus­si avoir par­ti­ci­pé, à 16 ans, à ce concours de beau­té esti­val, "Miss Shakti", au bord de la mer Noire où les membres du Misa les plus convaincu·es étaient convié·es : près de 300 femmes défilent alors nues, posent las­ci­ve­ment sur scène, voire se mas­turbent devant plu­sieurs mil­liers d'adeptes. D'autres évé­ne­ments de ce type avaient lieu, pour célé­brer l'anniversaire du gou­rou notam­ment. Agnes parle aus­si de sites éro­tiques affi­chant pho­tos et 
vidéos de cer­taines adeptes. "Il n'y avait pas de mini­mum d'âge", "comme moi, la plu­part étaient mineures", assure-​t-​elle.

Elle dira aus­si s'être ren­due plu­sieurs fois au Japon pour tra­vailler dans des boîtes de nuit au pro­fit du Misa. Elle rever­sait ensuite au mou­ve­ment la quasi-​totalité de son salaire et les cadeaux qu'elle recevait.

En 2013, la jus­tice rou­maine condamne Bivolaru, alors en cavale, à six ans de 
pri­son, notam­ment pour avoir eu des rap­ports sexuels avec des mineures. Agnes Arabela Marques y voit une vic­toire, mais depuis son témoi­gnage dans cette enquête en 2004, elle dit avoir plu­sieurs fois été sui­vie en voi­ture ou avoir reçu des lettres de menaces.

Fenêtres occul­tées

Ashleigh Freckleton, ex-​adepte aus­tra­lienne de 31 ans, raconte être par­tie en Roumanie en 2018, dans l'une des écoles du Misa, cher­chant dans le yoga tan­trique une "élé­va­tion spi­ri­tuelle". En 2019, elle est invi­tée à se rendre en France pour suivre un "rite d'initiation"

De natio­na­li­té étran­gère, comme la plu­part des poten­tielles vic­times, elle est prise en charge dès son arri­vée dans un aéro­port pari­sien. Téléphone et pas­se­port confis­qués, lunettes de soleil et bob sur la tête, on la conduit jusqu'à une vil­la de Villiers-​sur-​Marne (Val-​de-​Marne) aux fenêtres occultées.

Deux semaines durant, les jeunes femmes pré­sentes dans la vil­la sont expo­sées à de la por­no­gra­phie, inci­tées à par­ti­ci­per à des séances mêlant hyp­nose, orgies sexuelles et inges­tion d'urine de Bivolaru, avant de le ren­con­trer. On le lui dépeint comme un être "éclai­ré", doté de "pou­voirs sur­na­tu­rels". Ashleigh Freckleton refuse d'avoir des rap­ports sexuels avec lui. "J'ai su qu'il fal­lait que je déguerpisse."

"Victime de tra­fic sexuel"

"De nom­breuses femmes étaient len­te­ment et sys­té­ma­ti­que­ment mani­pu­lées afin qu'elles croient que le sexe avec Bivolaru était un don spi­ri­tuel", relate de son côté Kareen (pré­nom d'emprunt), qui a requis un ano­ny­mat total.

Au-​delà des "viols", de la "mani­pu­la­tion men­tale", elle s'est éga­le­ment dite "vic­time de tra­fic sexuel" à Paris à plu­sieurs reprises, sur les six années pen­dant les­quelles elle a été adepte. "Sortir du Misa est sou­vent un pro­ces­sus dif­fi­cile. Ceux qui le font sont jugés sévè­re­ment", dit-​elle. Finalement, elle est par­ve­nue elle aus­si à s'en émanciper.

Selon Kareen, plu­sieurs mil­liers de femmes auraient fait l'objet de tra­fic sexuel au sein du Misa depuis sa créa­tion en 1990. Aujourd'hui, une source proche du dos­sier parle d'un dos­sier "démen­tiel". Lors du vaste coup de filet poli­cier la semaine der­nière en France, plus d'une cin­quan­taine de femmes, enfer­mées dans des pavillons, ont pu être "extraites de la secte", selon la police. 

Partager
Articles liés
110 white noise 1 niklas grapatin

Nocives nuées

Lors de ses promenades nocturnes à Dacca, capitale surpeuplée du Bangladesh, Niklas Grapatin a voulu mettre en lumière l’immense pollution atmosphérique qui étouffe la ville.

Inverted wid­get

Turn on the "Inverted back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.

Accent wid­get

Turn on the "Accent back­ground" option for any wid­get, to get an alter­na­tive sty­ling like this.