Alors comme ça, Gabriel Matzneff s’apprêterait à publier, mi-février, Vanessavirus, sa réponse au Consentement de Vanessa Springora, dans lequel elle racontait les années d’emprise qu’il a eues sur elle lorsqu’elle était mineure. L’écrivain est visé par une enquête pour « viols sur mineur » de moins de 15 ans.
L’écrivain déshonoré mérite-t-il seulement la rédaction de cet article écœuré ? Faudrait-il plutôt passer sous silence ses dernières gesticulations pour ne pas le faire mousser de notre rage ? Peut-être. Mais quand même. Vanessavirus. Voici ce que serait le titre du dernier ouvrage de Gabriel Matzneff, dans lequel il se défendrait des accusations d’emprise et de pédocriminalité portées par Vanessa Springora dans Le Consentement.
Se noyer dans une marée de déni, de mauvaise foi et d’irrespect pour la parole de celle qu’on croit avoir aimée mais qu’on a violentée et abusée, soit. C’est dégueulasse, mais on ne peut pas l’en empêcher. Faire de ce déni et de cet irrespect un livre, annoncé comme son « chant du cygne » pour chercher la pitié d’un lecteur malavisé et complice passif de cet aveuglement, voilà un nouveau stade de mépris que Matzneff vient de franchir.
Et puis il y a ce titre, d’abord révélé par Actualitté, puis confirmé par L’Obs ou l’AFP, qui ont eu accès à des témoignages et à un coupon de souscription pour recevoir l’ouvrage. Vanessavirus. Créer un mot-valise composé du prénom de la victime et du nom d’une pandémie mondiale qui fait des millions de morts est un pas supplémentaire dans l’abject. Que veut-il dire ? Faut-il entendre que l’enfant Vanessa fut pour Matzneff une maladie d’amour, qu’il attrapa sans pouvoir s’en défendre ? Ou bien que l’auteur déchu regrette la déflagration du Consentement, cette parole de l’adulte Springora qu’il perçoit comme un poison envahissant une société désormais obligée de rejeter ce qu’elle a un temps permis sans rien dire ?
Il y a aussi les modalités de l’édition de l’ouvrage, là encore corroborées dans différents articles de presse. Désormais fui comme la peste dans le milieu littéraire, Matzneff a dû se résoudre à autoéditer son livre et à lancer une campagne de souscription, par mails et par courriers, aux dernier·ères ami·es – du moins il en est persuadé – qui souhaiteraient le lire. Les tarifs de ladite souscription ont été révélés. 100 euros pour le livre, 650 pour sa version dédicacée : il faut bien que l’artiste trouve de quoi vivre, maintenant qu’il ne bénéficie plus des diverses bourses et protections financières auxquelles il a eu droit durant des années. Des années d’un autre temps, où s’afficher dans les salons main dans la main avec une adolescente de 14 ans n’indisposait personne.
C’est peut-être pour cela qu’on écrit aujourd’hui : la publication de Vanessavirus est une ultime outrance jetée au visage de Vanessa Springora et de toutes ses sœurs abusées. De ce qu’on peut déduire des dernières prises de parole de Matzneff, Vanessavirus serait une ultime tentative pour entraîner son lecteur dans une version ouatée, confortable et esthétique de son emprise. Mais l’époque a changé, et Le Consentement y est d’ailleurs pour quelque chose. Désormais, un pédocriminel aura beau tenter de « rétablir sa vérité » après que sa victime a parlé, nous serons peu nombreux·euses à tomber dans le panneau. Nous ne lirons pas les fantasmes – sous couvert de littérature – d’un homme à l’ego mortifère incapable d’ouvrir les yeux sur le mal qu’il a fait.