Ce mois-ci, Fiona Schmidt nous parle de santé mentale dont la Journée mondiale se tient chaque 10 octobre depuis trente ans.
![Le lance-flammes de Fiona Schmidt : « La santé mentale est indexée sur les discriminations sociales et de genre » 1 thumbnail image001](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/05/thumbnail_image001-769x1024.jpeg)
J’avais espéré que cette chronique puisse déborder un peu sur les 136 pages de ce numéro tant il y a à dire sur le sujet, mais j’ai mal négocié et c’est donc avec
une muselière à chaque doigt et un corset autour du cerveau que je m’apprête
à parler de santé mentale, dont la 30e Journée mondiale a lieu ce 10 octobre.
On le sait depuis toujours, seules les gonzesses ont des problèmes à ce niveau-là, qui sont liés au grand huit hormonal, à leur esprit moins éclairé qu’un sous-sol de parking, et bien sûr, à leur déficit de pénis. Ce que l’on sait moins, ou plutôt, ce que l’on ignore sciemment, c’est que la santé mentale est indexée sur les discriminations sociales et de genre.
Ainsi, les populations défavorisées sont jusqu’à trois fois plus impactées que les autres1. Remboursez le mythe du pauvre bienheureux qui se satisfait de ce qu’il a, c’est-à-dire : des dettes. Les personnes LGBTQIA+ sont, elles aussi, plus exposées : 56 % des personnes trans ont connu un épisode dépressif en 2020, contre 24 % des femmes lesbiennes ou bisexuelles, 13 % des femmes hétéros et 6 % des hommes hétéros2. En cause, l’éducation genrée dopée aux valeurs du capitalisme, qui associe troubles mentaux et défaillance personnelle : pas-tous-les-hommes-mais- beaucoup-quand-même choisissent de refouler leurs émotions négatives pour préserver leur virilité, ce qui alimente le préjugé selon lequel la dépression est une maladie de femmes, donc pas une maladie sérieuse mais plutôt un caprice d’enfant gâté (l’infantilisation est toujours plus efficace quand on l’assaisonne d’une bonne dose de culpabilisation).
Éduquées à nous méfier de nous mêmes, on refoule à notre tour, ce qui aggrave les symptômes dépressifs et/ou anxieux, qui poussent eux-mêmes sur un terrain fertile. Car on cumule les facteurs de risques : fluctuations hormonales durant le cycle menstruel et à la ménopause, dépression post-partum qui concerne 20 % des parturientes, charge mentale, charge émotionnelle, affres de la parentalité solo, violences sexuelles, discriminations sexistes, notamment au travail. Auxquels il convient d’ajouter les petits nouveaux : l’écoanxiété – qui touche davantage les femmes que les hommes, sans doute parce qu’elles sont les premières victimes de la crise climatique – et les violences en ligne – dont les principales victimes, selon Amnesty, sont… je vous laisse deviner.
L’ironie dans l’histoire ? La santé mentale est doublement un problème de femmes, parce que les personnes qui s’en chargent – et sont invitées par le gouvernement à se démerder avec un bout de ficelle élimé et 2 euros – sont, là encore, des femmes. Elles représentent 88 % des psychologues3 qui doivent gérer les conséquences en termes de surcharge de travail et de manque à gagner du « chèque psy », mis en place en février dernier pour soulager le nombre exponentiel d’étudiant·es en souffrance psychique. Tant que la problématique de la santé mentale ne sera pas abordée sous le prisme du genre, elle perdurera. Et s’aggravera.