États-​Unis : plus de 930 000 signa­tures pour empê­cher Donald Trump de rem­pla­cer à la hâte RBG à la Cour suprême

Déjà le temps n’est plus au deuil, mais à la mobi­li­sa­tion d’urgence. Le décès de l’immense défen­seure des droits des femmes Ruth Bader Ginsburg, le 18 sep­tembre 2020, à 87 ans, laisse les mili­tantes fémi­nistes amé­ri­caines orphe­lines. Et inquiètes et révol­tées par la déci­sion du pré­sident Donald Trump de trou­ver au plus vite une rem­pla­çante conser­va­trice pour le siège à la Cour suprême que RBG laisse vacant.

standard compressed Ruth Bader Ginsburg 2016 portrait 1
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Vont-​elles pou­voir arrê­ter la machine à broyer le frêle équi­libre poli­tique de la Cour suprême ? Plus de 900 000 per­sonnes ont signé la péti­tion « Do not fill Ruth Bader Ginsburg’s Supreme Court seat until after the 2021 inau­gu­ra­tion » (Ne pas pour­voir le siège vide de Ruth Bader Ginsburg à la Cour suprême avant l’investiture pré­si­den­tielle de 2021) contre la volon­té de Donald Trump de rem­pla­cer Ruth Bader Ginsburg, décé­dée le 18 sep­tembre, à la Cour suprême. 

« Le der­nier sou­hait de Ruth Bader Ginsburg avant de mou­rir était que son siège soit lais­sé vacant jusqu’à ce qu’un nou­veau pré­sident soit ins­tal­lé », plaide la péti­tion lan­cée le 19 sep­tembre par Rahna Epting, direc­trice du site de mobi­li­sa­tions poli­tiques MoveOn, pro-​camp démo­crate. « À moins de cin­quante jours avant l’élection pré­si­den­tielle et des votes déjà en cours dans plu­sieurs États [en rai­son de la Covid-​19, cer­tains États ont choi­si d’enclencher un vote anti­ci­pé, ndlr], il est impor­tant que nous exi­gions de tous les séna­teurs de ne pas avan­cer la pro­cé­dure de nomi­na­tion de qui­conque avant la pro­chaine inves­ti­ture pré­si­den­tielle [le 20 jan­vier 2021, ndlr]. »

Lire aus­si : RBG, le juge est une femme

Pour les fémi­nistes et les démo­crates qui pleurent la dis­pa­ri­tion de la juge de la Cour suprême, infa­ti­gable rem­part contre les attaques aux droits des femmes et des mino­ri­tés, il devient urgent d’empêcher Donald Trump de pous­ser ses pions – en l’occurrence ses pionnes – dans la chaise vide de celle qui, à 87 ans, était doyenne de la Cour suprême. Moins de vingt-​quatre heures après sa dis­pa­ri­tion et un hom­mage ren­du à RBG dans une com­mu­ni­ca­tion offi­cielle, le pré­sident amé­ri­cain a annon­cé sur Twitter – sans même nom­mer RBG cette fois – qu’il se trou­vait dans « l’obligation » de lan­cer « sans délai » la pro­cé­dure pour son rem­pla­ce­ment. « Il y a beau­coup de cynisme der­rière cette pré­ci­pi­ta­tion à pro­po­ser des noms au Sénat, observe Claire Delahaye, maî­tresse de confé­rences en études amé­ri­caines à l’Université Gustave-​Eiffel, inter­ro­gée par Causette. Ruth Bader Ginsburg était une femme extra­or­di­naire et les États-​Unis devraient prendre le temps de recon­naître et célé­brer l’héritage qu’elle laisse. Il y a une cer­taine vio­lence à voir son décès immé­dia­te­ment ins­tru­men­ta­li­sé poli­ti­que­ment. »

