Le lance-​flammes de Fiona Schmidt : « Vouloir faire des divas des icônes fémi­nistes me semble un peu ironique »

Ce mois-​ci, notre chro­ni­queuse Fiona Schmidt nous parle d'une expo­si­tion lon­do­nienne qui rend hom­mage à la figure de la diva.

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Fiona Schmidt ©F.S.

L’exposition Diva, inau­gu­rée le 24 juin pro­chain au Victoria and Albert Museum (V&A) de Londres, « célèbre le pou­voir et la créa­ti­vi­té d’artistes ico­niques ». Son pro­pos est de rendre un hom­mage fémi­niste à des figures qui, à leur manière, ont fait pro­gres­ser la cause. Quel meilleur pré­texte pour sau­ter dans l’Eurostar ? Après tout, hor­mis le fait que je sois désar­gen­tée et que Nick Cannon 1 ne m’a pour ain­si dire jamais fait d’enfant, ne suis-​je pas le sosie kar­mique de Mariah Carey ? Hélas, mon élan a été frei­né par Jimena Crickette, ma conscience mili­tante, une parente du Jiminy Cricket de Pinocchio.

Car vou­loir faire des divas des icônes fémi­nistes me semble un peu iro­nique. À l’origine, les « divas » dési­gnaient les grandes chan­teuses d’opéra, dont les apti­tudes étaient répu­tées « divines ». Attribuer le talent d’une femme à la grâce de Dieu était donc déjà une façon de mini­mi­ser ses mérites per­son­nels. Ça ne s’est pas arran­gé par la suite. Aujourd’hui, cette figure et ce mot, par un glis­se­ment séman­tique sexiste, évoquent moins la grâce que la garce. Preuve en est : depuis que j’ai des opi­nions fémi­nistes et que je les par­tage, on me traite sou­vent de diva. Croyez-​moi, ça n’est pas une façon de rendre hom­mage à mes voca­lises : je chante comme un jouet pour chien. C’est une manière de me trai­ter de chieuse, de railler une atti­tude et des pro­pos jugés pré­somp­tueux et/​ou extra­va­gants, voire ridi­cules, bref, de me remettre à ma place.

Car le mot diva n’existe pas au mas­cu­lin. Ça alors ! Les carac­té­ris­tiques qu’on leur prête – exi­gences tyran­niques, crises de colère, culte du moi, extra­va­gances com­por­te­men­tales, capil­laires, ves­ti­men­taires – seraient donc l’apanage des femmes ? Ou une façon d’invisibiliser leur talent der­rière des sté­réo­types de genre bien miso ? Les seules « divas hommes » aux­quelles le V&A rend hom­mage sont Elton John, RuPaul et Prince, célèbres et célé­brés pour avoir brouillé les fron­tières du genre en embras­sant leur part de fémi­ni­té dans ce qu’elle a de plus sté­réo­ty­pée. Où sont donc Frank Sinatra, Elvis Presley, David Bowie, Drake, Kanye West et tant d’autres ? Genrer la diva n’est pas qu’une manière de dépré­cier ses qua­li­tés d’artiste : c’est aus­si une façon de nor­ma­li­ser les com­por­te­ments pro­blé­ma­tiques de ses confrères. Qui, eux, peuvent bien faire tous les caprices qu’ils veulent, sans chu­ter de leur pié­des­tal. Enfin, a‑t-​elle besoin de deve­nir une ver­sion ultra glam de Rosie la rive­teuse, ou plus exac­te­ment, nous, en avons-​nous besoin ? Après tout, les divas ne se suffisent-​elles pas à elles-​mêmes, ne sont-​elles pas ins­pi­rantes pour ce qu’elles sont : des femmes talen­tueuses et conscientes de leur valeur, dont le sens de l’humour et de l’autodérision n’a d’égal que l’audace ?

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  1. Ex-​époux de Mariah Carey[]
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