Une question de môme embarrassante ? Des éléments de réponse à destination des parents et… de leurs marmots.
![Pourquoi les grandes personnes s'en fichent de la planète? 2 Capture d’écran 2020 02 25 à 14.43.15](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2020/02/Capture-d’écran-2020-02-25-à-14.43.15.jpg)
1. Les enfants en ligne de mire
Oui, il y a de quoi être en rogne. Surtout vous, les mioches. Parce que pour vous, c’est la double peine : non seulement vous n’êtes pas responsables de la situation actuelle, vous n’avez pas voix au chapitre… mais, en plus, c’est vous qui allez payer le prix fort de la crise environnementale qui s’amorce. Maladies, carences nutritionnelles, exposition à la chaleur extrême, déplacements de populations… « Les enfants représentent un groupe particulièrement vulnérable qui est susceptible de souffrir de manière disproportionnée des effets négatifs directs et indirects du changement climatique sur la santé », alertait déjà, en 2015, la prestigieuse American Academy of Pediatrics. C’est particulièrement vrai dans les pays pauvres où ont lieu 99 % des décès dus au changement climatique. Et 80 % d’entre eux touchent des enfants. Mais « même dans les pays développés, les enfants sont les plus en danger », estime l’Unicef.
2. Génération éco-anxieuse
Pas très étonnant donc que la jeune génération se sente directement concernée par les enjeux environnementaux. Selon l’enquête annuelle de Kaiser Family Foundation et du Washington Post, qui s’intéressent à la perception des enjeux climatiques aux États-Unis, 61 % des ados américains affirment qu’il s’agit d’une question primordiale dans leur vie. Comme toi, beaucoup disent se sentir en colère (52 %) et effrayés (57 %) face à la perspective du changement climatique. Ce dont témoignent d’ailleurs un nombre croissant de spécialistes de la santé mentale à travers le monde. Comme Caroline Hickman, psychologue britannique et membre de la Climate Psychology Alliance : « Les enfants sont de plus en plus nombreux à souffrir d’éco–anxiété », déclarait-elle en septembre 2019, invitant les parents à aborder la question.
3. Les adultes dans le flou
Le problème, vois-tu, c’est que les adultes se sentent aussi démunis et flippés que vous. Selon un sondage réalisé à l’été 2019, 78 % des parents français pensent que la génération de leurs enfants vivra moins bien que la leur, et près de neuf sur dix se disent inquiets pour l’avenir de leur progéniture. L’angoisse ! D’autant que la culpabilité n’est jamais très loin. D’après une enquête menée en 2019 par l’institut YouGoV, 39 % des parents estiment que leur génération a une dette envers les suivantes. Alors, quand on leur demande comment ils envisagent d’aborder la question avec les plus jeunes, les avis divergent : pour les un·es (42 %), il faut essayer de leur donner espoir, pour les autres (29 %), mieux vaut rester factuel, quand certain·es (25 %) ont pris le parti de préparer leurs enfants au pire. Sans compter les hésitant·es (4 %), qui ne savent tout simplement pas comment s’y prendre. Et on peut les comprendre, non ?
4. Sensibiliser sans alarmer
« Toute la difficulté, c’est de sensibiliser les enfants sans les alarmer », résume Raphaëlle Bove, membre du collectif Enseignant·e·s pour la planète, ce mouvement lancé en 2019 par une poignée de profs membres d’Extinction Rebellion (voir Causette #104). Enseignante en CP, elle constate que cette question affecte « énormément » ses élèves, « surtout quand on commence à aborder des sujets sensibles, comme la disparition de certaines espèces ou le manque d’eau qui touche certains pays. Une fois, j’ai fait une séance sur l’ours polaire, et tous mes élèves se sont mis à pleurer », raconte-t-elle. Pour éviter de nourrir le catastrophisme, cette enseignante en réseau d’éducation prioritaire (REP) veille donc à sortir du seul affect, en donnant par exemple « beaucoup d’explications ». Ou en prenant soin d’évoquer les solutions qui peuvent exister : « On n’est pas là juste pour dire : tous ces animaux vont disparaître et vous ne les verrez plus jamais ! »
5. L’action comme remède
Pour Raphaëlle Bove, il est essentiel de permettre aux enfants d’agir à leur échelle. Ce qui ne va pas forcément de soi à l’école, où la question de l’urgence climatique reste marginale. Depuis la rentrée, collégien·nes et lycéen·nes sont bien censé·es élire un·e éco-délégué·e de classe, et 4 500 établissements – sur 61 900 – ont décroché un label développement durable. Mais le sujet, s’il apparaît (enfin !) dans les nouveaux programmes du lycée, n’y figure pas avant le collège. D’où l’existence des Enseignant·e·s pour la planète, qui tentent de mettre sur pied des outils un peu plus conséquents pour aider les profs à mettre en place ces séances de cours… et des actions avec leurs élèves. « Jardins pédagogiques, sorties “nature”, sensibilisation au tri, aux choix de consommation… », énumère Raphaëlle Bove. « Ça ne veut pas dire que tout va s’arranger pour autant. Mais amener les enfants à être un peu militants, à prendre les choses en main, c’est vraiment important pour eux et pour leur psychisme », observe-t-elle. Et de conclure : « C’est comme pour les adultes : agir, ça nous fait du bien. »