Deux can­di­dates conser­va­trices sur les rails

Donald Trump a pré­ve­nu : il sou­haite une femme pour suc­cé­der à RBG – il s’agirait de la cin­quième nom­mée à la Cour suprême. Une manœuvre des­ti­née à s’allier les femmes du pays, « au moment où il est à la traîne dans l’électorat fémi­nin, ana­lyse Claire Delahaye. On est ici dans une forme d’instrumentalisation totale, appuie l’historienne. “Une femme”, c’est essen­tia­li­sant et essen­tia­liste, comme si cela tem­pé­rait un conser­va­tisme fort. »

Car les noms des juges qui cir­culent dans les médias comme favo­rites de Trump ne laissent pas de doutes. La pre­mière, Amy Coney Barrett, 48 ans, juge à la sep­tième cour d’appel des États-​Unis, est une fer­vente catho­lique. Elle est membre d’un ras­sem­ble­ment de croyants catho­liques et pro­tes­tants appe­lé People of Praise, par­fois décrit comme une secte dans les médias. De fait, elle consi­dère que l’arrêt Roe vs Wade ren­du en 1973 par la Cour suprême, léga­li­sant l’avortement et que pro­té­geait sans relâche Ruth Bader Ginsburg, a per­mis « un cadre d’IVG à la demande ». Sans sur­prise, elle est aus­si une farouche défen­seure du second amen­de­ment, bran­di comme un bou­clier pour pro­té­ger la liber­té de por­ter des armes.

Quant à la seconde, Barbara Lagoa, 52 ans et membre de la onzième cour d’appel des États-​Unis, ses racines cubaines pour­raient aus­si être une manière de récon­ci­lier Trump avec l’électorat his­pa­nique, qu’il a mal­me­né avec ses outrances et son pro­jet de mur le long de la fron­tière mexi­caine. Selon le Washington Post, sa ligne direc­trice à la cour d’appel est mar­quée par des déci­sions très libé­rales, en faveur des patrons (par exemple, elle a reje­té les pour­suites d’employés contre Caterpillar ou Uber). Si elle n’a jamais pris posi­tion contre l’avortement, ses proches disent qu’elle est « vis­cé­ra­le­ment pro-​vie », tou­jours selon le Washington Post. 

Renouer avec les évangélistes

De quoi, dans un cas comme dans l’autre, faire craindre aux pro­gres­sistes un détri­co­tage des avan­cées en matière des droits des femmes si l’une d’elles devait prendre le siège de RBG, vu la com­po­si­tion actuelle de la Cour suprême, dont la majo­ri­té des huit sièges penche désor­mais du côté conser­va­teur. « La dis­pa­ri­tion de RBG est une aubaine pour gal­va­ni­ser l’électorat Évangéliste, qui a pu être échau­dé ces der­niers mois par la mau­vaise ges­tion pré­si­den­tielle de la crise sani­taire », observe Claire Delahaye. 

Le cynisme des Républicains rend furieux·euses les Démocrates : alors qu’en février 2016, le chef répu­bli­cain Mitch McConnell avait exi­gé que le Sénat attende l’élection pré­si­den­tielle de novembre pour nom­mer un nou­veau juge à la Cour suprême, il a cette fois accep­té de suivre Donald Trump dans sa course pour le rem­pla­ce­ment de RBG. « Mais cer­tains répu­bli­cains ont le cou­rage de s’opposer, comme les séna­trices Lisa Murkowski et Susan Collins, qui ont annon­cé qu’elles ne vote­raient pas, ou encore Mitt Romney qui est pres­sen­ti pour s’abstenir lui aus­si », détaille Claire Delahaye. Avec 53 % des 100 sièges du Sénat aux Républicains, il suf­fi­rait de quelques frondeur·euses pour chan­ger le sens du vote impo­sé par Trump. Le poids de l’opinion, visible dans cette péti­tion comme dans les hom­mages ren­dus à RBG devant la Cour suprême à Washington, pour­rait déjouer les cal­culs de Donald Trump.

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