Les Swifties ont accouru de toute l’Amérique latine, places réservées, voire physiquement occupées, depuis des mois. Pour les fans argentines, le concert de Taylor Swift, jeudi soir à Buenos Aires, a été l’occasion d’échapper à un contexte électoral pesant, voire d’y porter un message contre un présidentiable perçu comme “machiste”. Reportage.
Ce jeudi 9 novembre a marqué le début de la tournée de Taylor Swift en Argentine et la fin d’une longue attente pour des milliers de fans. Les plus fervent·es d’entre elles·eux campaient sur place depuis cinq mois, avec des tours de garde planifiés sur tableau Excel et repas livrés sur place. Une organisation au cordeau pour avoir le privilège d’être au pied de la scène le jour J. Des milliers d’autres ont “juste” attendu une quinzaine d’heures depuis mercredi soir. Au stade Monumental de Buenos Aires (80 000 places), la superstar américaine de 33 ans donnait hier soir le premier de trois concerts du Eras Tour, tournée mondiale lancée aux États-Unis en mars et qui prendra fin en décembre 2024 au Canada.
Mais en Argentine, pour sa première venue dans le pays, Taylor Swift a été rattrapée par la politique, à dix jours d’un second tour d’élection présidentielle indécis, entre un ministre de l’Économie, Sergio Massa (centre), et un ultralibéral “antisystème”, Javier Milei, souvent comparé à Donald Trump pour lequel il a d’ailleurs exprimé son admiration. “Les Swifties [fans de Swift, ndlr] ne votent pas Milei!”, lance une pancarte (rose) que Miriam Monllau prend en photo dans la file d’attente très majoritairement féminine. Ambiance paillettes, sequins et chapeaux de country, autant de looks évoquant les différentes “époques” de Taylor Swift.
Le “bon côté de l’histoire”
Miriam, 31 ans, employée dans le secteur du marketing numérique, n’a aucun doute : “Les idées de Taylor vont à l’encontre de ce que serait Milei […] Je vois un parallèle assez fort entre lui et Trump, assure-t-elle. Or elle est contre Trump, contre tout ce qu’il représente, un être machiste, patriarcal.” À vrai dire, c’est plutôt Taylor Swift qui a rattrapé la politique argentine, que l’inverse. Le déclic, pour nombre de fans, c’est la sortie du documentaire Miss Americana en 2020. Dans ce film, réalisé par Lana Wilson, Taylor Swift se livrait après avoir longtemps refusé de parler politique. Elle prétendait ressentir désormais “le besoin d’être du bon côté de l’histoire”.
Dans la foulée, elle s’engageait en faveur des candidat·es démocrates, Joe Biden et Kamala Harris, pour la présidentielle américaine, affirmant qu’il·elle aideraient l’Amérique à “commencer à guérir”, après le mandat de Trump. Dans le sillage de la “nouvelle” Taylor, des fans argentin·es ont récemment rebondi, créant en octobre un compte sur X (ex-Twitter), “SwiftiesContraLLA” (Swifties contre La Libertad Avanza, le parti de Javier Milei). Le compte, qui en quelques semaines avait réuni quelque 3 600 fans, appelait à “ne PAS voter Milei” le 19 novembre, face au “danger qu’il représente, principalement pour les femmes et la diversité”. Il a depuis été suspendu.
“Une chanson pour tout”
“Taylor est du côté de la diversité, des femmes. Et Milei a cette façon, disons dominante, de s’exprimer, il va directement au clash, et Taylor se prononce contre ça dans son documentaire”, explique Sofia Ranui, étudiante de 21 ans, quelques instants avant le début du concert. Cependant, les fans ne viennent pas seulement voir Taylor Swift pour ses idées politiques :“Elle représente tout pour nous. Que tu sois triste ou heureux, que tu aies perdu quelqu’un, ou rencontré quelqu’un, elle a une chanson pour tout”, s’émerveille de son côté, Milena Nuñez, 23 ans, arrivée d’Uruguay.
Par exemple, Julieta Zavala, 24 ans, une des “campeuses” de la première heure (depuis le 31 mai !), ne veut pas entendre parler de politique. “Hors sujet, rien à voir ici”, sourit-elle tout en confectionnant des “bracelets d’amitié”, petit bijou fantaisie à thème, inspiré des chansons de son idole et devenu objet culte des Swifties dans le monde. “C’est pas comme si on était toutes contre Milei. Chacune votera pour lui, ou pas”, affirme-t-elle.
Pour l’instant, le moment est au plaisir et à la détente pendant les trois jours de concert, avant que la réalité ne rattrape les Swifities. Ensuite, “c’est fini, le nuage qui pèse toujours au-dessus des Argentins va revenir. Là, c’est notre passion folle, c’est un petit nid douillet, une échappatoire”, confie Sofia Ranui. Verdict dans dix jours.
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