Entre Annie Ernaux l’écrivaine et Dominique Blanc la comédienne, une véritable complicité s’est tissée. Causette s’est glissée entre les deux femmes et a demandé à Dominique d’interviewer Annie.
Cette rencontre devait avoir lieu. D’abord parce que Dominique Blanc, qui vient d’être nommée pensionnaire à la Comédie-Française (excusez du peu !), est la grande copine de Causette. Souvenez-vous, l’année dernière, nous avions célébré Marguerite Duras en grande pompe avec elle (Causette #47). Ensuite parce que Annie Ernaux est une écrivaine française majeure, féministe de la première heure, qui, dans son œuvre largement autobiographique, a contribué à faire avancer la cause des femmes. Pourquoi les réunir ? Parce que l’œuvre d’Annie Ernaux émaille la carrière de Dominique Blanc… Une complicité professionnelle qui a rapproché les deux femmes dans la vie. Annie Ernaux nous a accueillies chez elle, à Cergy, dans le Val‑d’Oise. Les deux femmes ont parlé féminisme, littérature et politique autour d’un strudel fait maison.
Causette : Pour commencer, Annie, qu’est-ce que ça vous a fait d’entendre dire Les Années, par Dominique, sur scène, et de la voir dans L’Autre, l’adaptation cinématographique de votre roman L’Occupation ? Annie Ernaux : La première fois que j’ai entendu Les Années, c’était à Namur. Mon compagnon m’a dit que je n’avais pas bougé pendant une heure. J’étais presque prostrée. Totalement dans l’écoute. Et je ne vous regardais pas, Dominique. Pour mieux entendre le texte qui se mettait à exister dans votre voix. Là, j’ai oublié mon corps. J’étais pénétrée complètement. Dans L’Autre, je me suis retrouvée d’une façon troublante ! Je me souviens d’une scène, devant l’ordinateur où vous cherchez des noms pour l’Autre, l’autre femme, la rivale. Je me disais : c’est moi. C’était la première fois qu’un de mes textes était adapté au cinéma. De voir des phrases du livre, dites par vous, c’était incroyable pour moi.
Dominique Blanc : Dans Les Années, vous dites écrire ce texte pour « sauver quelque chose du temps où l’on ne sera plus jamais ». Quel lien entretenez-vous avec cette idée, qui traverse votre œuvre,[…]