78 femmes à qui l’on a posé des bandelettes contre l'incontinence ou la descente d'organes ont porté plainte. Elles dénoncent un scandale de grande ampleur et demandent l’interdiction de ces actes. A cette occasion nous vous proposons de relire notre article sur le sujet, paru en mai 2022.
![Fuites urinaires : gare aux bandelettes 1 Causette bandelettes CMJN](https://www.causette.fr/wp-content/uploads/2022/05/Causette-bandelettes-CMJN-434x1024.jpg)
« Brûlures vaginales », « impression d’être cisaillée de l’intérieur », c’est ainsi que Nathalie décrit les douleurs survenues à la suite de la pose d’une bandelette sous-urétrale, en décembre 2019. À 49 ans, elle consulte pour des fuites urinaires à l’effort, qui « l’enquiquinent ».
Selon l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), l’incontinence urinaire touche environ 25 à 40 % des femmes et la pose de bandelettes sous-urétrales par voie vaginale constitue la méthode chirurgicale la plus répandue. L’intervention, réalisée en ambulatoire, dure vingt à trente minutes. Placée sous l’urètre, la bandelette va agir comme un hamac pour prévenir les fuites, en soutenant l’urètre durant l’effort. Trente mille bandelettes sont posées chaque année. Si, pour certaines femmes, les résultats sont au rendez-vous, pour un nombre non négligeable d’entre elles, c’est le début d’un véritable calvaire.
De vives douleurs
Comme Nathalie, Florence* a ressenti de fortes douleurs après la pose d’une bandelette sous-urétrale, en 2015 : « Je ne pouvais plus bouger la jambe gauche, je devais faire pipi debout. » Elle rapporte aussi d’importants troubles sexuels : « Mon clitoris a perdu beaucoup de sensibilité, je ne sens presque plus rien. J’avais une sexualité très épanouie et très active. Il y a eu un avant et un après. » Les douleurs et troubles de la sexualité sont des complications qui peuvent faire suite à la pose de cet implant. Pourtant, Florence explique ne pas en avoir été informée : « Peut-être que si j’avais su, je n’aurais pas donné mon consentement. »
Pour Sabine, même expérience. En 2012, elle se fait poser une bandelette : « On m’a parlé d’une petite intervention de trente minutes qui me débarrasserait de mes fuites. J’ai fait totalement confiance. » Quelque temps après l’opération, elle ressent des douleurs. « Je me suis débrouillée comme j’ai pu pour pouvoir continuer à travailler, indique-t-elle. C’était des journées de cauchemar, à serrer les dents. » Sabine est en arrêt de travail depuis trois ans et s’apprête à être licenciée pour « inaptitude ».
Obligation d'informer
Les douleurs décrites par Nathalie, Florence et Sabine sont connues comme étant des complications possibles de la pose de bandelettes, surtout celles dites « TOT ». Il existe deux voies anatomiques de pose. La rétropubienne (TVT), qui passe au-dessus du pubis, et la transobturatrice (TOT), qui passe au-dessous. C’est cette dernière qui a été utilisée pour les trois femmes. Lors d’un congrès sur les complications de la chirurgie de l’incontinence urinaire d’effort féminine, le professeur Jérôme Rigaud, chef du service d’urologie du CHU de Nantes, expliquait : « Il y a globalement plus de douleurs avec les TOT. À Nantes, on ne les aime pas trop. » Un avis partagé par le professeur Xavier Gamé, chirurgien urologue au CHU de Toulouse : « Personnellement, je ne mets que des TVT pour cette raison-là. » Bien qu’elles engendrent plus de douleurs que les TVT, ce sont majoritairement les TOT, dont la pose est plus rapide et plus simple, qui sont implantées. Et les patientes ne sont pas informées du type de bandelette dont elles vont hériter.
Depuis un arrêté d’octobre 2020, il est désormais obligatoire d’informer les patientes sur toutes les complications possibles, les deux types de techniques chirurgicales existantes, et de leur dire que la bandelette s’intègre dans les tissus de manière définitive. « Nous ne leur disions pas nécessairement que ces dispositifs ne sont pas conçus pour être retirables », indique le professeur Gamé.
Errance et déni médical
Les patientes qui souffrent de complications sont donc contraintes d’errer de médecin en médecin à la recherche d’un chirurgien capable de leur ôter la bandelette. Et elles sont parfois confrontées à un obstacle de taille : le déni de certain·es praticien·nes. « J’ai parlé de mes douleurs à mon médecin plusieurs fois et, à chaque fois, il m’a dit que tout était normal. Je ne me suis pas sentie écoutée », se rappelle Florence. « On m’a dit que c’était dans ma tête, on a même sous-entendu que j’avais peut-être un problème de couple ! » se remémore Nathalie.
Le professeur Rigaud est pourtant clair : « Les complications après bandelettes sont loin d’être rares, 12 % environ. Il faut remettre en question de manière systématique la chirurgie qui a été faite, il y a probablement un lien entre la chirurgie et les symptômes. » Lorsque, enfin, elles trouvent un·e médecin qui fait la connexion entre les complications et la bandelette, ces femmes ne peuvent parfois rien faire, soit parce que la·le médecin ne sait pas les enlever, soit parce que ce serait trop dangereux. « Le problème des bandelettes, c’est qu’elles n’ont jamais été conçues ni imaginées comme un dispositif qu’on peut retirer, explique le professeur Gamé. S’il y a eu une première tentative d’ablation plus ou moins complète et que des morceaux ont été laissés, c’est un vrai problème, car c’est très difficile de les retrouver après », poursuit-il.
Se faire retirer sa bandelette
Pour ces raisons et après trois opérations infructueuses, Nathalie a décidé, en octobre 2021, de partir aux États-Unis pour se faire retirer entièrement sa bandelette. Le docteur Veronikis, dans le Missouri, s’est spécialisé dans l’extraction d’implants pelviens. « Il m’a tout enlevé, l’intervention a duré deux heures. » Après l’opération, le chirurgien envoie aux patientes une photo de la bandelette qui a été retirée. « Il m’a dit que mon vagin était un champ de bataille et que j’avais l’urètre à la limite de la perforation, indique Nathalie. Depuis, ça va nettement mieux, j’ai repris le travail et 80 % de mes douleurs ont disparu. »
Pour s’en débarrasser, elle a dû payer en tout près de 30 000 euros… Un coût élevé que toutes les femmes ne peuvent pas assumer. Elles sont alors obligées de continuer à supporter leurs vives douleurs. À ce jour, le nombre de femmes avec des complications graves à la suite d’une pose de bandelette sous-urétrale n’est pas connu, les signalements n’étant pas systématiquement remontés à l’ANSM. Contactée à ce sujet, cette dernière n’a pas donné suite à nos sollicitations.
*Le prénom a été modifié