Mise à jour 13/01/21 : Malgré la multiplication des recours de dernière minute, l'américaine Lisa Montgomery a bien été exécutée par injection létale dans la nuit du 12 janvier 2021.
Sera-ce le dernier acte politique de Trump président ? Le gouvernement fédéral prévoit en effet d’exécuter le 12 janvier 2021 Lisa Montgomery, condamnée à la peine de mort en 2008 pour meurtre et enlèvement. Pour parer au plus pressé, les associations abolitionnistes font valoir les graves troubles mentaux de la condamnée, et les violences physiques, psychologiques et sexuelles particulièrement atroces qu’elle a elle-même subies.
Sauf décision de dernière minute, le 12 janvier prochain, la détenue enregistrée sous le numéro 11072–031 arpentera le couloir de la mort du pénitencier de Terre Haute dans l’Indiana. Lisa Montgomery condamnée à la peine de mort en 2008 pour meurtre et enlèvement deviendra ainsi la première femme exécutée au niveau fédéral américain depuis Bonny Brown Heady en 1953. Lisa Montgomery n’aurait pu être qu’un numéro parmi les 55 condamnés à mort par décision fédérale si l’histoire s’était arrêtée là. Mais lorsqu’en juillet dernier l’administration Trump relance les exécutions fédérales interrompues depuis dix-sept ans et programme la mort de Lisa Montgomery, elle braque les projecteurs sur son affaire.
Depuis, nombreux·euses sont les avocat·es, procureurs, militant·es abolitionnistes et défenseur·ses des droits des personnes atteintes de maladies mentales à demander inlassablement de commuer la peine de mort en peine de prison à vie. Une pétition publique sur MoveOn.org a d’ailleurs déjà recueilli près de 150 000 signatures. En cause, la bipolarité de la détenue, durement dégradée par des décennies de violence physiques et sexuelles. « Il n’y a personne d’autre dans le couloir de la mort qui présente de tels antécédents traumatiques, soutient Sandra Babcock, professeure de droit et directrice du Centre Cornell contre la peine de mort dans le monde. Les experts psychiatres mobilisés durant sa détention par les différentes associations qui tentent de sauver Lisa Montgoméry de la peine de mort ont conclu qu’au moment du crime, la meurtrière était en proie à un épisode psychotique grave et qu’elle était incapable de dissocier la réalité. Les procureurs qui l’ont jugée n’ont pas pris au sérieux la violence sexuelle dont elle avait été l’objet, allant jusqu’à qualifier son traumatisme “d’excuse”. »
La femme qui avait tué pour être mère
Personne ne prétend que Lisa Montgomery devrait être libérée de prison. Ici, ni la culpabilité, ni l’atrocité de son crime ne font débat. Le 16 décembre 2004, un meurtre sordide plonge Skidmore, petite ville rurale du Missouri de 300 habitant·es, dans l’effroi. Ce jour-là, Lisa Montgomery, 36 ans, parcourt 200km pour se rendre chez Bobbie Jo Stinnett, enceinte de huit mois, rencontrée quelques temps auparavant sur un forum internet d’élevage canin. Lisa Montgomery – sous la fausse identité de Darlen Fischer – est venue acheter un chiot à Bobbie Jo Stinnett… du moins en apparence. Car à peine arrivée, Lisa Montgomery étrangle la jeune femme de 23 ans puis lui ouvre le ventre à l’aide d’un couteau de cuisine pour extirper le nourrisson prématuré de son utérus. Bobbie Jo Stinnett décède de ses blessures à l’hôpital quelques heures plus tard tandis que sa petite fille sera retrouvée en vie le lendemain au domicile des Montgomery à Melvern au Kansas. Lisa, qui fait croire depuis des mois à son mari et à son entourage qu’elle attend un enfant, est parvenue à faire passer le nourrisson pour son propre bébé en assurant avoir accouché en urgence. Allant même jusqu’à le promener en poussette et le présenter au pasteur de son village.
Arrêtée le 17 décembre, Lisa Montgomery avoue immédiatement le meurtre de Bobbie Jo Stinnett ainsi que l’enlèvement du bébé. En avril 2008, un jury populaire la condamne à la peine capitale. « Les avocats de Lisa Montgomery, commis d’office, n’ont pas su la défendre correctement, constate Anne Denis, responsable de la commission Peine de mort, torture et santé auprès d’Amnesty International France. Ils n’ont pas demandé d’expertises qui auraient été de nature à démontrer la maladie mentale de l’accusée. » Une faille dans le système pénal américain, car la constitution de la bannière étoilée exige qu’un·e condamné·e à mort soit conscient·e au moment de son exécution. « Dans le cas de Lisa Montgomery qui souffre d’une grave dissociation de la réalité, on craint qu’elle ne comprenne même pas les raisons de sa mise à mort », assure Anne Denis.
« Les abus devraient enlever la mort de l’équation, car l’exécuter serait une injustice. »
Sandra Babcock. professeure de droit et directrice du Centre Cornell contre la peine de mort dans le monde
L’enfance de Lisa Montgomery fut épouvantable. Née en 1968 dans une famille aux prises avec l’alcool et les maladies mentales, Lisa est maltraitée dès son plus jeune âge par sa mère et son beau-père. Ce dernier, alcoolique, commence à l’agresser sexuellement alors qu’elle n’a que 11 ans. Il ira jusqu’à faire aménager un hangar à côté de la maison familiale pour violer l’adolescente avec des amis à de multiples reprises, et ce pendant des années. La mère de Lisa Montgomery franchit un pas de plus vers l’horreur en faisant prostituer sa fille pour payer les factures d’électricité et de plomberie. « Les forces de l’ordre et l’école savaient pour les abus mais personne n’a pris de mesures pour enquêter », s’indigne Sandra Babcock.
La jeune femme finit par quitter le sordide domicile familial en se mariant à l’âge de 18 ans avec son demi-frère dont elle aura quatre enfants. Mais ce conjoint lui aussi s’avèrera violent. Il viole et bat la jeune femme. Jusqu’au basculement le 16 décembre 2004, où Lisa Montgomery passe du statut de victime à celui de bourreau. « Lisa Montgomery a été brisée par des années de torture. Après son procès, plusieurs experts en santé mentale ont affirmé que ses troubles mentaux ont contribué à son crime, insiste Sandra Babcock. Les multiples abus sur la personne de Lisa Montgomery devraient enlever la mort de l’équation, car l’exécuter serait ajouter une injustice à sa vie. »
Prévue initialement le 8 décembre 2020 puis reportée une première fois au 31 décembre – ses avocats ayant contracté la Covid-19 – l’exécution de l’Américaine de 52 ans par injection létale de pentobarbital aura donc bien lieu le 12 janvier. Sous réserve que Donald Trump décide finalement de commuer sa peine de mort, il s’agira de la dernière sous son mandat. Une semaine avant l’investiture du 46ème président des États-Unis, Joe Biden, qui annonçait en novembre sa volonté de suspendre toute exécution capitale pendant son mandat. Voire même son abolition pure et simple.