Causette a suivi, dimanche soir, les militantes du comité local Nous Toutes de Paris Nord qui ont, pour la première fois, collé sur un même mur les prénoms des 653 femmes assassinées sous le quinquennat Macron.
Le téléphone sonne dans le taxi qui nous mène au rendez-vous. Au bout du fil, une voix féminine nous informe que le lieu vient de changer à la dernière minute : « On n’avait pas pensé aux installations du marché. » Il est alors presque 21 heures lorsque nous prenons la direction du numéro 41 de la rue de la Grange-aux-Belles, dans le Xe arrondissement de Paris, non loin du canal Saint-Martin. En arrivant en haut de la rue, on distingue au loin un petit groupe qui s’affaire sur le trottoir. Certaines font des mesures sur l’immense mur de béton de l’hôpital Saint-Louis, qui se dresse à leur gauche. Au sol, des sacs de course, quelques seaux et un escabeau : nous sommes au bon endroit.
Gwendoline, Marie-Charlotte, Alison, Fabienne et les autres font toutes partie du comité local Nous Toutes de Paris Nord. Depuis leur lancement en octobre 2021, elles collent des slogans féministes au moins une fois par semaine sur les murs parisiens. Mais ce soir, c’est un collage un peu particulier qui les attend puisque, pour la première fois, seront collés au même endroit les prénoms des 653 femmes assassinées par leurs compagnons ou ex-compagnons pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. « C’est la première fois qu’on fait un collage de cette ampleur, précise Gwendoline à Causette. C’est un mélange d’incertitudes, de stress, d’émotion et d’excitation. »
« 1000 feuilles à coller »
L’idée de ce collage leur est venue un soir d’avril au cours d’une de leur réunion mensuelle. « À l’époque, on s’était dit que ce serait bien de faire un collage “bilan” des féminicides commis ces cinq dernières années pour rendre hommage à ces femmes et dénoncer également la politique insuffisante de Macron en matière de violences conjugales d’autant plus qu’il venait d’être réélu », explique la jeune femme de 32 ans. Tout s’accélère après le week-end du 8 mai, marqué par plusieurs féminicides qui poussent le comité à monter l’action. « C’était un week-end vraiment très lourd, se souvient Gwendoline. Ça a été le déclic, là on s’est dit, il faut le faire maintenant. »
Difficile de s’imaginer en voyant le vaste mur nu, la tâche qui les attend, mais on devine aisément qu’elle sera colossale. Pour l’occasion, Julien*, le compagnon d’une des militantes, est venu en renfort. Il s’active à coller sur le mur des petits bouts de scotch à intervalle régulier. Sur chacun, on peut lire 2 017, 2018, 2019, 2020, 2 021 et 2 022. En dessous seront collés les prénoms et les âges des femmes assassinées au cours de ces années ainsi que le lieu. « On a environ 1 000 feuilles à coller, je pense », indique Julien* à Causette. Le jeune homme nous montre du doigt une porte : « On ne le savait pas, mais le mur sur lequel on va coller, c’est celui de la chambre mortuaire de l’hôpital, c’est d’autant plus symbolique. »
Femmes trans incluses
Chacun des 653 prénoms a été comptabilisé par le collectif Féminicides par compagnon ou ex, puis par le collectif Nous Toutes, depuis le 5 janvier dernier – qui recense désormais les féminicides de femmes trans hors du contexte conjugal. « On a un Google doc où l’on liste chaque victime, explique[…]