Titiou Lecoq : « Il faut chan­ger les condi­tions de vie réelles des femmes »

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© Valentina Conde

Récemment, des grands pontes de la tech ont pris une pho­to de groupe pour immor­ta­li­ser leur ren­contre en Italie. Problème, il y man­quait les deux seules femmes du mee­ting. Ils décident donc de la tru­quer, avec l’autorisation des deux inté­res­sées. Le plus savou­reux dans l’histoire, c’est que ces grands mani­tous des nou­velles tech­no­lo­gies ont fait un mon­tage tout foi­reux et qu’il suf­fi­sait de se pen­cher un peu sur son écran pour le remar­quer. D’ailleurs, Internet s’en est bien ren­du compte.

Au final, cette anec­dote est-​elle vrai­ment cho­quante ? Les femmes en ques­tion étaient bien pré­sentes à cette réunion. Et elles ont approu­vé le mon­tage. Ce qui m’intéresse dans cette his­toire, c’est qu’elle est la démons­tra­tion d’un cer­tain état du fémi­nisme. On s’est beau­coup bat­tues, ces der­nières années, pour une meilleure repré­sen­ta­tion des femmes. Oui, une pho­to de diri­geants exclu­si­ve­ment mas­cu­line, désor­mais, ça en choque plus d’un – alors qu’il n’y a pas si long­temps, on ne remar­quait même pas l’absence des femmes. C’est une forme de vic­toire. On s’est éga­le­ment déme­nées contre les cli­chés sexistes dans les pubs, dans les séries, dans les films, dans le marketing. 

C’est ce qu’on a appe­lé le com­bat cultu­rel, au sens très vaste de la repré­sen­ta­tion. J’ai tou­jours pen­sé que ce com­bat était essen­tiel. Quand, le len­de­main d’un match de foot de l’équipe de France fémi­nine, je vois au square en bas de chez moi des petites filles appor­ter un bal­lon et faire une par­tie (ce qui n’était jamais arri­vé), je me dis que la repré­sen­ta­tion des femmes dans les médias, sur les écrans, a une réelle influence sur la société. 

Si l’on reprend l’histoire de la pho­to tru­quée, nous avons, d’une cer­taine manière, empor­té une bataille. Les hommes s’auto­corrigent. Ils pensent à rendre visibles des femmes. Mais… Et si c’était une arnaque ? Si l’on regarde le réel, et non plus la repré­sen­ta­tion, seule­ment 12 % des ingé­nieures de la Silicon Valley sont des femmes. En moyenne, le patri­moine des hommes est de 15 % supé­rieur à celui des femmes. Le com­bat cultu­rel ne porte que sur l’image, or pour atteindre une véri­table éga­li­té, il faut chan­ger les condi­tions de vie réelles des femmes. Le piège qui est devant nous, c’est de voir des pho­tos de réunions mixtes et d’oublier d’aller cher­cher les sta­tis­tiques qui démontrent que, der­rière les belles images, les inéga­li­tés n’ont pas bougé. 

Afficher, c’est bien, mais après…

Je sais qu’il est plus facile – et mobi­li­sa­teur – de dénon­cer une pub sexiste que d’aller se col­le­ter à des sta­tis­tiques, cher­cher dans les études de l’Insee les écarts de salaire, les écarts de pen­sion de retraite, et essayer d’établir les véri­tables chiffres de l’inégalité femmes/​hommes. Vous me direz que l’un n’empêche pas l’autre. Mais il ne fau­drait pas que l’un nous détourne de l’autre. Il ne fau­drait pas que nos efforts abou­tissent à l’affichage d’une socié­té éga­li­taire là où, en réa­li­té, les femmes seront tou­jours moins payées et davan­tage exploi­tées. Parce que, dans ce cas, le piège se refer­me­rait sur nous, et nos efforts fini­raient par se retour­ner contre nous. 

Ce qu’une socié­té choi­sit d’afficher, c’est évi­dem­ment impor­tant, mais cela ne doit pas nous faire oublier ce qu’est réel­le­ment la société.

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