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Bad Bitches Only : femmes puis­santes à (re)découvrir

Entretien avec Inès Slim, la créa­trice du jeu Bad Bitches Only et de la mai­son d’édition Gender Games, dont le cata­logue pro­pose éga­le­ment Discultons.

Lassée de la pré­do­mi­nance mas­cu­line dans les jeux de socié­té tra­di­tion­nels, Inès Slim lance Bad Bitches Only en 2019. Sorte de Times Up à la sauce fémi­niste, ce jeu de cartes consiste à faire devi­ner en un temps impar­ti le plus de per­son­nages à son équipe, par des mots puis des mimes. Il compte aujourd’hui plu­sieurs exten­sions qui pré­sentent des cen­taines de femmes et mino­ri­tés de genre ayant mar­qué l'histoire, avant d’être (trop) sou­vent oubliées. 

Ines fondatrice de Gender Games 2

Causette : Comment est né Bad Bitches Only ? 
Inès Slim : De la conver­gence de deux envies : pour avoir tra­vaillé dans le domaine des musées, j’ai consta­té que le jeu repré­sen­tait un moyen de média­tion idéal pour inté­res­ser les gens car il est didac­tique sans être ennuyant. Et, outre cette dimen­sion péda­go­gique, je vou­lais, en tant que mili­tante fémi­niste, pou­voir pro­po­ser à mes amies un jeu qui ne recoure pas à des res­sorts sexistes, racistes ou homo­phobes comme on le constate sou­vent dans les jeux de type par­ty games

Qu’est-ce qui a moti­vé la créa­tion des dif­fé­rentes exten­sions ? 
I.S. : J’avais d’emblée lan­cé le jeu avec l’extension Feminist Warriors : je sou­hai­tais une ver­sion de base assez géné­ra­liste tout en offrant des cartes plus mili­tantes pour celles à qui, comme moi, cela ferait plai­sir de tom­ber sur les noms de Gisèle Halimi ou Audre Lorde, d’où la seg­men­ta­tion. 
En ce qui concerne la deuxième exten­sion, Queer Icons, j’avais fait voter la com­mu­nau­té de Bad Bitches Only, et c’est le thème qui était res­sor­ti. On a eu d’autres pro­jets ces der­nières années mais je conti­nue à vou­loir sor­tir de nou­velles exten­sions, tou­jours avec la par­ti­ci­pa­tion de la com­mu­nau­té, pour pro­po­ser encore plus de pro­fils. Si les dif­fé­rentes ver­sions du jeu comptent déjà des cen­taines de figures, mon fichier per­son­nel en contient plus de mille noms tant la liste des femmes invi­si­bi­li­sées est longue ! 

Comment choisissez-​vous celles que vous gar­dez ou non pour le jeu ? I.S. : C’est assez com­plexe, j’opère un savant cal­cul [rires] sur lequel je reviens sou­vent, étant don­né que de nom­breux cri­tères sont à prendre en compte. D’abord, il faut pro­po­ser des figures suf­fi­sam­ment connues pour que ça soit jouable, que les par­ti­ci­pants ne passent pas leur temps à pas­ser des cartes, et en même temps mettre en valeur des per­son­nages invi­si­bi­li­sés. Ensuite, je véri­fie que les caté­go­ries sont suf­fi­sam­ment mul­tiples et que le jeu pro­pose des femmes de toutes les époques et de tous les domaines. Et bien sûr, car la repré­sen­ta­tion est l’une des valeurs qui me tient le plus à cœur, il faut enfin s’assurer de la pré­sence d’une bonne diver­si­té en termes d'origine sociale et géo­gra­phique, d’orientation sexuelle, de mino­ri­té de genre… Toutes ces don­nées sont donc com­pi­lées et ana­ly­sées dans le but de tendre vers le meilleur équi­libre pos­sible, et, même s’il y a tou­jours des choix à faire et que ça reste une démarche indi­vi­duelle, j’essaye de faire en sorte que tout le monde soit bien représenté. 

Lire aus­si : Avec Discultons, démys­ti­fiez le sexe en vous amusant

Quel est le public que vous visez avec Bad Bitches Only
I.S. : J’ai créé ce jeu pour les per­sonnes ayant un inté­rêt pour le fémi­nisme et de façon plus géné­rale pour les femmes et les mino­ri­tés de genre qui ont mar­qué l’histoire, tout en le vou­lant suf­fi­sam­ment large pour qu’il puisse être par­ta­gé avec des amis ou des membres de la famille qui ne s’estiment pas mili­tants. Que même le ton­ton un peu gro­gnon qui n’a pas envie de jouer à un jeu fémi­niste se rende compte qu’il y a des figures his­to­riques ou poli­tiques qu’il connaît et fina­le­ment soit pris au jeu en gagnant des points ! Surtout qu’on peut faire un peu ce qu’on veut avec Bad Bitches Only : autant ouvrir la dis­cus­sion et réflé­chir, par exemple, à ce que repré­sente notre pro­pen­sion à ne décrire les femmes que par leur phy­sique et autant y jouer “sans prise de tête” à l’apéro. Dans tous les cas, on se forge une culture “mal­gré soi” [rires], parce qu’à force d’y jouer on découvre et retient de plus en plus de figures pré­sentes dans le jeu. Maintenant qu’il a quelques années, les pre­mières per­sonnes à y avoir joué sont deve­nues super calées, ça fait plai­sir de voir que ça marche. 

Que faire si l’on a per­sonne avec qui jouer, à force de cas­ser l'ambiance en soi­rée ?
I.S. : On a sou­vent eu ce retour-​là, de per­sonnes qui aimaient beau­coup le jeu mais ne trou­vaient pas de par­te­naire avec qui jouer. C’est entre autres pour­quoi on orga­nise assez régu­liè­re­ment des soi­rées jeux et des tour­nois dans dif­fé­rents lieux. Pendant le confi­ne­ment, j’essayais aus­si de faire des par­ties en sto­ry ou en live. Cette année, dans le cadre du 8 mars, on orga­nise éga­le­ment un grand jeu de piste dans Paris, où il faut retrou­ver les sti­ckers de 8 mili­tantes phares afin de gagner un exem­plaire de Bad Bitches Only.
L’idée, c’est que les gens ren­con­trés durant ces évè­ne­ments deviennent des par­te­naires qui per­du­re­ront dans le temps, en dehors des soi­rées orga­ni­sées par la marque, et donc de créer et d’agrandir cette communauté. 

Retrouvez Gender Games sur le Causette Store !

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