Tutos beau­té des réseaux sociaux : pulpe fiction

Bien naïve celle qui n’utilise son rou­leau de cel­lo­phane, ses cou­verts et ser­viettes hygié­niques que comme de simples objets de la vie quo­ti­dienne. Pour la ména­gère 2.0, il y a der­rière chaque banal usten­sile tout un monde d’astuces beau­té à décou­vrir. Pourquoi ne pas s’enrouler dans ledit film plas­tique pour apla­tir ses bour­re­lets, se piquer les lèvres à la four­chette pour les rendre pul­peuses (ben oui, ça excite les vais­seaux), ou encore col­ler les pro­tec­tions mens­truelles sous votre tee-​shirt pour cacher la trans­pi­ra­tion ? Malinx, le lynx. Tel est le genre de « tips » (astuces), sous forme de tutos Do It Yourself, en vogue sur cer­taines chaînes beau­té des réseaux sociaux à des­ti­na­tion des 14–35 ans.

Indiana Jones du make-up

Parmi les plus connues, Beauty Tips et Grain de beau­té. Res­pectivement 1 et 4,7 mil­lions de spec­ta­trices par épi­sode chaque mois rien qu’en France, selon leurs créa­trices inter­ro­gées par Causette. Pas moins de 12 mil­lions de vues reven­di­quées pour Beauty Hacks, la ver­sion US de Grain de beau­té. Sur leurs comptes Snapchat, Instagram ou Facebook, de courtes vidéos vita­mi­nées où jolies Millennials et influen­ceuses (par­fois des hommes et même une per­sonne âgée chez Beauty Hacks, on note), façon Indiana Jones du make-​up, s’aventurent hors des sen­tiers bat­tus de la rou­tine beau­té. Jusqu’à – entre deux tutos de masques natu­rels ou de tech­niques récup par­fois habiles – virer à l’absurde. Se faire de fausses taches de rous­seur en tapo­tant son nez avec une four­chette préa­la­ble­ment trem­pée dans du fard à pau­pières et… de la colle ? « C’est sûre­ment pour ajou­ter un cous­si­net sur les pics et rendre le geste agréable », se défend Melody Madar, cofon­da­trice de Beauty Tips. Enfiler deux soutiens-​gorge au risque de contraindre sa res­pi­ra­tion pour « gagner une taille » de poi­trine ? « Beaucoup le font déjà. Ça n’est pas nocif », rétorque Paula Layoun, à l’origine de Grain de beau­té. Rassurons-​nous, garan­tissent les deux entre­pre­neuses avec bonne volon­té, « toutes les astuces sont tes­tées et approu­vées par nos beau­ty experts », trois « pas­sion­nées » d’un côté, une « chi­miste en cos­mé­tique » de l’autre. On admire la dévo­tion si elles sont allées jusqu’à se scot­cher les seins en soi­rée pour plus de main­tien sur le dan­ce­floor, comme le sug­gère une vidéo.

Mais bon, argu­ment impa­rable : « On répond à de réels besoins expri­més par notre com­mu­nau­té. » C’est vrai que l’on se deman­dait depuis long­temps com­ment recy­cler notre aloe vera mai­son en maté­riel beau­té (réponse : en gel à sour­cils), notre Stabilo fluo (réponse : trempez-​le dans de l’eau micel­laire pour en faire un sty­lo déma­quillant) ou notre protège-​slip (réponse : en guise de cous­sin à bre­telles de soutien-​gorge pour ne pas avoir mal aux épaules). « Parfois, déplore Paula Layoun, ce sont des blagues et les gens ne le com­prennent pas. » C’est qu’entre le fond de teint attrape-​couillon pour sculp­ter ses abdos, le contou­ring appli­qué à la pince à épi­ler, le cache-​téton en bal­lon de bau­druche et tout le reste, on aurait peut-​être, cette fois-​ci, besoin d’un « tip » pour dis­tin­guer le lard du cochon.