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Pourquoi les grandes per­sonnes s'en fichent de la planète ?

Une ques­tion de môme embar­ras­sante ? Des élé­ments de réponse à des­ti­na­tion des parents et… de leurs marmots. 

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1. Les enfants en ligne de mire 

Oui, il y a de quoi être en rogne. Surtout vous, les mioches. Parce que pour vous, c’est la double peine : non seule­ment vous n’êtes pas res­pon­sables de la situa­tion actuelle, vous n’avez pas voix au cha­pitre… mais, en plus, c’est vous qui allez payer le prix fort de la crise envi­ron­ne­men­tale qui s’amorce. Maladies, carences nutri­tion­nelles, expo­si­tion à la cha­leur extrême, dépla­ce­ments de popu­la­tions… « Les enfants repré­sentent un groupe par­ti­cu­liè­re­ment vul­né­rable qui est sus­cep­tible de souf­frir de manière dis­pro­por­tion­née des effets néga­tifs directs et indi­rects du chan­ge­ment cli­ma­tique sur la san­té », aler­tait déjà, en 2015, la pres­ti­gieuse American Academy of Pediatrics. C’est par­ti­cu­liè­re­ment vrai dans les pays pauvres où ont lieu 99 % des décès dus au chan­ge­ment cli­ma­tique. Et 80 % d’entre eux touchent des enfants. Mais « même dans les pays déve­lop­pés, les enfants sont les plus en dan­ger », estime l’Unicef. 

2. Génération éco-anxieuse

Pas très éton­nant donc que la jeune géné­ra­tion se sente direc­te­ment concer­née par les enjeux envi­ron­ne­men­taux. Selon l’enquête annuelle de Kaiser Family Foundation et du Washington Post, qui s’intéressent à la per­cep­tion des enjeux cli­ma­tiques aux États-​Unis, 61 % des ados amé­ri­cains affirment qu’il s’agit d’une ques­tion pri­mor­diale dans leur vie. Comme toi, beau­coup disent se sen­tir en colère (52 %) et effrayés (57 %) face à la pers­pec­tive du chan­ge­ment cli­ma­tique. Ce dont témoignent d’ailleurs un nombre crois­sant de spé­cia­listes de la san­té men­tale à tra­vers le monde. Comme Caroline Hickman, psy­cho­logue bri­tan­nique et membre de la Climate Psychology Alliance : « Les enfants sont de plus en plus nom­breux à souf­frir d’éco–anxiété », déclarait-​elle en sep­tembre 2019, invi­tant les parents à abor­der la question.

3. Les adultes dans le flou 

Le pro­blème, vois-​tu, c’est que les adultes se sentent aus­si dému­nis et flip­pés que vous. Selon un son­dage réa­li­sé à l’été 2019, 78 % des parents fran­çais pensent que la géné­ra­tion de leurs enfants vivra moins bien que la leur, et près de neuf sur dix se disent inquiets pour l’avenir de leur pro­gé­ni­ture. L’angoisse ! D’autant que la culpa­bi­li­té n’est jamais très loin. D’après une enquête menée en 2019 par l’institut YouGoV, 39 % des parents estiment que leur géné­ra­tion a une dette envers les sui­vantes. Alors, quand on leur demande com­ment ils envi­sagent d’aborder la ques­tion avec les plus jeunes, les avis divergent : pour les un·es (42 %), il faut essayer de leur don­ner espoir, pour les autres (29 %), mieux vaut res­ter fac­tuel, quand certain·es (25 %) ont pris le par­ti de pré­pa­rer leurs enfants au pire. Sans comp­ter les hésitant·es (4 %), qui ne savent tout sim­ple­ment pas com­ment s’y prendre. Et on peut les com­prendre, non ?

4. Sensibiliser sans alarmer 

« Toute la dif­fi­cul­té, c’est de sen­si­bi­li­ser les enfants sans les alar­mer », résume Raphaëlle Bove, membre du col­lec­tif Enseignant·e·s pour la pla­nète, ce mou­ve­ment lan­cé en 2019 par une poi­gnée de profs membres d’Extinction Rebellion (voir Causette #104). Enseignante en CP, elle constate que cette ques­tion affecte « énor­mé­ment » ses élèves, « sur­tout quand on com­mence à abor­der des sujets sen­sibles, comme la dis­pa­ri­tion de cer­taines espèces ou le manque d’eau qui touche cer­tains pays. Une fois, j’ai fait une séance sur l’ours polaire, et tous mes élèves se sont mis à pleu­rer », raconte-​t-​elle. Pour évi­ter de nour­rir le catas­tro­phisme, cette ensei­gnante en réseau d’éducation prio­ri­taire (REP) veille donc à sor­tir du seul affect, en don­nant par exemple « beau­coup d’explications ». Ou en pre­nant soin d’évoquer les solu­tions qui peuvent exis­ter : « On n’est pas là juste pour dire : tous ces ani­maux vont dis­pa­raître et vous ne les ver­rez plus jamais ! »

5. L’action comme remède

Pour Raphaëlle Bove, il est essen­tiel de per­mettre aux enfants d’agir à leur échelle. Ce qui ne va pas for­cé­ment de soi à l’école, où la ques­tion de l’urgence cli­ma­tique reste mar­gi­nale. Depuis la ren­trée, collégien·nes et lycéen·nes sont bien censé·es élire un·e éco-délégué·e de classe, et 4 500 éta­blis­se­ments – sur 61 900 – ont décro­ché un label déve­lop­pe­ment durable. Mais le sujet, s’il appa­raît (enfin !) dans les nou­veaux pro­grammes du lycée, n’y figure pas avant le col­lège. D’où l’existence des Enseignant·e·s pour la pla­nète, qui tentent de mettre sur pied des outils un peu plus consé­quents pour aider les profs à mettre en place ces séances de cours… et des actions avec leurs élèves. « Jardins péda­go­giques, sor­ties “nature”, sen­si­bi­li­sa­tion au tri, aux choix de consom­ma­tion… », énu­mère Raphaëlle Bove. « Ça ne veut pas dire que tout va s’arranger pour autant. Mais ame­ner les enfants à être un peu mili­tants, à prendre les choses en main, c’est vrai­ment impor­tant pour eux et pour leur psy­chisme », observe-​t-​elle. Et de conclure : « C’est comme pour les adultes : agir, ça nous fait du bien. » 

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