Disparition : bell hooks, l'autrice amé­ri­caine qui posa les jalons de l'afro-féminisme

La pion­nière de l'afro-féminisme, bell hooks, nous a quitté·es ce 15 décembre à l’âge de 69 ans. L’autrice et mili­tante amé­ri­caine laisse der­rière elle une œuvre et un héri­tage fémi­nistes majeur·es. 

Bell hooks October 2014

La pion­nière de l'afro-féminisme est décé­dée à l’âge de 69 ans. Celle qui était à la fois autrice, poète, bio­graphe, essayiste et mili­tante a été empor­tée, ce 15 décembre, par une « longue mala­die », a annon­cé dans un com­mu­ni­qué le Berea College où bell hooks ensei­gnait depuis 2004. Elle est décé­dée « entou­rée de ses amis et de sa famille » a pré­ci­sé sa nièce, Ebony Motley. 

Née le 25 sep­tembre 1952 dans une ville rurale du Kentucky, Gloria Jean Watkins de son vrai nom fait ses classes sur les bancs des écoles publiques pour Noir·es, soumis·es à l’époque à la ségré­ga­tion raciale. Elle part ensuite étu­dier à l’université de Stanford (Californie) puis du Wisconsin, où elle est diplô­mée d’une maî­trise d’anglais en 1976. Alors qu’elle enseigne en tant que pro­fes­seur d’anglais et maî­tresse de confé­rences en études eth­niques à l’université de Caroline du Sud, Gloria Jean Watkins publie deux ans plus tard son pre­mier recueil de poèmes And There We Wept sous le nom de plume bell hooks. Un hom­mage à son arrière-​arrière-​grand-​mère mater­nelle, Bell Hair Hooks. Elle publie­ra désor­mais toute sa vie sous ce pseu­do­nyme dont les minus­cules sont un moyen pour elle d’attirer l’attention sur son tra­vail et non sur sa personne.

Poser les bases 

L'Américaine pose en 1981 les bases de l’afro-féminisme dans un livre qui devient rapi­de­ment une réfé­rence sur le sujet : Ne suis-​je pas une femme ? Femmes noires et fémi­nisme. L’autrice y dénonce la double dis­cri­mi­na­tion que subissent les femmes noires à cause du racisme et du sexisme ain­si que la façon dont les femmes noires sont mar­gi­na­li­sées par le sys­tème capi­ta­liste et patriar­cal blanc. L'autrice explique éga­le­ment dans cet ouvrage que les fémi­nistes blanches ne prennent pas en compte les pro­blèmes spé­ci­fiques des femmes noires. 

Forte des influences de l’écrivain afro-​américain James Baldwin, du lea­der Malcom X et du pas­teur Martin Luther King, bell hooks publie en vingt-​cinq ans pas moins d’une tren­taine d’essais fémi­nistes, de textes bio­gra­phiques, de livres jeu­nesses et de recueils de poé­sies, tous publiés depuis dans une quin­zaine de langues. Théoricienne fémi­niste majeure, bell hooks s’est dis­tin­guée tout au long de sa vie par son avant-​gardisme sur les ques­tions de genre, de race et de classe ayant per­mis d’ouvrir la voie à de nou­velles pers­pec­tives féministes. 

Des pro­pos pré­cur­seurs sur la parentalité

Pour l’autrice fémi­niste franco-​camerounaise et pod­cas­teuse Axelle Jah Njiké, l’aspect le plus révo­lu­tion­naire de la pen­sée de bell hooks se cache dans son ouvrage All about love, publié en 2000. Elle y aborde le sujet de la paren­ta­li­té, de l’amour et du couple, inves­tis comme un champ du poli­tique. Axelle Jah Njiké, mère d'une fillette à la sor­tie de ce livre, découvre alors « des pro­pos sub­ver­sifs » qui influen­çe­ront sa vision de la paren­ta­li­té. « Elle écrit que la famille est la pre­mière école de l’amour, ça m’a per­mis de deve­nir un parent bien­veillant et aimant avec ma fille et à la consi­dé­rer comme une per­sonne et non comme une pro­prié­té. » Elle regrette que cette par­tie du tra­vail de l’activiste fémi­niste ait été invi­si­bi­li­sée par le reste de son œuvre, tout en ayant conscience de l’aspect sul­fu­reux de ces pro­pos, qui consti­tuent « le début d’une vraie trans­for­ma­tion de socié­té ». Si aujourd’hui il nous paraît évident que la mal­trai­tance des enfants et l’amour ne sont pas com­pa­tibles, à l’époque, il était « explo­sif » de tenir de tels pro­pos. Qui plus est, écrits par une femme noire, rap­por­tant sa propre expé­rience. « Elle remet­tait en cause des choses sur les­quelles on se tai­sait », affirme Axelle Jah Njiké.

Une cer­ti­tude : ce tra­vail per­du­re­ra dans le temps. « Son apport au récit col­lec­tif est incom­men­su­rable » souffle Axelle Jah Njiké. Comme sou­vent avec les grand·es penseur·euses, « de nou­velles lec­tures de ses écrits pour­ront être faites à diverses époques » tout en conser­vant leur per­ti­nence. Son secret ? Indéniablement, rendre acces­sible à toutes et tous les concepts abor­dés. « bell hooks nous donne l’impression d’être intel­li­gentes, s’exclame Axelle Jah Njiké. Elle est vrai­ment là pour aider celles et ceux qui la lisent à mieux vivre leur huma­ni­té ». La mili­tante franco-​camerounaise retien­dra l’audace de celle qui « osait énon­cer sa pen­sée, indé­pen­dam­ment de ce que cela pou­vait susciter ».

Vous pou­vez retrou­ver quelques uns des suc­cès lit­té­raires de bell hooks tra­duits en fran­çais aux édi­tions Cambourakis, juste ici.

Lire aus­si : « Je suis noire et je n'aime pas Beyoncé », un pod­cast pépite sur le fémi­nisme des femmes noires

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