3 questions sur la réglementation de la prostitution à Ovidie, autrice et réalisatrice.
Causette : Le 1er février, le Conseil constitutionnel a débouté neuf associations et une trentaine de travailleuses du sexe qui l’avaient saisi pour dénoncer la loi de « pénalisation des clients » de 2016. Votre réaction ?
Ovidie : Je ne suis pas surprise. Mais cela a au moins permis de remettre cette question dans le débat public. On a vu défiler des avocats d’Aides, du Planning familial, de Médecins du monde et de nombreuses associations de terrain – qu’on ne peut pas accuser d’être rémunérées par le « lobby prostitutionnel ». Or ces dernières disent que cette loi a enfoncé les travailleuses du sexe. Donc, globalement, le bilan n’est pas bon.
Pour votre documentaire, Là où les putains n’existent pas, vous avez passé un an et demi en Suède. Que nous enseigne le cas suédois, dont s’inspire la loi française ?
Ovidie : Après la douleur que j’ai pu observer là-bas, je ne supporte plus d’entendre parler des « bienfaits » du modèle suédois. Non seulement il n’a pas éradiqué la prostitution, mais les putes travaillent dans des conditions qui ne sont pas plus heureuses qu’avant. Surtout, elles sont « pathologisées » : si une femme dit exercer de son plein gré, on estime qu’elle est en grande détresse psychologique, donc qu’elle n’est pas capable de s’occuper d’elle… ni de ses enfants. C’est là que la machine infernale se met en place.
Quelle serait la bonne politique à mener ?
Ovidie : Déjà, écouter les principales concernées et leur demander ce qu’elles veulent comme réglementation. Ce qui me chiffonne, c’est qu’on est dans un débat idéologique : « pour ou contre la prostitution ». Ce n’est pas le sujet. On peut s’interroger sur la dimension sexiste et patriarcale des échanges économico-sexuels. Mais il me semble extrêmement dangereux de refuser aux travailleuses du sexe leur capacité à consentir. C’est la porte ouverte à toutes les dérives.